Les cahiers de Rhizome : La mondialisation est un déterminant social de la santé mentale| 22« moyen » est asiatique, il se déplace et travailleen Asie.De nombreuses régions d’accueil (Europe,Japon, Russie) font face aux effets du vieillissementdémographique et à des pénuries demain d’œuvre dans les secteurs non délocalisablescomme le bâtiment et les travaux publics,l’agriculture, les soins aux personnes âgées, lesmétiers du tourisme, avec des régions de départqui ont une population jeune, de plus en plusurbaine et scolarisée, frappée massivement parle chômage et tentée par la mobilité. Autour de2050, l’Afrique constituera, avec l’Inde et la Chine,le plus grand réservoir démographique de laplanète. On estime néanmoins que la populationmondiale va se stabiliser entre 9 et 11 milliardsd’habitants à partir de 2050 avec l’amorce d’undéclin de la natalité à cette date. Les flux migratoirespourraient alors devenir une opportunitéplus qu’une menace, les Etats d’accueil entranten compétition pour obtenir les immigrés qu’ilssouhaitent tout en craignant les brassages.• Les ressources naturellesComment 9 milliards d’êtres humains vont-ilsréussir à cohabiter sur la terre ? Le modèle occidentalne peut pas fonctionner pour la Chineni pour l’Inde car la même consommation automobileou en eau rendrait le monde non viable.Des sociétés entières dans le passé n’ont passurvécu à leur mode de développement, du faitdes sécheresses liées à la surconsommation debois (Ile de Pâques, Mésopotamie). Les ressourcesnaturelles et la richesse qu’elles engendrentsont aussi à la source de nombreuses migrations.Aujourd’hui, plusieurs régions du mondeont connu une nouvelle donne migratoire du faitde leurs ressources pétrolières, minières ouhalieutiques et des populations qu’elles attirent,comme le Venezuela, l’Angola, la Guinée Bissau.Les pays du Golfe sont ainsi devenus, depuis lemilieu des années 1970 et la hausse du prix dubaril de pétrole, des régions d’accueil du faitde leur manque de main d’œuvre et de voisinsriches en main d’œuvre mais pauvres.• Les phénomènes environnementauxL’eau est aussi un enjeu de migrations et deconflits : la désertification du Sahel a pour effetd’attirer les populations sub-sahariennes versl’Afrique du Nord, devenue région de transitpour des migrations vers l’Europe. Les Kurdesde Turquie, d’Irak, d’Iran et de Syrie tirent unepartie de leur position stratégique au fait que leursterritoires abritent les grands barrages et les plusgrandes ressources d’eau de la région. Le réchauffementclimatique et les catastrophes naturelles(éruptions volcaniques, cyclones, inondations),la désertification, l’appauvrissement des sols,la déforestation, le dégel, l’élévation du niveaudes mers pourraient faire doubler le nombre demigrants. L’île de Tuvalu, dans le Pacifique voit lasurvie de ce petit Etat et sa population (9 000 habitants)menacées par la montée des eaux de troismètres au-dessus du niveau de la mer. Selon lerapport Stern sur les conséquences économiquesdu changement climatique (2006), le nombre depersonnes déplacées par le changement climatiquepourrait s’élever à 200 millions en 2050 sirien n’est fait pour en endiguer les effets. Aucunedisposition n’existe pour l’instant pour conférer àces populations déplacées le statut de réfugiés dela Convention de Genève.• Les crises politiquesEnfin, les crises politiques sont à l’origine demillions de déplacements forcés dans le monde(40 millions, dont 25 millions de déplacésinternes). Une petite partie bénéficie du statutde réfugié (9 millions), il s’y ajoute 4 millions deréfugiés palestiniens, 10 millions de déplacéspour des projets de développement (comme lebarrage des Trois Gorges en Chine), des demandeursd’asile, des déplacés environnementauxet de rapatriés. Au cours des trente dernièresannées, l’Amérique latine (Chili, Argentine,Amérique centrale, Colombie, Haïti), l’Afrique(région des grands lacs, Algérie, Côte d’Ivoire,Darfour), le Proche et le Moyen Orient surtout(Afghanistan, Liban, Palestine, Iran, Irak, questionkurde) mais aussi l’Europe (ex-Yougoslavie)ont provoqué un pic de réfugiés en Europe dansles années 1990, dépassant les 500 000 demandeursd’asile par an (438 000 en Allemagne en1992), suivi d’un ralentissement dix ans plus tardmais qui se traduit par des personnes déplacéesdans les pays voisins des zones de conflits (cornede l’Afrique, Syrie, Iran, Pakistan) ou par deszones de protection dans les pays en crise(déplacements internes). Les régimes autoritaires,les mouvements identitaires à fondementethnique ou religieux, les revendicationsterritoriales, le terrorisme sont à la source deces mouvements de populations, définitifs ouprovisoires, souvent abrités par des pays aussipauvres qu’eux.
