Bilan des acquisitions de 1984 - Musée des Augustins

Mais une région n'est elle-même que si elle est en mesure
de se comparer et de vivre l'échange actif avec les autres
régions, problème qui devient d'une actualité et d'une
importance toutes particulières au moment de la décentralisation.
La Ville de Toulouse, par l'action personnelle des
adjoints qui se sont succédé à la direction du Patrimoine,
Maître Ourliac, Monsieur le Professeur Krynen, Maître
Sudre et par l'apport de la Commission Technique des
Beaux-Arts et des personnalités qui la composent, nous a
permis d'étendre notre action à la constitution d'une collection
qui puisse témoigner de références pertinentes par
rapport à un certain type de création artistique qui s'est
développée en France dans les trente dernières années,
création dont l'impact sur la peinture à Toulouse a été très
sensible et à laquelle nombre de peintres de notre région
ont apporté leur propre invention originale. Le paysagisme
abstrait, le lyrisme expressif de la couleur informelle formant
l'image picturale autonome, l'expressionnisme
découlant d'un tel traitement non figuratif de la matière
picturale, même en des images insolites et dénonciatrices
de la figure humaine, ont particulièrement été envisagés, en
recherchant d'abord des oeuvres de maîtres reconnus dans
l'investigation de cette "abstraction lyrique ", Schneider,
Bissière, Hartung, Soulages, oeuvres auxquelles on pouvait,
dès lors, confronter celles des artistes de notre région,
comme Marfaing, Igon, Denax, qui, dans cette même voie,
participent à l'enrichissement de la création. Cette orientation
a débouché sur les retours figuratifs expressionnistes
du traitement brutal de la matière picturale, acceptée
comme telle, avec Lindstrom ou Christoforou et il a paru
intéressant de mettre en rapport avec cette nouvelle figuration
fondée sur l'expressivité même des composants de la
peinture, la poétique bricolée d'un Robert Thon, ou les
" palimpsestes " d'un Jean-Paul Héraud qui, à travers son
interrogation de Mantegna et son expérience pratique et
spirituelle de l'expression graphique de la souffrance dans
les enregistrements d'électro-cardiogrammes et d'encéphalogrammes,
invente à sa manière, un expressionnisme nonfiguratif
d'une étonnante richesse.
Parallèlement à l'action d'enrichissement des collections,
les expositions permettaient de mieux montrer l'extension
des différents types de recherches impliqués dans ces courants
picturaux et, plus particulièrement, les expositions
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"empreinte, geste, surface " et "empreinte, trace, volume
", organisées l'an dernier au Musée et au Réfectoire des
Jacobins, à l'occasion desquelles nous avons pu acquérir
une oeuvre importante d'Olivier Debré, ont été le lieu de
confrontation de ces tendances dans la production des
aînés reconnus et de jeunes artistes qui infléchissent ces
tendances dans le sens d'une réflexion et d'une pratique qui
globalisent l'action sur l'espace et le réel, dans une visée
plus sociologique, plus philosophique et morale dans la
mesure où leur pratique artistique pose obstinément la
question du statut de l' oeuvre d'art en s'interrogeant sur le
réel, tout le réel, comme art. Enfin, on a accentué la relation
privilégiée que Toulouse doit avoir avec l'Espagne,
avec les expositions et les achats d'ceuvres d'Antoni Clavé
et de Manolo Millares, avec lesquelles nous retrouvions les
problématiques matiéristes, informalistes et pourtant
humanistes, qui caractérisaient les oeuvres abstraites
françaises et languedociennes acquises dans le cadre de la
politique que nous venons de décrire schématiquement.
Certes, il faut être modeste et lucide et reconnaître le
caractère encore naissant de notre action, comparée à celle
d'autres musées de province qui avaient amorcé cet engagement
bien avant Toulouse, mais on tenait à souligner le
sens et l'originalité que tous les acteurs à l'oeuvre ici ont
voulu donner à une politique que la Ville a maintenant fermement
affirmée depuis vingt ans. Certes, aussi, cet engagement
pose la question pratique du devenir et de l'exploitation
culturelle étendue de ce nouveau patrimoine, mais,
quelles que soient les difficultés en ce domaine, les dispositions
budgétaires qui ont été prises par la Ville prouvent
que la mission du musée en matière de constitution des collections
anciennes, modernes et contemporaines, sera
maintenue et renforcée et les mesures prises pour l'organisation
d'importantes expositions, sous l'autorité du musée
comme sous celle des institutions municipales autres intéressées
à la promotion de la création, prouvent que le mouvement
ira en s'amplifiant et que Toulouse a, d'ores et déjà,
pris sa place dans le mouvement culturel qui tend à mettre
la création à la disposition de la population et à mettre la
population en confiance et en harmonie avec la création.
D.M.