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Adolescence et santé - Inpes

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L A V I O L E N C E… /…sentiment de rej<strong>et</strong> <strong>et</strong> leur frustration. Les viols en réunion s’inscrivent ainsi dans le « repli viriliste » desquartiers populaires en France, analysé par le sociologue Daniel Welzer-Lang « comme une stratégiede défense collective en réponse à la peur du chômage, du racisme, de l’état de non-droit, à la souffrancede ne pouvoir exhiber d’autres attributs de la virilité. Il s’inscrit plus généralement dans unesociété de domination masculine 3 ».D’autres explications sont données à ce phénomène, notamment la perte des repères qui se traduitdans les rapports filles-garçons par un passage à l’acte banalisé, voire valorisé : « Les cités sont deszones de relégation qui sont régies par les rapports de force <strong>et</strong> où dominent les valeurs de virilité <strong>et</strong>de violence… Pour [les auteurs de ces actes], le viol collectif, c’est un jeu. Ils sont en permanencedans la transgression sans s’en rendre compte 4 », explique Saadia Sahali, agent de développementsocial à Sarcelles (Val d’Oise). Les auteurs de ces crimes disent bien souvent ne pas comprendre lespeines infligées en cas de poursuite judiciaire, ne reconnaissant pas la gravité de leurs actes. Quantaux victimes, non seulement elles craignent les représailles, mais plus encore elles intériorisentparfois l’image que les hommes donnent d’elles. « Dans les quartiers, les filles sont souvent considéréescomme des choses que l’on possède. Malgré elles, elles intériorisent. En cas de viol, elles sontvictimes, mais se sentent aussi coupables », constate Saadia Sahali. Les carences éducatives, notammenten ce qui concerne l’éducation sexuelle, sont également soulignées.Ainsi, la pratique des viols en réunion révèle d’abord une grande misère affective, sexuelle <strong>et</strong> sociale.Après avoir lu les résultats d’une étude menée par des éducateurs de banlieue parisienne auprès dedeux cents collégiens <strong>et</strong> lycéens 5 , Marie-Claude Fourment, professeur de psychologie, conclut : « Cequi est frappant, c’est l’absence d’affect, la grande pauvr<strong>et</strong>é des sentiments <strong>et</strong> des affects. »Qui sont les auteurs de ces viols en réunion ?Nous n’avons des éléments d’information que lorsque la victime a déposé plainte. Le Dr PatriceHuerre 6 , psychiatre à la Cour d’appel de Paris, a étudié un échantillon de cinquante-deux expertisespsychiatriques réalisées ces quinze dernières années. Il n’est bien sûr pas possible de généraliser cesrésultats à l’ensemble des auteurs de viols en réunion, dont bien souvent, d’ailleurs, l’identité n’est pasconnue. D’après les résultats de ces expertises, il apparaît que les auteurs de ces viols sont jeunes(onze ont 16 ans, huit ont 15 ans <strong>et</strong> huit autres, 17 ans). Ils ont des difficultés scolaires (quarante-cinqont au moins redoublé une année). La majorité d’entre eux sont issus de familles nombreuses (vingttroissont issus de familles de cinq enfants <strong>et</strong> plus), au revenu modeste, résidant en banlieue. Cinq deces adolescents signalent que leurs parents sont séparés.Les auteurs de ces viols se disent sociables, bien intégrés dans le groupe. Aucun d’entre eux n’a auparavantété hospitalisé en psychiatrie. Un garçon fait état d’une tentative de suicide. Seize ont déjà eu affaireà la justice, généralement pour des vols sans violence. Seuls, deux d’entre eux avaient déjà étécondamnés pour des affaires de viol. La notion de groupe est très variable : plusieurs affaires concernentdeux agresseurs, parfois trois ou quatre, rarement cinq. Presque tous les agresseurs (quarante-neuf)connaissaient la victime, qui habitait dans leur quartier. La plupart des agresseurs décrivent un rapportconsenti, « ne trouvant aucun élément d’anormalité ni dans le lieu, ni dans le fait que plusieurs garçonsaient un rapport avec la même victime ». Dans tous les cas, la victime est décrite comme une « fille facile ».3. Welzer-Lang D. « Virilité <strong>et</strong> virilisme dans les quartiers populaires en France ». VEI Enjeux 2002, n° 128 : p. 10.4. Citation publiée dans Frédéric Chambon, art. cit.5. Ces éducateurs étaient chargés de demander à deux cents collégiens <strong>et</strong> lycéens d’écrire les questions qu’ils seposent sur les relations avec leurs parents, la drogue <strong>et</strong> le sexe.6. Huerre P. Psychopathologie <strong>et</strong> traitements actuels des auteurs d’agression sexuelle. Paris : Eurotext John Libbey,2002 : 594 p.63

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