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| Accélération et dépression. Réflexions sur le rapport au temps de notre époquesupermarché jusqu’à l’employé du bureau desfinances.La décélération comme stratégie d’accélération :Pour que les sociétés modernes fonctionnentbien, il est essentiel de mettre en place des processuset institutions de décélération intensiveet temporaire qu’il ne faut pas confondre avecles efforts des mouvements idéologiques. Desstratégies de ralentissement sont parfois lacondition sine qua non pour l’accélération ultérieured’autres processus. Elles sont mises enplace aussi bien par des acteurs individuels quepar des organisations sociales. Au plan individuel,l’on peut ranger dans cette catégorie lesretraites en monastère, les cours de méditation,les techniques de yoga, etc., tant que ces pratiquesont pour but final d’améliorer (et doncaccélérer) les performances ultérieures, professionnelles,relationnelles et quotidiennes.Elles représentent des oasis de décélérationsartificielles, permettant de se « recharger »pour mieux « rebondir ». Les essais pour acquérirplus de connaissances en moins de temps,en ralentissant consciemment certaines étapesde l’apprentissage, ou encore en augmentantla créativité et la capacité d’innovation pardes pauses ciblées, appartiennent égalementà ces stratégies d’accélération par le ralentissement.Au niveau collectif, l’on utilise de façonsimilaire, notamment en politique, différentesformes de moratoires pour gagner du temps,afin de résoudre des problèmes fondamentaux,techniques, juridiques ou écologiques qui apparaissentcomme des obstacles sur le chemin dela modernisation. Dans des domaines centrauxde la société, l’accélération a été rendue possibleseulement parce que des institutions déterminantesde la société, telles que le Droit, lesmécanismes de direction politique, le règlementstable du (temps de) travail industriel– ont étéexemptées de ce changement, créant ainsi unclimat de sécurité des attentes, et de stabilitédes planifications, bref de prévisibilités, qui doitêtre considéré comme une base nécessaire àl’accélération continue sur le plan économique,technologique et scientifique. Ce que l’on observeaujourd’hui, à savoir la tentative néolibéraled’éliminer toutes les barrières de vitesse, au nomdu déchaînement du « marché total », pourraitainsi provoquer tout à fait le contraire que le butrecherché : l’effondrement de la dynamique dedéveloppement, et donc un ralentissement économiqueà travers une récession et dépression.Ainsi le projet moderne d’accélération n’est pastant menacé par ses adversaires idéologiques,qui jusqu’ici ont encore perdu toutes les batailles,que par sa propre exagération.e / L’immobilité structurelle et culturelleCependant, la forme peut-être la plus intéressantede décélération est constituée aujourd’huipar ces phénomènes d’immobilité culturelle etstructurelle, que l’on peut paradoxalement observeren connexion étroite avec les processusd’accélération. Je veux parler ici de ces tendancesà l’origine de théories sur la « fin del’histoire », « l’épuisement définitif des énergiesutopiques », la « cristallisation culturelle » indestructibleetc. Elles ont en commun le diagnosticd’une immobilité paralysante à l’intérieur du développementdes sociétés modernes, basée surla suspicion, que l’apparente ouverture sans limitesde ces sociétés et leur changement rapidene seraient que des manifestations à la « surfacede consommation », tandis que leurs structuresprofondes s’endurciraient et s’immobiliseraient,sans qu’on s’en aperçoive. Bien que rien nereste tel que c’était, plus rien d’essentiel nechange ; derrière la multiformité se cacheraitseulement la répétition du toujours pareil, telleest l’affirmation d’immobilité, qui se concentresous forme d’un envers complémentaire de ladynamique d’accélération, et qui trouve son expressionla plus parlante dans la métaphore del’immobilité frénétique. Cette sorte de ralentissementne s’oppose pas à l’accélération sociale,et n’en constitue pas non plus un effet collatéraldysfonctionnel, mais elle représente un élémentinterne et un principe complémentaire du processusd’accélération. Plus celui-ci avance, plusla tendance à la cristallisation apparaît de façonenvahissante.| 9

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