Règles d'Engagement - Geneva Academy of International ...

Règles d’Engagement 7
Ainsi, les membres des AANE peuvent ne pas connaître (et encore moins
accepter) les normes interdisant, par exemple, le recrutement d’enfants soldats
ou prohibant l’utilisation de certaines armes 10 . Des concepts familiers à ceux
qui connaissent le droit international humanitaire, tels que le principe de
proportionnalité, peuvent ne pas être bien compris par les membres des
AANE, et ce à tous les échelons hiérarchiques du groupe.
Quatrièmement, même si certains AANE connaissent les normes applicables,
ils peuvent être amenés par idéologie, qu’elle soit d’ordre politique ou religieux,
à violer délibérément certaines normes internationales. De fait, le concept
même de populations civiles, comme le souligne Hugo Slim dans la citation au
début de ce rapport, peut simplement être étranger à leur vision du monde.
Cinquièmement, les AANE peuvent ressentir un manque d’« appropriation 11 »
des normes internationales. Les AANE n’ont pas la capacité juridique de
ratifier les traités internationaux pertinents (étant donné que, par définition,
ils ne constituent pas un État et que ces entités ne peuvent pas adhérer à
ces traités 12 ). De plus, ces groupes n’ont, en général, pas la possibilité de
participer, en tant que membres à part entière, aux organes chargés de
l’élaboration des traités. D’où un argument qui est parfois mis en avant
par ces groupes, selon lequel ils ne devraient pas être tenus de respecter
des règles qu’ils n’ont pas contribué à élaborer et auxquelles ils n’ont pas
formellement adhéré 13 .
Les AANE ne sont pas les seuls à violer les normes humanitaires. Dans de
nombreux conflits armés, les États violent les règles les plus fondamentales
des droits humains et du droit humanitaire. Cependant, le respect par les
AANE des normes internationales relatives à la protection des civils en période
de conflit armé pose un problème particulier. Les États et les organisations
internationales ont très souvent soulevé le problème du manque de respect
par les AANE de certaines normes spécifiques. Nous espérons que ce rapport
offrira la possibilité de provoquer des changements positifs dans ce domaine.
10 Les événements pendant les conflits armés en Libye en 2011 ont montré que les AANE peuvent également
être insuffisamment formés et manquer d’expertise quant à l’utilisation de certains types d’armes, ce qui affecte
leur capacité à assurer une protection efficace des civils.
11 Dans le cadre du présent rapport, on entend par « appropriation » la capacité et la volonté des acteurs engagés
dans un conflit armé d’élaborer et/ou de prendre la responsabilité de respecter des normes visant à protéger les
civils ainsi que d’autres normes humanitaires applicables aux situations de conflits armés.
12 La procédure prévue par l’article 96, paragraphe 3 du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève n’a,
à ce jour, jamais été pleinement mise en œuvre et sa portée est limitée à un groupe assez restreint d’AANE – les
mouvements de libération nationale.
13 Voir notamment S. Sivakumaran, « Binding Armed Opposition Groups », International and Comparative Law
Quarterly, Vol. 55, avril 2006, pp. 369–394 ; G. De Beco, « Compliance with International Humanitarian Law by
Non-State Actors », Journal of International Law of Peace and Armed Conflict, 2005, Vol. 18, No. 3, pp. 190–199;
Zegveld, L., Accountability of Armed Opposition Groups in International Law, Cambridge, Cambridge University
Press, 2002; S. Sivakumaran, « The ownership of international humanitarian law: non-state armed groups and the
formation and enforcement of the rules », papier présenté à une conférence à Vancouver en 2003.