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Les cahiers de Rhizome : La mondialisation est un déterminant social de la santé mentale| 38Histoires de vie : Mabela et MarceloJe rencontre Marcelo et Mabela, 15 et 16 ans,dans l’atelier de post-partum, au cours de8 réunions de groupe. Dans l’institution, Marceloprésente une personnalité de leader, il chercheà conserver le contrôle permanent sur Mabelaet elle se montre effacée en sa présence. Ilsse sont connus dans un internat de mineurs etont également habité dans la rue pendant untemps.Ils sont de surcroît suivis dans d’autresorganisations destinées à aider des adolescentsen vulnérabilité sociale, ce qui exige unecoordination permanente pour aborder dessituations conflictuelles qu’ils posent au niveauindividuel et de couple. Ils cohabitent dans unechambre chez le père de Marcelo, un hommealcoolique qui a soumis son fils à de la violencephysique et qui est séparé de sa mère. La relationde Marcelo avec son père est très conflictuelle.Ayant en commun un vécu de profond abandonfamilial et des situations de violence, ils ontétabli entre eux un lien fusionnel et en mêmetemps violent, avec des épisodes au coursdesquels Marcelo bat Mabela et a aussi giflé lebébé de presque un an. Mabela a demandé del’aide certaines fois et ils se sont séparés, maispour peu de temps. Elle revient toujours verslui, et il désespère pendant son absence. PourMabela, Marcelo, avec son agressivité, ne signifiepas seulement la répétition de la soumission àun autre violent, mais il peut aussi représenteren même temps un objet “protecteur” face à laviolence du monde extérieur.Dans l’atelier, Marcelo dit : « J’attends depuisl`âge de 12 ans d’avoir une fille, J’ai connuMabela et nous avons cherché à avoir une filleensemble. Cela change tout, la manière depenser, de voir la vie. J’ai renoncé à la droguepour ma fille. J’ai appris davantage dans larue que dans la société. Si on te discrimine, tun´existes pas. Ça change les grands-parents,je m´entends mieux maintenant avec ma mère,c´est différent depuis que j’ai ma fille ». Marceloamène un autre argument : étudier c’est pour« les cons ». Pourtant Marcelo est un des rarespères à participer tous les jours à Casa Lunas, oùil a un rôle très actif, dans plusieurs ateliers, encollaborant à la cuisine et dans des entreprisesartisanales. Il aime être le seul garçon dugroupe, se sentant menacé quand d’autrespères viennent. Il cherche à plaire, à conquérirl’affection du personnel et des jeunes mères. Ilest très impulsif et a un traitement psychiatrique,mais il n´accepte pas de psychothérapie. Il a eudes épisodes de transgression pour vol au seinde Casa Lunas, pour lesquels il a été renvoyétemporairement. Il présente conjointement dessignes d’adaptation sociale et d’inadaptation.Nous voulons souligner quelques points quiméritent réflexion : Pour Marcelo la quête d’unefille-femme qui ne menace pas sa place de mâle,lui permet de maîtriser ses aspects destructeurs.En même temps, Marcelo sent qu’étudier, c’est àdire développer ses aspects pensants, constitueune menace qui risquerait de lui faire perdrel’hostilité dont il a besoin pour sa survie dansun entourage violent, le rendant ainsi « idiot ».Sa présence quotidienne à Casa Lunas montrequ’il y trouve un lieu d’appartenance sûre, quilui donne ce qu’il n´a pas trouvé dans sa proprehistoire. Quand nous le voyons assis à tabletravaillant avec d’autres, nous sentons alors lebesoin qu’il a de vivre des expériences qu’enfantil n’a pas eues. Comme s’il était à l’école ouen famille, là il pourrait avoir des échangesgratifiant et construire une identité dans uncollectif. Au-delà de ces aspects réparateursque Marcelo peut développer, la conflictualitéde son couple avec Mabela pose problème dansl’institution et on propose à celle-ci un espaceindividuel de psychothérapie qu’elle accepte debon gré en y assistant régulièrement.La psychothérapie se déroule avec elle et lebébé. Mabela parle sans arrêt. Elle a perdu samère à un an, puis son père, tous les deux duSida. Elle amène une histoire parsemée de faitsdélictueux et violents. Violée à 7 ans, elle a vécudans des institutions et puis dans la rue, où elle aconnu Marcelo. Elle raconte plusieurs épisodesremplis de personnages qui entrent et sortentrapidement de scène, en montrant la confusionespace-temps de sa vie et de son psychisme.J’aperçois la valeur qu’a pour elle la transmissionde cette généalogie complexe faite de disparus,de morts, d’emprisonnés, de violeurs,d’assassinés, qui soutient son identité précaireet son abandon. Elle se présente commequelqu’un qui a survécu à toutes les situationslimites possibles. Elle me dit avec fierté : “Quise souviendrait de tout ça? Moi, quand on

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