J.J. Virey et <strong>la</strong> naissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> chronobiologie, Vesalius, VI, 2, 90-99, 2000encore qu'incomplète, est d'une longueur etd'une diversité qui impressionnent (1, 2).Virey entra dans le service armé en 1795comme pharmacien <strong>de</strong> troisième c<strong>la</strong>sse. Il futremarqué puis patronné par Antoine AugustinParmentier, et accéda par <strong>la</strong> suite au poste <strong>de</strong>Pharmacien Chef <strong>de</strong> l'Hôpital militaire du Val-<strong>de</strong>-Grâce où il termina sa carrière en 1813. Il soutintsa thèse <strong>de</strong> doctorat à <strong>la</strong> Faculté <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine <strong>de</strong>Paris en 1814 (3), à l'âge <strong>de</strong> 39 ans. Pétri <strong>de</strong>savoir, défendant <strong>de</strong>s idées originales, il fut élumembre <strong>de</strong> l'Académie <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine le 16 avril1823 puis secrétaire <strong>de</strong> <strong>la</strong> Section <strong>de</strong> Pharmacie,poste qu'il tiendra <strong>de</strong> 1825 à 1829. Politiquement,il faisait figure <strong>de</strong> modéré, une sorte <strong>de</strong>libéral <strong>de</strong> centre gauche (2); il fut élu député <strong>de</strong> <strong>la</strong>Haute-Marne en 1831, réélu en 1834 mais cetaspect <strong>de</strong> son activité n'a pas <strong>la</strong>issé <strong>de</strong> marqueimpérissable. A sa mort, survenue le 9 mars1846, à Paris, les Archives Générales <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine,l'organe du "matérialisme <strong>de</strong> l'écoleanatomo-clinique" publia une notice biographique,malveil<strong>la</strong>nte et anonyme (4).Au crédit scientifique <strong>de</strong> Virey, il faut porterses idées novatrices ou réformatrices. En 1811,dans son Traité <strong>de</strong> Pharmacie il introduit l'usagedu système métrique; un grain vaut désormais0,053 g. La Matière Médicale, (nomenc<strong>la</strong>ture<strong>de</strong>s substances employées en mé<strong>de</strong>cine), à<strong>la</strong>quelle Antoine François Fourcroy avait consacréun cours en 1785 ... ne prendra son alluremo<strong>de</strong>rne qu'avec Virey et Guibourt [en 1820],l'un donnant <strong>de</strong>s tableaux <strong>de</strong>s drogues d'aprèsles principes <strong>de</strong> <strong>la</strong> c<strong>la</strong>ssification botanique, l'autreen indiquant, pour <strong>la</strong> première fois, <strong>la</strong> structurechimique (5). A part ces réformes du co<strong>de</strong>x,Virey fut un <strong>de</strong>s fondateurs <strong>de</strong> l'anthropométriefacilitant ainsi l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> diversité <strong>de</strong>s typeshumains.Mais Virey était aussi un touche-à-tout, unedisposition d'esprit banale en son temps, maisqui était mal perçue du fait d'un manque d'espritcritique. B<strong>la</strong>nckaert (6) résume ce<strong>la</strong> en écrivant:"Virey est un auteur indécis et indécidable. Ilpratique <strong>de</strong> façon déroutante et systématique <strong>la</strong>conciliation <strong>de</strong>s contraires".... "Virey dit toujourstrop <strong>de</strong> choses et pas assez". Une disputeopposait les «monogenistes» soutenant l'idéeque toutes les races humaines dérivent d'un typeprimitif unique, aux «polygénistes» pour quil'homme est représenté par plusieurs espèces.Bien qu'il fut plutôt monogéniste, Virey donne <strong>de</strong>certains noirs d'Afrique <strong>de</strong>s <strong>de</strong>scriptions provocanteset explosives en un temps où l'on se batpour ou contre <strong>la</strong> traite <strong>de</strong>s noirs. Le résultat estque : "Virey a l'estime <strong>de</strong>s esc<strong>la</strong>vagistes et <strong>la</strong>censure <strong>de</strong>s abolitionistes" (6). Autre dispute,celle qui oppose les «transformistes» (avec Lamarcket Ge<strong>of</strong>froy Saint-Hi<strong>la</strong>ire) aux «fixistes»(avecCuvier). Grand admirateur <strong>de</strong> Buffon, Vireyest plutôt favorable à l'idée d'une évolution <strong>de</strong>sespèces sous l'influence du milieu (7).En outre, Virey est «vitaliste». La définitioncommune lui convient assez bien car il croit enun «principe vital» qui se distingue <strong>de</strong> l'âmepensante, d'un coté, <strong>de</strong> <strong>la</strong> matière, <strong>de</strong> l'autre{De <strong>la</strong> puissance vitale, 1823). Il n'y a pas, pourVirey, <strong>de</strong> connaissance possible <strong>de</strong> l'hommesans connaissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature, c'est pourquoil'investigateur doit être à <strong>la</strong> fois mé<strong>de</strong>cin, naturaliste,chimiste et philosophe. Son vitalisme estfinaliste et provi<strong>de</strong>ntialiste (8). Cette position estinadmissible pour les mé<strong>de</strong>cins «matérialistes»<strong>de</strong> son temps qui reprochent à Virey d'avoirfavorisé <strong>la</strong> spécu<strong>la</strong>tion au détriment <strong>de</strong> l'investigation.Il s'agit là d'un mauvais procès car, nousallons le voir, Virey fut le premier chercheur àpublier et analyser <strong>de</strong>s tableaux chiffrés d'observationsre<strong>la</strong>tives à <strong>de</strong>s rythmes humains.Si l'on fon<strong>de</strong> exclusivement son jugement surl'œuvre philosophique <strong>de</strong> Virey on est tenté <strong>de</strong>suivre Bénichou (9) lorsqu'il déc<strong>la</strong>re : "J.J. Virey: unsonge creux". Mais, heureusement pour sa mémoireposthume, il nous <strong>la</strong>isse une thèse qui faitindiscutablement <strong>de</strong> lui lefondateur<strong>de</strong> <strong>la</strong> chronobiologie.C'est ce<strong>la</strong> qui donne à Virey un regain d'actualitéscientifique <strong>de</strong>puis 1972 (1, 10, 11,12, 34).91
