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Les cahiers de Rhizome : La mondialisation est un déterminant social de la santé mentaleExpériences humanitaires dans uncontexte post-génocide au Rwanda• Amélie SchaferChargée d’appui enSanté Mentale pourIbuka (Rwanda)Les organisations humanitaires interviennent dans un contexte marqué parla mondialisation et participent de fait à la diffusion de normes et de standards.Au Rwanda, la société post-génocide est marquée par la perte des repères et desvaleurs fondatrices. Depuis 1995, plus de 160 ONG sont présentes puisque toutest à reconstruire ou à réinventer. Entre désir de venir en aide, obligation deréconciliation et propension à diffuser des modèles venant d’ailleurs, nous verronsque la relation entre ONG et population rwandaise ne se tisse pas sans ambiguïtés.| 56La question des humanitaires n’est pas aisée àaborder car les ONG constituent un monde divers.Entre ceux qui interviennent dans l’urgence,dans des situations de crises majeures poursauver des vies, ceux qui agissent pour le développementqu’on espère durable, ceux qui œuvrentpour la démocratie ou pour les principes moraux,le discours ne peut être univoque.Pour réagir à cette problématique je m’appuieraisur mon expérience de présidente-fondatricede Subiruseke, association d’aide aux veuves etorphelins du génocide des Tutsi du Rwanda, dechargée d’appui en santé mentale d’un programmedéveloppé par Ibuka en partenariat avec Médecinsdu Monde. Ibuka Mémoire et Justice a, entreautres attributions, celle d’assurer une assistancepsychosociale aux rescapés du génocide, et c’estdans ce cadre que ce programme intervient.Je rappelle que les humanitaires dont il s’agit iciinterviennent dans un contexte post-génocide. En1995, le Rwanda est un pays figé dans l’horreur.Toutes les bases qui fondent la société sontdétruites, les valeurs traditionnelles n’ont plusaucune fonction. La transgression des tabous lesplus fondateurs à très grande échelle est ce quia fait la fierté des génocidaires. On est dans unmonde à l’envers : les liens familiaux, les alliancespar le mariage n’ont plus aucune significationpuisqu’un oncle ou une tante n’ont pas épargnéles neveux, les nièces, sous prétexte qu’un desparents est issu de l’ethnie à exterminer.Le contexte post-génocide est donc un contextesans aucun repère, un contexte dans lequel lesinstitutions dont la tâche primaire était de soigner,de protéger, y compris les églises, ont joué un rôleactif dans le génocide, en ont été les complices,ou sont restées à l’écart, indifférentes au sort desvictimes.Le contexte demeure donc marqué par la destructiondes rapports sociaux, la perte profonde dela confiance à tous les niveaux : interpersonnel,communautaire, institutionnel.Tout est à reconstruire. On peut dire, non sansambivalence, que le pays a besoin de l’aide desONG. Il a besoin de « cet autre » dans lequel il necroit plus, et que les humanitaires trouvent là unterrain pour se déployer. Certains vont jusqu’à direque le Rwanda est un véritable laboratoire vivant.Effectivement, les conditions sont réunies pourque tous trouvent là une possibilité d’expérimenterleurs méthodes dans différents secteurs. Cetteconstatation qui peut paraître cynique, n’enlèverien à la volonté et au désir réel de venir en aide àla population en souffrance.En 1995, on recensait déjà 160 ONG intervenantdans tous les domaines. On était en situationd’urgence et chacun cherche à parer au plus pressé.Dans le domaine de la santé mentale, on verrafleurir une multitude de méthodes d’intervention,des formations sur la prise en charge de lacrise traumatique données à la va-vite aux futursconseillers en traumatisme. Il fallait faire quelquechose face à l’ampleur des dégâts et face àce temps figé où seul fait écho le silence de lamort. Il fallait « l’Autre » de l’extérieur, en capacitéde penser et de secourir ; l’autre différencié,ni bourreau ni victime, pour reprendre les mots deJanine Altounian. Les humanitaires eurent doncun rôle important. En 2009 on en dénombrait plusde 800. Seulement on constata très vite un décalageentre les attentes de la population qui, j’enconviens, n’avait pas la capacité de bien évaluer cedont elle avait besoin, et les réponses apportées.Ester Mujawayo, travaillait pour Oxfam, dans son

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