| Les migrations internationales, un enjeu mondialTous ces facteurs alimentent des migrations auxvisages de plus en plus diversifiés. A la différencedes années 1970, les migrants sont de moins enmoins des ruraux venus comme main d’œuvreprovisoire vivant dans le mythe du retour aupays. La migration d’aujourd’hui s’est féminisée,urbanisée, est de plus en plus scolarisée et aspireà se réaliser individuellement, mais elle nemigre plus nécessairement pour faire vivre safamille au pays. Ces nouvelles migrations sontinfléchies par les politiques des pays d’accueilqui limitent la mobilité et par les politiques despays d’origine qui créent au contraire des solidaritéstransnationales par delà les frontièresdes Etats afin d’exercer une « diplomatie desmigrations » à distance.Les nouveaux champs migratoiresd’influence• L’Europe, une diplomatie balbutiantedes migrations et des réfugiésDepuis plus de quinze ans, les images télévisuellesdonnent à voir des clandestins venusd’Albanie, du Moyen-Orient, de Chine, d’Afriquesub-saharienne débarquant sur les côtesd’Europe du sud ou entassés dans des containersavec pour destination un pays européen.Au cours de cette période, l’Europe, qui peineà contrôler ses frontières et tente d’associer àcette tâche ses voisins de la rive sud de la méditerranée,est devenue l’une des plus grandesrégions d’immigration du monde. Mais elletarde à se reconnaître comme telle car elle alongtemps considéré l’immigration comme unphénomène provisoire, non constitutif de sonidentité et elle a donné la priorité à la sécuritésur les besoins de main d’œuvre et d’inclusionsociale, sans prendre toute la mesure du vieillissementde sa population. L’Union européenne,seul espace de libre circulation performant pourses membres, est aussi la seule région du mondeoù l’immigration de travail salarié est restéefermée pendant plus de trente ans entre 1973 et2005, selon les pays d’accueil. L’européanisationdes politiques migratoires, amorcée depuis lesaccords de Schengen a eu pour effet de renforcerles dispositifs sécuritaires qui coexistent depuisles années 2000, avec le souci d’attirer les élitesdans un contexte de compétition mondiale avecla recherche de compétences et de talents, et derépondre aux besoins de main d’œuvre. L’Europecherche à la fois à maintenir ses frontièresfermées aux uns et à les entrouvrir aux autres,un exercice difficile sous le contrôle d’une opinionpublique utilisée comme arbitre du maintien demesures répressives.• Sphères d’influence des pays d’accueil etpolitiques diasporiques des pays de départD’autres pôles migratoires, comme la Russieavec ses voisins (Chine, républiques musulmanesd’Asie centrale), les Etats-Unis et le Canadaface au Mexique et aux pays d’Amérique latine,les pays du Golfe et le monde arabe et musulman,l’Australie et le Japon avec les pays d’Asiedu sud-est et du Pacifique, créent des sphèresd’influence où le marchandage n’est pas exclu,mais où le multiculturalisme est sans cesserevisité, où le vivre ensemble se poursuit malgrédes heurts et des rejets, où la lutte contre lesdiscriminations peine à s’imposer mais est auprogramme. Les migrants peuvent être aussi lesacteurs de cette « diplomatie par le bas », dansla manière dont ils négocient leur coprésence,« ici » et « là-bas ». La double nationalité sedéveloppe, par le jeu de l’extension du droit dusol dans nombre de pays d’accueil anciennementrégis par le droit du sang pour les générationsnées dans ces pays et par le maintien du droitdu sang dans la plupart des pays de départ . Cesderniers y voient le maintien de liens avec leurs| 23