tome 3 - Le Rapport Ponce Pilate-The Pontius Pilate Report

Deux mains fines se posèrent sur les yeux de Jésus.
Il les enleva délicatement, les embrassa avec douceur, puis il se tourna.
Jean était là, le regardant tendrement, comme voulant croquer ces deux
iris semblables à des pommes bleues.
Jean, mon âme sœur…
Jésus tendit le cou. Jean fit de même et les deux hommes s’embrasèrent
longuement, la bouche ouverte, la langue de l’autre cherchant celle de son
double éthéré. Le cœur de Jésus battait la chamade, il se sentait pousser des
ailes.
Les ailes de l’amour.
Jésus décolla sa bouche de son amant et scruta ces yeux qui brillaient
comme deux pierres précieuses. Dans les lames de cet océan amande et
clair, Jésus surprit un reflet coquin. Jean lui murmura quelques mots à
l’oreille. Dans l’écho de cette voix sucrée, Jésus crut que tout son être
basculait et il sourit tendrement.
– Je t’aime, susurra-t-il.
– Moi aussi…
L’histoire d’amour entre Jésus et Jean avait débuté le jour même de leur
rencontre à Qumran. Depuis lors, ce sentiment réciproque n’avait jamais
cessé de les animer. Quand Jésus avait annoncé qu’il allait unir son âme
avec Maria, Jean n’en fut nullement affecté. Ce dernier savait que son
amant était capable d’offrir un noble amour à un grand nombre, un amour
divin et qu’il était égoïste que de vouloir se l’accaparer tout seul.
Jean resta dans l’ombre de Maria et elle ignora tout de la liaison des
deux hommes : connaissant la mutine nature encore immature de Maria,
Jésus ne voulait pas qu’elle lui impose un impossible choix entre elle et
Jean.
Les apôtres, eux, connaissaient les deux êtres que le Christ portait dans
son cœur. De leur vision étroite, certains estimaient que cela était un
scandale, mais ils ne le divulguèrent jamais de peur de briser la foi du
peuple envers le Seigneur. Et puis, si telle était sa volonté, qui étaient-ils
pour juger le Fils de Dieu ? Le chef de l’Ordre, voyant en Jésus le candidat
incontournable pour incarner son Christ essénien, ferma également les
yeux sur cette passion après qu’on lui en eut rapporté les faits.
Sobrement, on désigna Jean sous le terme du « disciple que Jésus aimait »
et rien d’autre ne transpira. Après la résurrection du Christ, le « Saint-
Esprit » de Pilate avait fustigé l’amour entre deux hommes. Pour l’heure,
avec le recul, Jésus se demandait si le procurateur n’avait pas émis ce dogme
pour discréditer le Christ par la suite, si son union avec Jean avait été connue
de tous.
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