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| Attachement et mondialisation : l’infanticide, signe d’un malaise dans la parentalitéUn crime sans pathologie psychiatrique ?En dehors des situations de délire avéré, nosconnaissances ont peu avancé. En 1874, pourTardieu, « ce n’est pas la folie, ce n’est même pasla perversion transitoire des facultés ». En 1897,Bouton, magistrat, avance l’idée que le geste infanticideest un équivalent suicidaire qui résultedu manque d’individuation du nouveau-né avec lamère : « Pour la fille […] qui souffre et se débatrègne en maîtresse la pensée que l’enfant [sortide son sein] est un prolongement de son corps[…]. Si le suicide lui semble permis, pourquoi nepourrait-elle alors tuer une partie de son être »?D’autres encore plaideront pour la psychose transitoire,en l’absence même de délire. Ce pourquoirépond à la question : comment est-ce possiblepsychologiquement ?L’isolement social ou familial, voire l’hostilité del’environnement, la précarité, un faible niveau culturel,une pensée « magique », ou l’un de ces facteurs,caractérisent encore la majorité des mèresinfanticides. L’enfant ne peut être assumé, toutsemble s’y opposer. La naissance apparaît commeune catastrophe sidérant la pensée et l’action,conduisant à une sorte de préoccupation négativerécurrente. Etrangement, ni l’avortement, nil’abandon ne sont des solutions envisagées oualors vite écartées. Après une grossesse cachée,la mère met fin à la vie de l’enfant soit activementsoit en l’abandonnant, parfois dans un lieu quilui laisse la possibilité d’être retrouvé vivant. Laculpabilité est souvent présente, quelquefoisintense, mais sans que ces femmes replongéesdans le souvenir de la naissance aient pu envisagerune autre issue à cette grossesse, même rétrospectivement.Elles semblent s’être trouvées dansune véritable impasse psychique. Des troublespsychiatriques sont présents dans seulement 20 à30% des cas : syndromes dépressifs, personnalitéborderline, déni de grossesse, bien rarement épisodesdélirants, etc. S’ils favorisent le geste, ils nel’expliquent pas toujours. Environ 60 à 80 infanticides(parfois jusqu’à 100) seraient commis régumaternelle» et « folie maternelle ordinaire » serontdes points importants du débat. La questionessentielle étant de savoir si « l’accouchement,bien que naturel, peut modifier l’état généralde la femme de manière à développer en elle lepenchant au meurtre » (Michu, 1826 ; Briand,1821). Marcé, quant à lui, remarquera le sentimentd’aversion que peut éprouver une femmeenvers son nouveau-né, éclatant parfois en unvéritable délire, soulignant qu’ordinairement lessentiments tendres s’éveillent un peu plus tard.Il existe une multitude de classifications descrimes sur enfants selon leur moment de survenueet le lien de filiation : néonaticide avant un jour,filicide meurtre dans la lignée paternelle, libericidesans lien de filiation nécessaire. Infanticideest le terme le plus générique et le plus polysémique: meurtre d’un enfant quel que soit l’âge,seulement avant un an, d’un nouveau-né, etc.Nous désignerons ici par infanticide ce que désignaitla loi française avant 1995 : l’homicidecommis sur un nouveau-né avant qu’un nom luisoit attribué et déclaré à l’état civil dans la limitedes 72 heures après la naissance. Toutefois horsde France, l’aspect de la dation du nom reste peuconnu. Les infanticides cachés semblent toujoursavoir été commis sur des enfants sans nom.Un consensus psychiatrique, établi sur la propositionde Resnik, a permis de conserver une dénominationspéciale aux crimes commis sur lesenfants avant 24 heures de vie : le neonaticide.L’essentiel des infanticides précoces sont biencommis durant les 24 premières heures, souventimmédiatement après la naissance. Néonaticideet infanticide précoce sont donc, dans ce texte, àpeu prés synonymes.La loi française jusque 1994 introduisait l’opérationsymbolique de la dation du nom pour qualifierl’infanticide. La socialisation de l’être naissant,semble un point clé qui distingue, non seulementdu côté du droit mais aussi du psychisme,l’infanticide de tout autre crime. La nominationdu nouveau-né et le « dépôt » de son nom àl’état civil s’apparentent à un rite, ils en ont tousles caractères, rite « fondateur », en ce sens« qu’universel » (relativement à une société donnée)et incontesté. Culturel, il a sinon l’apparence,du moins l’« évidence », d’un fait de nature. Il estune condition sociale de l’humanité du sujet.Cette distinction, a priori étrange, de la déclarationà l’état civil révèle aussi un point clé du droiten général : le crime est la qualification d’un actecommis à l’encontre d’un être (la « victime ») à quila société reconnaît suffisamment d’humanité.Il s’agit de déterminer quand et dans quellesconditions ce caractère d’être humain peut êtreattribué ; dans le droit français actuel : être névivant. Toutefois avant 1995, avant d’être nommé,l’homicide du nouveau-né engageait moinssévèrement la responsabilité de la mère.| 47

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