J.J. Virey et <strong>la</strong> naissance <strong>de</strong> <strong>la</strong> chronobiologie, Vesalius, VI, 2, 90-99, 2000• Fig 1. Portrait <strong>de</strong> Julien-Joseph VIREY. AcadémieNationale <strong>de</strong> Mé<strong>de</strong>cine. ParisUn rythme se caractérise par sa ou ses pério<strong>de</strong>sprépondérantes (24h,1 an et leurs harmoniquesrespectives), l'emp<strong>la</strong>cement <strong>de</strong>s pics et <strong>de</strong>screux dans l'échelle du temps considérée, l'amplitu<strong>de</strong>(différence <strong>de</strong>s valeurs entre le pic et lecreux). L'emp<strong>la</strong>cement <strong>de</strong>s pics et <strong>de</strong>s creux <strong>de</strong>sdifférentes variables biologiques correspond àune organisation temporelle, véritable anatomiedans le temps d'une espèce donnée. La chronobiologiese définit comme l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'organisationtemporelle <strong>de</strong>s être vivants, <strong>de</strong>s mécanismesqui <strong>la</strong> contrôlent et <strong>de</strong> leurs altérations.Cet article a pour objectifs :1- <strong>de</strong> montrer que Virey fut le premier à formulerc<strong>la</strong>irement un ensemble cohérent <strong>de</strong> principes -aujourd'hui acceptés- re<strong>la</strong>tifs aux rythmes biologiques,2- d'analyser les rythmes <strong>de</strong> mortalité humaine àpartir <strong>de</strong> ce que Virey observa en 1807-1808 au Val<strong>de</strong>Grâce, en fait, <strong>la</strong> première recherche <strong>de</strong> ce genre,3 - d' étudier dans quelle mesure les rythmes <strong>de</strong> <strong>la</strong>mortalité humaine se sont modifiés <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong>150 ans.La chronobiologie et les propriétés <strong>de</strong>srythmes biologiquesPour faciliter l'étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s apports <strong>de</strong> Virey, uncourt rappel est utile Les rythmes biologiquescorrespon<strong>de</strong>nt à <strong>de</strong>s variations périodiques, doncprévisibles dans le temps, <strong>de</strong>s fonctions <strong>de</strong>sorganismes vivants. Ils correspon<strong>de</strong>nt à l'adaptationd'une espèce donnée aux variations périodiques<strong>de</strong> l'environnement liés à <strong>la</strong> rotation <strong>de</strong><strong>la</strong> Terre sur elle-même en environ 24h (rythmescircadiens) et autour du Soleil en environ 1 an(rythmes saisonniers ou circannuels) (12, 13).Ceci se vérifie pour plus <strong>de</strong> 170 rythmes <strong>de</strong>fonction physiologiques ou biologiques étudiéeschez l'homme (14).Ces rythmes ont un caractère génétique (origineendogène); ils sont contrôlés par <strong>de</strong>s horlogesbiologiques circadiennes, dont les noyauxsuprachiasmatiques (NSC) situés dans l'hypotha<strong>la</strong>musantérieur <strong>de</strong>s mammifères et <strong>de</strong> certainsoiseaux, découverts par Moore (15) et par Stephen(16). Ces horloges biologiques (ou oscil<strong>la</strong>teurs, oupacemakers circadiens) sont remises à l'heuretous les jours par <strong>de</strong>s signaux périodiques <strong>de</strong>l'environnement, dont l'alternance jour nuit (avecles signaux que sont l'aube et le crépuscule).Ephéméri<strong>de</strong>s <strong>de</strong> <strong>la</strong> vie humaineNous ignorons qui inspira <strong>la</strong> thèse <strong>de</strong> Vireyet même si elle fut inspirée. Le texte publié necomporte ni remerciement, ni même <strong>la</strong> liste <strong>de</strong>smembres du jury. Cependant, <strong>la</strong> lecture dudocument <strong>la</strong>isse le sentiment que l'auteur, parles lectures et les observations personnellesqu'il rapporte, avait acquis <strong>de</strong> soli<strong>de</strong>s connaissancessur les rythmes biologiques, ce qui luipermit <strong>de</strong> formuler <strong>de</strong>s hypothèses et lui donnal'idée <strong>de</strong> tenter <strong>de</strong> les éprouver. Soutenir unethèse <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine à 39 ans ne peut résulterque d'une mûre réflexion.La thèse <strong>de</strong> Virey s'intitule : Ephéméri<strong>de</strong>s <strong>de</strong><strong>la</strong> vie humaine, ou recherches sur <strong>la</strong> révolution<strong>journal</strong>ière, et <strong>la</strong> périodicité <strong>de</strong> ses phénomènesdans <strong>la</strong> santé et les ma<strong>la</strong>dies. L'éphéméri<strong>de</strong> estle récit d'événements quotidiens mais aussi unouvrage indiquant, pour l'année à venir, les faits92
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