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Fiers <strong>com</strong>me des<br />
gamins ? Nos porteurs<br />
zanskaris étaient aux<br />
anges de renouer avec<br />
un très ancien itinéraire<br />
hivernal, délaissé depuis<br />
de nombreuses<br />
décennies…<br />
QUELLES<br />
TEMPÉRATURES ?<br />
Attention au <strong>fr</strong>oid intense,<br />
lié à un passage de col à<br />
près de 5 000 m et aux hauts<br />
plateaux du Changtang du<br />
début de l’itinéraire.<br />
Lorsque nous avons<br />
effectué ce trek entre la<br />
fin janvier et la mifévrier,<br />
les températures les plus<br />
basses (de nuit) descendaient<br />
sous les 40 °C, au<br />
niveau des bergeries de<br />
Lungmoche.<br />
BIVOUACS<br />
Contrairement encore<br />
au Chadar, les bivouacs en<br />
grottes sont quasi absents.<br />
Tout se passe sous tente,<br />
sauf quelques nuits dans<br />
des bergeries ou villages.<br />
À partir des gorges proprement<br />
dites, les stocks de<br />
bois flotté sur les rives<br />
permettent d’établir de<br />
très confortables feux<br />
à chaque campement.<br />
LE DÉSERT ABSOLU<br />
9 février. Jours de « relâche » à Khurna Sumdo.<br />
Nous sommes depuis six jours pleins les otages<br />
des gorges proprement dites. Encerclés. Enfermés.<br />
Débordés. Écrasés. De cataractes de falaises, de<br />
plissements, d’aiguilles, d’arches et de dalles suspendues<br />
au-dessus de nos têtes… Et sur cette<br />
dernière section de notre petite balade, pourquoi<br />
ne pas l’écrire, nous pétons les plombs de bonheur.<br />
Cette partie de l’itinéraire du Jumlam (traversée<br />
Zanskar-Indus par les cols) a débuté avec<br />
une météo douteuse. Mais la crainte lancinante<br />
des grosses chutes de neige et des avalanches<br />
est derrière nous : après le jour blanc et les<br />
ambiances monochromes, le grand bleu est<br />
revenu. Les strates orange-ocre-jaune explosent<br />
vers le ciel. Certains saules, dans les bosquets,<br />
bourgeonnent… Un peu partout, des traces de<br />
léopard des neiges. De loups. Des troupeaux de<br />
bharals perchés sur les arêtes.<br />
À part cela : l’isolement est absolu. Depuis des<br />
jours, nous n’avons croisé aucune présence ni<br />
trace de quoi que ce soit d’humain. Image ? Nous<br />
fonçons vers les vacances, sur une autoroute<br />
déserte, qui semble n’être là rien que pour nous.<br />
Et la mer n’est pas loin. La preuve ? Il ne fait plus<br />
-35 °C, mais un doux -<strong>10</strong> °C. Les sacs, réserves de<br />
nourriture quasi épuisées, semblent ultra-légers.<br />
Nous sommes passés d’une concentration plutôt<br />
« tendue » à une dolce vita hors catégorie. La progression<br />
sur les zones gelées est plus facile que<br />
sur la Zanskar. Il y a moins de débit, et la glace<br />
occupe parfois l’intégralité du fond des gorges…<br />
Pieds mouillés ? Pas grave ! Les chaussettes trempées<br />
(puantes) et les chaussons de feutre finissent<br />
toujours par fumer, piqués sur des bâtons audessus<br />
de foyers parfumés au genévrier.<br />
RENTRÉE DANS L’ATMOSPHÈRE<br />
Fin de la pression ? Nous profitons de chaque<br />
embranchement pour remonter les affluents…<br />
Une journée vers le col de Shapodak, en direction<br />
du Lar La. Une journée vers le Charchar La, qui<br />
redescend sur Zangla, Pishu, Karsha et Padum. Ou<br />
vers le Rabrang La, qui repart sur la Markha…<br />
Après l’engagement et les incertitudes des<br />
semaines passées, ces dernières longueurs dans<br />
l’hiver du Zanskar sont d’une immense liberté.<br />
Tous les porteurs ne pensent plus qu’à la manière<br />
dont ils vont, eux, raconter « leur » traversée.<br />
Histoire de marquer le coup, sur notre carte, Targye<br />
a même baptisé, très modestement, le dernier<br />
bivouac à son nom : « Targye Lungpa » !<br />
13 février. Une rentrée dans l’atmosphère ? Assis<br />
sur un rocher, regarder sans trop savoir quoi dire<br />
le flot vert émeraude de la Zanskar, face aux porteurs<br />
rayonnants. Pour eux, peut-être plus que<br />
pour nous encore, le retour de ce long voyage<br />
était empreint d’une vraie fierté. La virée était<br />
longue. Aventureuse dans le meilleur sens du<br />
terme. Et pouce levé, le plus vieux d’entre eux<br />
s’est fendu d’un immense sourire. Et, hilare, a<br />
posé en anglais son avis final sur notre histoire :<br />
« Fucking beautiful trip »…<br />
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