tome 3 - Le Rapport Ponce Pilate-The Pontius Pilate Report

même dû distinguer cette tache en forme de cœur inversé située sur le
dessus du poignet de Jésus. Elle avait alors réalisé que ce n’était pas la
dépouille mortelle de son fils que Joseph allait enterrer. Elle n’avait osé en
parler à quiconque. Cependant, juste avant qu’il ne parte pour la Galilée,
Jean l’avait rencontrée et, devant lui, se libérant du carcan qui broyait son
esprit, elle s’était confessée.
Méditatif, Jésus pensa que l’absence de cette tache n’avait pas été
visible lors de la crucifixion de Judas car le haut du poignet avait été
plaqué sur la traverse de la croix. Pilate avait bien veillé à faire occulter
l’absence de cette tache, tache qui avait permis à l’époque pour Jésus de se
faire identifier formellement par les Esséniens comme le fils de Joseph de
Nazareth, descendant du roi David et né à Bethléem.
– Que va-t-on faire avec ma mère ? demanda Jésus.
– J’ai déjà pris mes dispositions. Elle restera à Jérusalem. Elle ne
manquera de rien… je veux dire financièrement…
La promesse que Jean avait faite à Judas sur la croix, celle de veiller sur
Marie, se concrétisait curieusement.
– Elle m’a dit également qu’elle voulait te revoir…
Jésus hocha imperceptiblement la tête. Il ne savait pas s’il pouvait la
revoir. Il ne pouvait agir aussi librement qu’il le désirait. Pilate le tenait
dans une main de fer.
Jésus se souvint de la fois où il l’avait retrouvée après des années de
séparation.
Cana…
Elle ne l’avait pas revu depuis sa fuite vers l’Orient. Et lorsqu’elle était
entrée dans la demeure de Cana où se trouvaient les convives du mariage,
elle n’avait pas reconnu son enfant : elle avait cru être en présence d’un
fantôme rajeuni d’Hérode le Grand. La même haute stature, la barbe
soignée et les cheveux longs bouclés, les yeux d’un bleu identique, Jésus
était le portrait presque parfait de son père. Elle avait fini par réaliser
qu’elle était en présence de son propre fils. Cependant, celui-ci n’avait pu
lui parler librement et il s’était montré distant avec elle.
Lors de son infiltration au sein de la communauté essénienne, mû par un
pressentiment, il avait affirmé que son père et sa mère étaient morts depuis
des années et qu’il n’avait plus de proche famille. Par la suite, son sixième
sens lui avait donné raison : si le chef de l’Ordre avait pu mettre la main
sur sa mère, nul doute qu’il s’en serait servi comme d’un moyen de
pression pour faire œuvrer le Christ à ses exigences, n’hésitant pas à
l’enlever et la tuer le cas échéant.
Si elle était découverte, elle encourrait un grave danger. À Cana, ne
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