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IL ÉTAIT UNE FOIS…<br />
LE CHADAR<br />
« JULAY ! » ET SOURIRES. GLISSADES PAR -20 °C ET COR-<br />
RIDORS DE GEL. VILLAGES ET MONASTÈRES. AU FIL D’UN<br />
CHADAR, L’ÉCRIN TITANESQUE DE L’HIVER HIMALAYEN<br />
CHANGE DE MASQUE, LE TEMPS D’UN ITINÉRAIRE<br />
D’EXCEPTION, AUSSI ÉPHÉMÈRE QU’EMPLI DE VIE…<br />
EST-CE<br />
DIFFICILE ?<br />
Une fois passé quelques<br />
jours à Leh (3 700 m),<br />
le Chadar ne pose aucun<br />
problème d’acclimatation :<br />
les dénivelées quotidiennes<br />
n’excèdent pas 50 à <strong>10</strong>0 m<br />
sur un parcours « plat »,<br />
étagé entre 3 200 et<br />
3 700 m… sur une semaine.<br />
C’est tout simplement<br />
l’itinéraire de montagne…<br />
le plus plat du monde !<br />
Il est 17 heures passées. L’ombre qui nous<br />
ac<strong>com</strong>pagne depuis des heures semble se renforcer<br />
avec la tombée de la nuit et la venue d’un<br />
autre <strong>fr</strong>oid. Fin de journée sur le fleuve gelé. Assis<br />
sur un rocher poli, au bord de la langue de sable<br />
clair, regarder les hautes falaises, les volutes de<br />
synclinaux <strong>fr</strong>acturés. Là-haut, à cinq cents mètres<br />
au-dessus du niveau de la rivière, tout est encore<br />
au soleil. Rêve d’entomologiste ? Se sentir épinglé<br />
au fond d’un décor titanesque, arasé de lumière<br />
claire dont aucune chaleur pourtant ne parviendra<br />
jusqu’à nous… Voyage au pays des<br />
ombres ? Un genévrier qui se découpe au bord<br />
des couleurs d’une crête lointaine. Le jeu des<br />
strates suspendues dans l’air. Le croissant de la<br />
lune pâle a disparu des quelques minces degrés<br />
de ciel « ouvert » au-dessus de notre étrange<br />
monde de falaises et de glace : cette nuit, une<br />
nouvelle année tibétaine <strong>com</strong>mence.<br />
UN HIVER EN HIMALAYA<br />
Se raccrocher à l’altitude ; 3 370 mètres qui ne<br />
veulent rien dire au fil horizontal du fleuve… Et<br />
au nom du lieu : Tasrak Do. Tasrak Do ? Le « coin<br />
où l’on file vite ». Pour les Zanskaris, la réputation<br />
de ce campement n’est plus à faire, toute<br />
d’histoires de gelures subites, doigts et oreilles<br />
confondus. Bref : le coin le plus <strong>fr</strong>igo du Chadar.<br />
Nous avons de la chance, ce soir, il fait bon. À<br />
vue de nez, un petit -20 °C… En regardant les<br />
lueurs des feux s’élever des abris de roche sous<br />
les falaises, chercher vainement à retrouver les<br />
images « d’avant ». La réalité, ou peut-être plus<br />
justement encore l’irréalité <strong>com</strong>plète de la rivière<br />
gelée a subverti tout imaginaire. Même le mot<br />
de « trek » ne convient plus : le Chadar est un<br />
monde en soi, qui finit par ne plus se signifier<br />
que de lui-même…<br />
Mémoires de cette défaite magnifique ? Un vol<br />
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