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CONTRIBUTION<br />
brutal coup d’arrêt, comme le fera celle<br />
de l’Allemagne un demi-siècle plus<br />
tard. La Seconde Guerre mondiale<br />
prolonge et amplifie le phénomène<br />
de dépeuplement enclenché trente<br />
ans plus tôt. Mais alors que l’on<br />
pourrait désespérer, deux faits<br />
majeurs interviennent qui vont, en<br />
peu d’années, changer radicalement la<br />
pyramide des âges de la France.<br />
La politique familiale, lucidement<br />
relancée par la création des allocations<br />
familiales au lendemain, atténue puis<br />
efface le creux démographique. Le<br />
« baby boom » relance la croissance<br />
démographique qui passe de quarante<br />
à soixante puis soixante-dix millions<br />
d’habitants. La reprise économique<br />
des « trente glorieuses » initiée par<br />
la Quatrième République, ouvre en<br />
grand la vanne des besoins en maind’œuvre.<br />
C’est l’arrivée voulue et<br />
organisée de centaines de milliers<br />
d’ouvriers qui vont être les acteurs<br />
d’un miracle économique qui replace<br />
la France dans le peloton de tête des<br />
pays industrialisés.<br />
Les Algériens en constituent le<br />
contingent le plus nombreux. La<br />
guerre d’indépendance, quelque<br />
meurtrière qu’elle ait été, ne marque<br />
aucune rupture entre les deux peuples.<br />
Elle n’empêche pas le départ pour<br />
les régions les plus industrialisées<br />
de l’agglomération parisienne de<br />
travailleurs qui bénéficient du double<br />
avantage de la langue et de la proximité.<br />
Progressivement étendue aux familles,<br />
cette immigration s’effectue dans des<br />
conditions matérielles inégales qui vont<br />
de l’inconfort de quartiers « ghettoïsés<br />
» à l’intégration pure et simple au<br />
sein de la population française. Des<br />
communautés se constituent dans<br />
des villes comme Marseille où la<br />
solidarité intracommunautaire se<br />
manifeste le plus fortement et où le<br />
poids démographique trouve une<br />
traduction électorale, donc politique.<br />
Des élus d’origine algérienne<br />
participent pleinement la gestion des<br />
affaires publiques, et pas seulement<br />
au niveau local. Il devient habituel<br />
de recenser des ministres d’origine<br />
algérienne et l’intégration, longtemps<br />
jugée impossible par des esprits<br />
conservateurs, de Français issus de<br />
l’immigration, au sein de la nation,<br />
s’effectue sensiblement mieux que<br />
prévu.<br />
D’autres groupes ethniques ne<br />
connaissent pas la même évolution<br />
positive. Soit parce qu’eux-mêmes la<br />
rejettent, soit parce qu’ils subissent<br />
les effets d’un racisme larvé.<br />
L’incompréhension mutuelle naît<br />
de ces exclusions qui, encore une<br />
fois, ne sont pas à sens unique. Mais<br />
s’il est difficile de vivre ses propres<br />
différences au sein d’une nation où<br />
l’on se sent et se sait minoritaire,<br />
pour des raisons diverses, allant de la<br />
couleur de la peau à la religion, des<br />
efforts réels sont déployés dans le sens<br />
d’une meilleure interpénétration des<br />
cultures et des comportements, tant<br />
la France conserve, comme les autres<br />
pays latins, Espagne, Italie, Portugal,<br />
une formidable capacité d’assimilation<br />
et d’intégration.<br />
Globalement, si l’on veut bien ne pas<br />
accorder aux propos d’une infime<br />
minorité, une importance qu’ils<br />
ne méritent pas, on peut admettre<br />
que, petit à petit, l’intégration des<br />
personnes issues de l’immigration<br />
s’opère. Cela commence à l’école,<br />
où les élèves d’origine étrangère ne<br />
rencontrent aucune difficulté légale à<br />
suivre des scolarités normales, ce dont<br />
on prend la mesure en considérant<br />
l’accession à l’enseignement supérieur<br />
de jeunes filles et de jeunes gens issus<br />
de quartiers dits défavorisés. Cela se<br />
confirme dans la réussite aux concours<br />
de la fonction publique et dans<br />
l’entrée dans des professions libérales,<br />
médecins, avocats, autrefois réservées<br />
de facto à des étudiants plutôt «<br />
bourgeois ». Cela continue avec ces<br />
nombreux expatriés de la banque<br />
ou des professions de la finance qui<br />
réussissent à Londres ou à Bruxelles.<br />
L’univers politique suit le mouvement<br />
: il est devenu courant de trouver<br />
des candidats d’origine maghrébine<br />
ou africaine sur les listes aux divers<br />
scrutins, dans les entourages des<br />
parlementaires, dans les cabinets<br />
ministériels, et dans les états-majors<br />
des partis. Les formations de la<br />
droite nationaliste et de l’extrêmedroite<br />
ne font pas exception à cette<br />
pratique, sans doute parce qu’ils<br />
en espèrent un profit électoral. Au<br />
fond, qu’importe si le résultat en est<br />
la promotion de nouvelles élites et<br />
un réel renouvellement de la classe<br />
dirigeante.<br />
Ce renouvellement de la sélection<br />
a, à la vérité, plusieurs origines. La<br />
première et la moins discutée procède<br />
de la création de l’école laïque,<br />
républicaine ET obligatoire. C’est<br />
l’égalité des chances. L’instruction<br />
devenue un devoir devient le levier<br />
de tant de réussites personnelles<br />
qu’elle brasse en profondeur la société<br />
française et fait émerger quantité de<br />
nouveaux talents. Seuls restent en<br />
marge ceux qui, précisément, ne sont<br />
pas admis à l’école. Ce que souligne<br />
merveilleusement bien Yasmina<br />
Khadra tout au long de son œuvre.<br />
La seconde est moins revendiquée, et<br />
pour cause, puisqu’elle procède de la<br />
« philosophie » de l’Etat français, c’està-dire<br />
de la pensée de Philippe Pétain.<br />
Le vieux maréchal, non sans bon sens,<br />
insiste sur le profit que doit retirer<br />
la France d’une sélection rigoureuse<br />
des élèves et des étudiants. Enfin,<br />
bien plus tard, en 1990, Jean-Pierre<br />
Chevènement, ministre de la Défense,<br />
ouvre la porte d’une nouvelle étape<br />
en créant des contingents particuliers<br />
pour ceux qu’il dénomme les JFOM, les<br />
« jeunes Français d’origine maghrébine<br />
». C’est le doigt dans l’engrenage de la<br />
discrimination positive qui initie un<br />
débat encore actuellement en cours.<br />
La discrimination positive mise en<br />
pratique par le directeur de l’Institut<br />
d’études politiques de Paris, Richard<br />
Descoings, interpelle sur le moment<br />
l’opinion publique et la classe politique<br />
mais les incidents frisant l’émeute qui<br />
interviennent dans les banlieues en<br />
2006 poussent à l’adoption d’une loi qui<br />
pose les bases d’une modification en<br />
profondeur de la seule sélection par le<br />
mérite et institue une Agence nationale<br />
pour la cohésion sociale et l’égalité<br />
des chances (ACSE) pour donner un<br />
coup de pouce supplémentaire à ceux<br />
pour qui la race, la condition sociale,<br />
le milieu familial représentent des<br />
handicaps. La France se dote même<br />
Avril 2016<br />
N° 96 El-Djazaïr.com 173