M.-A. Paulze, épouse et col<strong>la</strong>boratrice <strong>de</strong> Lavoisier, Vesalius, VI, 2, 105-113, 2000L'assistance était nombreuse à <strong>la</strong> signaturedu contrat dans les salons <strong>de</strong> l'hôtel d'Aumont;c'était toute une compagnie choisie d'hommesdistingués et <strong>de</strong> femmes élégantes. Plus <strong>de</strong><strong>de</strong>ux cents personnes étaient présentes : gentilshommes,savants, hommes d'Etat, fermiersgénéraux, dames <strong>de</strong> <strong>la</strong> Cour, <strong>de</strong> <strong>la</strong> finance ou <strong>de</strong><strong>la</strong> bourgeoisie. Le mariage fut célébré, le 16décembre 1771, dans <strong>la</strong> chapelle <strong>de</strong> l'hôtel ducontrôle <strong>de</strong>s finances, rue Neuve-<strong>de</strong>s-Petits-Champs, par le curé <strong>de</strong> <strong>la</strong> paroisse <strong>de</strong> Saint-Roch. Les témoins du marié étaient <strong>de</strong>ux parentséloignés : Hurzon, chevalier, intendant <strong>de</strong><strong>la</strong> marine <strong>de</strong> Provence, et le fermier généralJacques De<strong>la</strong>hante, écuyer, secrétaire du roi;du côté <strong>de</strong> <strong>la</strong> mariée, ses <strong>de</strong>ux grands-onclesmaternels, l'abbé Terray, <strong>de</strong>venu ministre d'Etat,et son frère, Terray <strong>de</strong> Rozières.Ayant quité <strong>la</strong> <strong>de</strong>meure <strong>de</strong> ses parents, ruedu Four-Saint-Eustache, Lavoisier vint habiter,avec sa jeune femme, une maison sise rueNeuve-<strong>de</strong>s-Bons-Enfants, appartenant à sonpère. Les jeunes mariés y resteront jusqu'à <strong>la</strong>nomination <strong>de</strong> Lavoisier à <strong>la</strong> Régie <strong>de</strong>s poudres,au mois <strong>de</strong> mars 1775, époque à partir <strong>de</strong><strong>la</strong>quelle ils seront logés à l'Arsenal.L'épouse et <strong>la</strong> col<strong>la</strong>boratriceMarie-Anne avait vite compris et apprécié <strong>la</strong>valeur <strong>de</strong> l'homme qu'elle avait épousé. D'uneintelligence vive et d'une volonté ferme, elles'était mise immédiatement à l'étu<strong>de</strong> pour pouvoirle suivre dans ses travaux; elle <strong>de</strong>manda àson frère Belthazar <strong>de</strong>s leçons <strong>de</strong> <strong>la</strong>tin et luiécrivait en 1777 (elle avait dix-neuf ans) : «Quandreviens-tu ? Le <strong>la</strong>tin a besoin <strong>de</strong> toi ici...». Elleapprit l'ang<strong>la</strong>is et le sut assez pour ai<strong>de</strong>r sonmari en lui traduisant un grand nombre <strong>de</strong> mémoires<strong>de</strong> chimie. Outre ses traductions inédites<strong>de</strong> Priestley, <strong>de</strong> Gavendish, <strong>de</strong> Henry, elle fitimprimer une brochure <strong>de</strong> Richard Kirwan «Sur<strong>la</strong> force <strong>de</strong>s aci<strong>de</strong>s», et un ouvrage du mêmeauteur «Sur le phlogistique». Arthur Young, quilui rendit visite au mois d'octobre 1787, écrivit :«Mme Lavoisier, une personne pleine d'animation,<strong>de</strong> sens et <strong>de</strong> savoir, nous avait préparé undéjeuner ang<strong>la</strong>is au thé et au café; mais <strong>la</strong>meilleure partie <strong>de</strong> son repas, c'était, sanscontredit, sa conversation, soit sur /Essai sur lePhlogistique <strong>de</strong> Kirwan, qu'elle est en train <strong>de</strong>traduire, soit sur d'autres sujets