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CONTRIBUTION<br />

rudimentaires. On ne peut cultiver<br />

plus de terre que les bras de l’homme<br />

ne le permettent. Réciproquement, on<br />

a besoin de terre pour faire pousser les<br />

plantes vivrières ou paître les animaux<br />

domestiques.<br />

A l’émigration justifiée par l’exigence<br />

de l’espace vital s’ajoute bientôt la<br />

conquête guerrière qui trouve son<br />

explication sinon sa justification dans<br />

l’ambition de la classe qui domine au<br />

sein de chaque société ou de chaque<br />

peuple d’étendre son emprise sur des<br />

terres plus vastes, c’est l’émigration de<br />

l’accaparement.<br />

Enfin viennent, à une époque plus<br />

récente, les mouvements massifs<br />

qu’exige la simple nécessité de vivre, de<br />

la part de peuples entiers condamnés à<br />

l’exil pour survivre, c’est l’émigration<br />

de la misère ou du désespoir.<br />

Sans remonter au déluge, mais en se<br />

référant aux livres et aux signes, telles<br />

les hiéroglyphes, qui sont la mémoire<br />

des plus anciens peuples, on constate<br />

que la transhumance est tôt entrée<br />

dans les habitudes de nos ancêtres. Le<br />

mot « exode » qui signifie littéralement<br />

« départ en grand nombre » s’est<br />

appliqué à de nombreuses migrations.<br />

Celle du second livre du Pentateuque<br />

dans l’Ancien Testament, relatant le<br />

départ des juifs d’Egypte, initie une<br />

longue série, les royalistes quittant la<br />

France révolutionnaire, les Irlandais<br />

chassés par la famine et la maladie de<br />

la pomme de terre vers l’Amérique,<br />

les Français fuyant l’avance de la<br />

Wehrmacht en 1940, les Allemands<br />

celle de l’Armée Rouge en 1945,<br />

les Palestiniens celle de Tsahal, les<br />

Vietnamiens celle du Viêt-Cong,<br />

pendant et à l’issue de la guerre du<br />

Vietnam, avec la variante tragique des<br />

« boat people », celle des chrétiens<br />

d’Orient en Irak puis en Syrie. Nous<br />

observons au passage une accélération<br />

de ces départs qui présentent cette<br />

caractéristique commune d’être<br />

imposés, par la nature ou par les<br />

hommes et de provoquer des drames<br />

humains considérables.<br />

Les grandes migrations sont ressenties<br />

par les populations « indigènes » – ce<br />

que sont les Européens relativement<br />

aux populations immigrées, ou<br />

les Africains par rapport aux<br />

expatriés – comme plus ou moins<br />

spoliatrices, alors que les émigrés ne<br />

se sentent que rarement emportés par<br />

l’enthousiasme du départ. Surtout<br />

quand la contrainte est la modalité<br />

retenue, le plus choquant exemple<br />

étant la transportation, euphémisme<br />

qui désigne le voyage forcé des<br />

esclaves qui ajoutent à leur infortune<br />

la privation de liberté. Il y a un monde<br />

entre le Syrien ou l’Erythréen qui<br />

échoue sur les côtes calabraises et la<br />

femme enlevée ou achetée en Afrique<br />

subsaharienne pour échouer dans une<br />

« maison » en Arabie ou, à la rigueur, à<br />

Paris ou à Londres.<br />

Il ne peut qu’être pris acte du<br />

phénomène, dont l’accroissement<br />

de la population mondiale accentue<br />

l’ampleur et la fréquence. Nulle<br />

force au monde ne peut interdire<br />

aux malheureux de fuir pour<br />

leur survie, physique, matérielle,<br />

politique, sociale, tant les menaces<br />

qui pèsent sur l’intégrité physique<br />

et morale des hommes prennent des<br />

formes sans cesse renouvelées. La<br />

communauté internationale le sait,<br />

elle qui met en place des structures,<br />

non d’interdiction, mais de traitement<br />

du problème. L’UNHCR, le Haut<br />

Commissariat pour les Réfugiés, le<br />

FAMI, le Fonds Asile, Migrations et<br />

Intégration de l’Union européenne,<br />

doté de 7 milliards d’euros pour les<br />

dix prochaines années, sont parmi les<br />

organisations les plus actives. Certains<br />

pays arabes, comme le Koweït,<br />

approvisionnent également des<br />

financements conséquents. Il est donc<br />

désormais acquis que les déplacements<br />

massifs de population doivent être<br />

traités comme de véritables problèmes<br />

internationaux et que la solidarité<br />

envers cette forme d’exclusion doit<br />

s’exprimer au- delà des frontières.<br />

C’est un nouveau chapitre de l’histoire<br />

des relations internationales et, plus<br />

précisément, de celle des droits de<br />

l’homme qui s’est ainsi ouvert et dont,<br />

paradoxalement, le vieux continent a<br />

posé les premiers principes.<br />

L’intrusion occidentale sur les<br />

continents voisins de l’Afrique et<br />

de l’Amérique a pris deux formes<br />

successives. La première est celle du<br />

commerce triangulaire entre l’Europe<br />

et les deux autres continents, par<br />

l’achat d’esclaves à des prédateurs<br />

africains, leur embarquement à partir<br />

de comptoirs maritimes comme l’île<br />

de Gorée au Sénégal et leur transport<br />

à travers l’Océan Atlantique jusqu’aux<br />

plantations de la Louisiane, de la<br />

Géorgie, de la Virginie et des îles<br />

antillaises, anglaises, françaises et<br />

hollandaises, puis, au retour vers les<br />

ports européens, de produits agricoles,<br />

coton, rhum, bananes et agrumes. Ce<br />

commerce très lucratif cesse au milieu<br />

du dix-neuvième siècle, en réalité plus<br />

tôt, quand l’Assemblée Constituante<br />

abolit l’esclavage, que rétablit bientôt<br />

le nouvel empereur des Français.<br />

Les conditions dans lesquelles<br />

intervient la fin de ce déshonneur de<br />

l’humanité sont cependant tellement<br />

controversées, qu’elles provoquent<br />

une crise très grave au sein de la<br />

société américaine et le déclenchement<br />

d’une tentative de partition. Ce sera<br />

la guerre de Sécession, qui manque<br />

d’emporter la jeune démocratie. Les<br />

choses se passent beaucoup mieux<br />

aux Antilles françaises puisque, dès<br />

la Seconde République et la seconde<br />

abolition, des élus de couleur s’en<br />

vont siéger à la Chambre des députés.<br />

Dès lors, progressivement, se crée un<br />

courant de migrations, d’une rive à<br />

l’autre de l’Atlantique. Le brassage des<br />

populations « blanche » et « noire » crée<br />

une catégorie particulière de citoyens,<br />

les mulâtres, dont les représentants<br />

les plus marquants investissent les<br />

instances politiques, professionnelles<br />

avec un penchant pour les carrières<br />

médicales voire économiques, bien<br />

que les « békés » les blancs établis en<br />

Guadeloupe, Guyane, Martinique et<br />

Réunion, celle- ci dans l’Océan Indien,<br />

gardent la main sur les secteurs<br />

productifs et commerciaux des îles.<br />

De ces ultramarins qui réussissent,<br />

Gaston Monnerville, Félix Eboué,<br />

Aimé Césaire, Simone Schwartz-Bart<br />

et Frantz Fanon émergent et la nuée de<br />

professeurs de médecine, d’avocats,<br />

d’écrivains devenus et reconnus<br />

comme grands et talentueux leur<br />

fait un beau cortège. S’il est un point<br />

Avril 2016<br />

N° 96 El-Djazaïr.com 171

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