ouvrage_EMS_HD

Arnaud HOLLARD
opérationnels de l’architecture.
La question de cet engagement de l’observation prend ici une importance
critique, puisque après avoir passé quatre années à étudier des travaux produits
par d’autres architectes et urbanistes, je décidais de m’inscrire personnellement
dans ce processus de production, abandonnant toute ou partie du recul
analytique qui avait été jusqu’alors le mien, au profit d’une proximité maximale
avec des processus créatifs proches de ceux que j’avais étudiés dans ma
thèse. Passer de la recherche pure à une forme de « recherche – action », ou
« recherche – création » 5 , dont il m’importe ici de présenter les contours 6 .
Alors que je m’étais intéressé, dans le cadre de ma thèse, à des architectes
expérimentant des processus de projet convoquant l’aléatoire, ou plus exactement
diverses formes de « hasard contrôlé » - mathématisé et/ou issu d’une démarche
d’improvisation – je retrouvais, dans le cadre d’une agence d’architecture, des
questionnements similaires, nécessitant à la fois une approche réflexive sur
les méthodologies et instrumentalités du projet, et une démarche pragmatique
visant à apporter une réponse crédible aux problématiques en jeu.
Je découvrais par là même un vivier de cas d’étude potentiels, de cadres
d’analyse opérationnels permettant de fixer et d’observer le processus de projet,
depuis le cahier des charges jusqu’à la production du projet à proprement parler,
puis, par extension, d’analyser la pertinence des outils de pensée qui avaient
occupé une si grande place dans mon travail (matrices combinatoires, séries
aléatoires, stratégies programmatiques et/ou improvisées, etc.).
Certes, tous les projets n’alimentent pas au même degré la démarche de
recherche menée dans le cadre des activités de l’agence, tous ne se prêtent
pas à la mise à l’épreuve du réel des processus créatifs que j’ai étudiés pour
ma thèse, mais en revanche tous participent d’une réflexion plus générale sur le
champ d’action de l’architecte et sur les jeux d’acteurs du projet architectural et
urbain qui, comme mon travail de recherche tendait à le démontrer, participent
de manière décisive à l’évolution des outils de pensée de l’architecte. L’un des
apports les plus directs de mes activités en agence pour ma démarche de
recherche a ainsi été de préciser et d’actualiser les cadres du projet architectural
et urbain, ses prérogatives autant que ses limites, de mieux situer le contexte
institutionnel autant que technique qui fait le quotidien de l’architecte ou de
l’urbaniste, et constitue l’arrière plan socio-anthropologique de l’expérimentation
de modes de conception plus efficaces, plus performants, ou plus en phase avec
les problématiques urbaines contemporaines. Ainsi, en approchant au plus près
le processus de conception des différents projets de l’agence, il m’a été possible
de cerner beaucoup plus précisément, de décrire avec beaucoup plus de clarté
les liens entre une situation de conception bien spécifique (en fonction du type
de mission confiée à l’architecte, du type de commanditaire, du jeu d’acteurs en
présence, de la phase d’étude du projet) et l’apparition de stratégies ouvertes,
induisant la définition et la manipulation d’éléments aléatoires, qu’ils soient
formels ou fonctionnels par exemple.
En ceci, mon expérience professionnelle tend à valider l’hypothèse selon
laquelle le développement de processus de conception basés sur des
mécaniques « ouvertes » voire « aléatoires » répond, au-delà d’une recherche
purement formelle ou esthétique, à une conscience critique, stratégique, de
67