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Portfolio/Myr Muratet<br />
Questions de classe(s) – Peux-tu nous présenter<br />
ton parcours ?<br />
myR muRatet – Je me suis formé à la photographie<br />
à Hambourg en Rfa dans les<br />
années quatre-vingt et j’ai fait des reportages<br />
dans les pays de l’est jusqu’à la fin du régi -<br />
me soviétique. J’ai développé un travail<br />
autour de questions sociales diffusé par des<br />
agences ou des collectifs photos. mon intérêt<br />
particulier pour les formes graphiques et<br />
spécialement l’affiche, m’a amené à rencontrer<br />
et travailler avec des collectifs comme<br />
Grapus, les Graphistes associés, et d’autres<br />
graphistes indépendants.<br />
QdC – ton travail de paysage sur Calais propose<br />
un regard sur une région transformée par<br />
les contrôles des populations. loin des nombreuses<br />
images sur la jungle, sur les migrants<br />
dans des situations critiques, tu portes un<br />
regard anonyme et froid sur la ville assiégée.<br />
Peux-tu nous parler de cette série de photos ?<br />
m. m. – il m’a semblé important de montrer<br />
l’omniprésence du dispositif qui a été mis<br />
en place contre les clandestins. Certes, il<br />
facilite la surveillance, contraint et entrave<br />
les migrants de la jungle de Calais dans<br />
leurs déplacements, mais de fait il surveille<br />
et contraint globalement toute la population<br />
de Calais, des environs et les personnes qui<br />
s’y rendent.<br />
malgré l’opposition des maires et des habitants<br />
riverains, l’État et eurotunnel ont<br />
rasé des hectares de bois et de marais – par<br />
ailleurs classés et protégés –, creusé, des<br />
douves et inondé les terrains aux abords des<br />
infrastructures du tunnel et du port.<br />
la ville et ses environs sont devenus un<br />
vaste centre de rétention à ciel ouvert, clôturé<br />
de toutes parts et sous vidéo-surveillance.<br />
Je ne compte plus les fois ou l’on m’a<br />
contrôlé lorsque j’ai réalisé ces photographies.<br />
Je marchais sur un chemin, la route, la plage<br />
et inévitablement arrivait une patrouille de<br />
police ou de gendarmes pour m’interroger<br />
sur ma présence en ces lieux pourtant publics.<br />
QdC – Comment ce travail fait-il écho à tes<br />
autres photographies ?<br />
m. m. – tous mes derniers travaux tournent<br />
autour d’un même constat : la raréfaction<br />
des communs !<br />
J’observe comment le pouvoir, tous les<br />
pouvoirs, s’approprient et privatisent toujours<br />
plus les espaces communs qui se trouvent<br />
être aussi les seuls lieux où ceux qui ne possèdent<br />
rien tentent de vivre leurs existences.<br />
Que ce soit les gares, les places publiques,<br />
les terrains vacants.<br />
J’ai commencé par une série – Paris-nord<br />
– de photographies à la gare du nord, sur<br />
un groupe d’habitués occupant les lieux<br />
tranquilles de la gare. J’ai photographié<br />
durant des années leur dérive sur place dans<br />
l’alcool, les cachets, la mort et l’éviction de<br />
la gare des derniers survivants. C’est par<br />
une approche similaire que j’ai réalisé la<br />
série Wasteland. nous avons avec une botaniste<br />
du muséum inventorié et photographié<br />
la flore des friches urbaines de Seine-Saintdenis<br />
et rencontré les habi tants des friches,<br />
des communautés de Roumains, noué des<br />
liens et photographié leurs activités. dans<br />
cette même réflexion sur l’occupation d’espaces<br />
en ville, j’ai suivi avant leur évacuation,<br />
l’installation d’africains fraîchement débarqués<br />
des côtes italiennes sous le métro<br />
la Chapelle. J’ai observé leurs pratiques de<br />
survie en milieu urbain, les échanges importants,<br />
le marché informel sous le métro<br />
aérien, etc. ■<br />
Pour suivre le travail de myr muratet :<br />
www.myrmuratet.com<br />
62 // N’Autre école - Q2c N° 5