Les cahiers de Rhizome : La mondialisation est un déterminant social de la santé mentale3. Têtu-Delage, M.T.(2009). Clandestinsau Pays desPapiers, Paris : Ladécouverte.Enfin, migration et développement ont souventconstitué un dialogue de sourds entre pays dedépart et d’accueil : les pays de départ, quelsqu’ils soient, voient généralement leurs migrantscomme un élément positif alors que les paysd’accueil les considèrent comme un élémentnégatif et perturbateur pour leurs sociétés.La sécurité intérieure et extérieureUn autre enjeu tissant la diplomatie des migrationsest lié à la sécurisation accrue du contrôledes frontières, mettant en conflit le respectdes droits fondamentaux et les politiques sécuritaires.Le thème de la sécurité est devenutrès présent dans les politiques européennesd’immigration dès le début des années 1990mais les évènements du 11 septembre 2001 etle terrorisme (Paris 1995, Madrid 2004, Londres2005, banlieue parisienne 2005) ont donné unelégitimité accrue au lien entre l’immigration etla sécurité, construisant une continuité entrel’immigration, le terrorisme international, laviolence urbaine et justifiant le renforcement ducontrôle des frontières et la vigilance quotidienneà l’égard des étrangers et des populationsdites « visibles », donc suspectes. Bien quepeu de terroristes aient été directement liés àl’immigration, la plupart de ceux-ci étant plutôtdes touristes ou des étudiants ayant une résidencelégale dans les pays d’accueil dont ils ontparfois même la nationalité, les amalgames dansl’opinion publique entre immigration, islam, dé-linquance, illégalité du séjour et terrorisme ontsouvent été largement répandus. L’immigrationest traitée, depuis la chute du mur de Berlin, entermes stratégiques, de menace ou de défi. Si lapolitique d’immigration ne peut pas prévenir leterrorisme, elle a diversifié ses contrôles en lesliant aux enjeux de sécurité interne et externeet à la coopération policière et judicaire internationale.La “sécurisation” de l’immigration n’estpas dépourvue de danger, car elle renforce lestéréotype de l’échec de l’intégration, de secondeset troisièmes générations aux allégeancesdouteuses, de réseaux transnationaux mafieux,de violences urbaines et d’islamisme radical :toutes situations qui coexistent mais sansbeaucoup de liens entre elles et aux margesdu phénomène migratoire. On assiste ainsi àl’internalisation des relations internationales(thèmes de la sécurité) et à l’internationalisationde l’ordre politique interne du fait de préoccupationsexternes.• De nouveaux intrus : les double nationauxet les sans-papiersUn autre questionnement sécuritaire a traitaux allégeances des populations issues del’immigration, souvent soupçonnées de dissidenceà l’égard des pays d’accueil et à la criminalisationdu passage des frontières. Les cas dedouble nationalité se sont développés au coursdes années récentes, depuis les années 1990, carbeaucoup de pays d’accueil ont introduit le droitdu sol pour mieux inclure les générations issuesde l’immigration. Mais celles-ci ont souvent aussile droit du sang qui prévaut dans nombre depays d’origine, dont les pays musulmans.• La criminalisation des sans-papiers 3Du fait du renforcement des lois visant à contrôleret à limiter l’immigration, l’illégalité estdevenue une figure contemporaine et durable dumigrant à l’échelle de la planète. Dans nombrede pays de départ, une part importante de lapopulation envisage la migration comme l’uniquefaçon de réaliser son projet et de pouvoir changerde vie. Mais les aspirations individuellesdes « grilleurs de frontières » se heurtent aurenforcement de celles-ci et au durcissementdes législations d’entrée. Ceux qui n’ont pasd’autre possibilité d’entrer légalement, face àl’offre de voyage clandestin, économisent desannées pour réaliser leur rêve. Une fois arrivés,| 26
| Les migrations internationales, un enjeu mondialils recourent à des relations et acquièrent uneconnaissance des règles qui leur permet dedévelopper des stratégies d’installation. Certains,comme les Algériens en France ou lesMexicains aux Etats-Unis par exemple, ont desliens familiaux ou d’origine commune avec despopulations en situation régulière et bénéficientdonc d’informations supplémentaires sur le paysd’accueil et ses institutions. Ils découvrent aussiqu’ils ont quelques droits. Malgré la diversitédes profils et des itinéraires, dans tous les cas,l’objectif est d’obtenir des papiers et l’illégalitéest perçue comme un risque à prendre qu’ils’agit de réduire ou de maîtriser. La régularisationest le symbole de la réussite sociale, elleest surtout un droit de circuler librement. Unefois les papiers obtenus, les migrants commencentsouvent par rentrer chez eux, renouer desliens avec la famille, puis mieux faire valoir leurformation initiale et exercer de nouveau leurprofession. Ce que les sans-papiers cherchentà négocier, c’est la capacité, la liberté et le droitde circuler et de s’installer hors des frontièresnationales, non seulement parce qu’on y a étécontraint ou invité, mais aussi parce qu’on l’achoisi. La figure contemporaine du migrant estcelle d’individus qui réagissent individuellementet collectivement aux privations « du droit à avoirdes droits » dans les pays d’origine, comme dansles pays de destination. Considérés comme objetsde politiques sécuritaires, à la frontière del’ordre public interne et international, ils sontpourtant fort éloignés des formes de délinquancedes populations installées. ||| 27