qu'une femme<strong>de</strong> sens travail<strong>la</strong>nt dans le <strong>la</strong>boratoire <strong>de</strong> sonmari sait si bien rendre intéressants».Marie-Anne s'initia aussi à <strong>la</strong> chimie, avec Jean-Baptiste Buquet, qui fut le premier col<strong>la</strong>borateur <strong>de</strong>Lavoisier, <strong>de</strong> 1777 à 1780. Elle <strong>de</strong>ssinait et gravait;c'est elle qui fit les p<strong>la</strong>nches du «Traité élémentaire<strong>de</strong> chimie» <strong>de</strong> Lavoisier, publié en 1789; elle avaitappris <strong>la</strong> peinture sous <strong>la</strong> direction <strong>de</strong> David, et l'onpossè<strong>de</strong> d'elle un portrait <strong>de</strong> Franklin. Celui-ci luiécrivit <strong>de</strong> Phi<strong>la</strong><strong>de</strong>lphie, le 23 octobre 1788 :«Un violent accès <strong>de</strong> goutte m'a longtempsempêché d'écrire à ma chère amie; autrement,je l'aurais remerciées plus tôt du portraitdont elle a eu <strong>la</strong> bonté <strong>de</strong> me faire présent.Ceux qui l'ont vu déc<strong>la</strong>rent que <strong>la</strong> peinture a ungrand mérite, mais surtout ce qui me <strong>la</strong> rendchère, c'est <strong>la</strong> main qui l'a faite...».107
M.-A. Paulze, épouse et col<strong>la</strong>boratrice <strong>de</strong> Lavoisier, Vesalius, VI, 2,105-113, 2000Marie-Anne accompagnait son mari dans le<strong>la</strong>boratoire et l'aidait dans ses travaux; ellenotait, sous sa dictée, le résultat <strong>de</strong>s expériences,et les registres <strong>de</strong> <strong>la</strong>boratoire contiennent<strong>de</strong> nombreuses pages écrites <strong>de</strong> sa main. Ellea <strong>la</strong>issé <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>ssins inédits où elle s'est représentéeécrivant <strong>de</strong>vant une table, pendant queLavoisier et Seguin font une expérience sur lesphénomènes <strong>de</strong> <strong>la</strong> respiration. Tous ses écritstémoignent <strong>de</strong> l'admiration qu'elle avait pour lecaractère et le génie <strong>de</strong> son mari; elle combattaità ses côtés pour le triomphe <strong>de</strong> ses idées, etcherchait à leur faire <strong>de</strong>s a<strong>de</strong>ptes.Elle était en correspondance avec Saussurequ'elle convertit à <strong>la</strong> doctrine nouvelle. Celui-cilui écrivit :« Vous triomphez <strong>de</strong> mes doutes, Madame,du moins sur le phlogistique... J'étais autrefoisgrand admirateur <strong>de</strong> Stahl... mais lespréventions les plus fortes doivent cé<strong>de</strong>r à <strong>la</strong>force <strong>de</strong>s raisonnements <strong>de</strong> M. Lavoisier et<strong>de</strong> ses savants amis...» (8).Le <strong>la</strong>boratoire <strong>de</strong> l'ArsenalPour satisfaire aux exigences <strong>de</strong> ses diversesfonctions, Lavoisier s'était imposé un emploi dutemps rigoureux. Il avait décidé <strong>de</strong> réserver sixheures par jour aux sciences; le reste <strong>de</strong> <strong>la</strong>journée était employé à ses différentes fonctionsadministratives. Un jour <strong>de</strong> <strong>la</strong> semaine étaitentièrement consacré à ses expériences :«C'était pour lui un jour <strong>de</strong> bonheur; quelquesamis éc<strong>la</strong>irés, quelques jeunes gens fiers d'êtreadmis à l'honneur <strong>de</strong> coopérera ses expériences,se réunissaient dès le matin dans le <strong>la</strong>boratoire;c'était là que l'on déjeunait, que l'ondissertait, que l'on créait cette théorie qui aimmortalisé son auteur; c'était là qu'il fal<strong>la</strong>it voir,entendre cet homme d'un esprit si juste, d'untalent si pur, d'un génie si élevé; c'était dans saconversation que l'on pouvait juger <strong>de</strong> <strong>la</strong> hauteur<strong>de</strong> ses principes <strong>de</strong> morale»,écrira Marie-Anne dans sa notice biographique(9).Le <strong>la</strong>boratoire <strong>de</strong> l'Arsenal <strong>de</strong>vint peu à peule ren<strong>de</strong>z-vous <strong>de</strong> tous les hommes éminentsdans les sciences. Marie-Anne faisait à <strong>la</strong> fois <strong>la</strong>«jeune fille <strong>de</strong> <strong>la</strong> maison» et <strong>la</strong> secrétaire. Elleséduisait les plus illustres; Lap<strong>la</strong>ce eut pour elleun seintiment tendre, qu'il ne fut pas seul àpartager, et «Dupont <strong>de</strong> Nemours en <strong>de</strong>viendraéperdûment amoureux» (10). Le physicienMagalhaens, <strong>de</strong>scendant du navigateur portugaisMagel<strong>la</strong>n, chercha pour elle <strong>de</strong>s livresépuisés chez les bouquinistes londoniens.Les étrangers, qui visitaient Paris, tenaient àl'honneur d'y être reçus. Entre autres, ArthurYoung, qui se présenta avec une lettre <strong>de</strong> recommandation<strong>de</strong> Priestley; B<strong>la</strong>g<strong>de</strong>n, secrétaire perpétuel<strong>de</strong> <strong>la</strong> Société Royale <strong>de</strong> Londres; Ingenhouz,<strong>de</strong> Vienne; Fontana, conservateur du cabinet <strong>de</strong>physique du grand-duc <strong>de</strong> Toscane; le chevalierLandriani, en même temps que Welter etd'Hassenfratz, en présence <strong>de</strong>squels Lavoisierrefit ses expériences re<strong>la</strong>tives aux théories nouvelles,le 20 mars 1788, tandis que Marie-Annetraçait le récit <strong>de</strong> cette séance, dans le registre du<strong>la</strong>boratoire, sous le titre <strong>de</strong> : «Expériences pourtenter <strong>la</strong> conversion du chevalier Landriani».Mentionnons aussi l'illustre Franklin, le chimistreallemandJacquin, l'Ang<strong>la</strong>is Tennant, encore jeuneet inconnu, et le célèbre ingénieur écossais Watt.Parmi les Français, Guyton <strong>de</strong> Morveau y vint,pour <strong>la</strong> première fois, en 1775. Les chimistes et lesmathématiciens <strong>de</strong> l'Académie s'y donnaient ren<strong>de</strong>z-vous.C'étaient Macquer, Darcet, Buquet, quifut le maître <strong>de</strong> Fourcroy, et qui col<strong>la</strong>bora avecLavoisier; Ca<strong>de</strong>t <strong>de</strong> Gassicourt, inventeur du«cacodyle», composé arsenical (ou «liqueur <strong>de</strong>Ca<strong>de</strong>t»); Berthollet, appelé à une glorieuse carrière;les géomètres Van<strong>de</strong>rmon<strong>de</strong> et Cousin, lesmathématiciens Lagrange, Lap<strong>la</strong>ce, Monge, le lieutenant<strong>de</strong> génie Meusnier, qui <strong>de</strong>vint membre <strong>de</strong>l'Académie, et mourut au champs d'honneur, ausiège <strong>de</strong> Mayence en 1793. On y voyait aussi lesgrands seigneurs, qui s'intéressaient aux sciences: le duc <strong>de</strong> La Rochefoucauld, le duc <strong>de</strong> Chaulnes,le duc d'Ayen, prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> l'Académie. Les salons108
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