Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Manali. Comme des gamins, nous galopons tous<br />
sur les cinq cents mètres du ruban d’asphalte<br />
dégagé par le vent, histoire de ne pas manquer<br />
ce bout de route inutile, noyé d’un hiver qui ne<br />
mène plus nulle part…<br />
LE VIEUX CHANGPA<br />
Palme de l’improbable : ce matin, nous avons<br />
croisé Meme. Avec son chien et sa besace, le vieux<br />
Changpa arpente les solitudes en éclaireur, pour<br />
les zones de pâturages. Ce soir, il rentre droit sur<br />
Dat, où il est attendu. « Vous allez là-bas aussi ?<br />
Le clan y est installé, mais nous partons bientôt. Il<br />
faut que nous montions plus haut, sur Tandse Sumdo.<br />
Le col du Yar La ? Pas de soucis… ! Vous verrez. Il faut<br />
juste suivre le mur ! » Le mur ? Sans trop bien <strong>com</strong>prendre,<br />
nous finissons dans la soirée, entre thés<br />
brûlants et énormes bols de thukpa, par abandonner<br />
notre option « gorges de la Tsarap », pour<br />
effectivement nous diriger vers Dat. Nous tournons<br />
le dos à six jours minimum en aller-retour,<br />
sans trop de regret : dans trois jours, si tout va<br />
pour le mieux, nous rejoindrons… la vie des<br />
hommes.<br />
1 er février. Le (sublime) col du Yar La (4 900 m) est<br />
<strong>fr</strong>anchi en fin de matinée. Ce point haut était un<br />
réel enjeu pour nous. Il ne nous reste désormais<br />
plus… qu’à descendre. Les tentes sont posées face<br />
à la déferlante immense qui monte désormais<br />
devant nous, mélange d’aiguilles de Chamonix,<br />
de tours du Paine et de canyons américains. Notre<br />
dernière nuit dans les bergeries de Lungmoche<br />
est presque (déjà) oubliée. Par un petit -40 °C,<br />
jamais nous n’aurons eu si <strong>fr</strong>oid. Progression neige<br />
jusqu’aux genoux. Et puis nous avons suivi le mur.<br />
Un fabuleux cadeau de pierre d’un mètre par un<br />
mètre, rasant la surface des neiges, serpentant<br />
de part et d’autre du col. Cet ouvrage génial,<br />
auto-nettoyé par les vents, date de quelque trente<br />
ans. Et garantit aux troupeaux <strong>com</strong>me aux<br />
hommes, en cas de chutes de neige, de pouvoir<br />
quitter la nasse immaculée des plateaux.<br />
AVEC LES NOMADES<br />
5 février. La scène ne va durer que quelques<br />
minutes. Elle marquera l’un de nos plus forts souvenirs<br />
de ces semaines. Depuis trois jours, nous<br />
vivons à l’heure de Dat. Une trentaine de familles,<br />
toutes générations confondues. Les troupeaux<br />
de chèvres et de yacks, les chevaux. Les grands<br />
mouvements du cheptel qui s’égaillent chaque<br />
matin dans les vallées alentour. Les chants des<br />
bergères qui reviennent avec l’ombre du soir. Les<br />
deux jeunes moines-gardiens du monastère où<br />
nous dormons. Le dédale des maisons de pierre<br />
et des enclos où nous finissons par avoir nos<br />
repères, nos haltes. Le programme très simple,<br />
plein de chaleur : invitations, thés, rires, <strong>fr</strong>omages<br />
et pains ronds, photos, viandes séchées, farniente<br />
et récupération. Mais ce matin est un grand jour<br />
pour nos hôtes. Il est 5 h 30 du matin. Partout, on<br />
s’active dans la nuit. Chevaux et yacks bâtés en<br />
une poignée de minutes : avec les premières<br />
lueurs de l’aube, c’est le village entier qui se met<br />
en route sous nos yeux. Grands « dju dju»heureux,<br />
noyés d’ombres bleues, mêlés aux crissements<br />
des sabots sur la neige gelée. Grands aux<br />
revoirs de la main. Sur un yack, un môme qui<br />
ne doit pas avoir deux ans, émerge à peine des<br />
couvertures. Il doit faire un bon -20 °C. La scène<br />
va durer cinq minutes, jusqu’à ce que la caravane<br />
entière disparaisse au premier coude de la<br />
vallée. Le silence qui revient d’un trait. En retournant<br />
vers le village totalement déserté, nous partageons<br />
quelques mots maladroits sur<br />
l’impensable « liberté » des peuples nomades…<br />
UN RÉEL ENGAGEMENT<br />
Hormis le (redoutable) duo <strong>fr</strong>oidaltitude, l’itinéraire ne présente pas de difficultés particulières en termes<br />
de marche. L’enneigement sur les hauts plateaux ne nécessite pas l’emploi de raquettes… Quant aux<br />
dénivelées, elles sont très raisonnables, voire quasi nulles sur les sections gelées. Reste que : les conditions<br />
de glace sur la partie basse de l’itinéraire, les possibilités de mauvais temps sur les plateaux d’altitude (vent,<br />
notamment), ou encore les risques d’avalanches en cas de fortes chutes de neige dans les gorges englobent<br />
ce vaste itinéraire d’une aura spécifique : contrairement au Chadar, ici, l’isolement et l’autonomie sont<br />
absolus sur 95 % de l’itinéraire.<br />
Nomade du clan de<br />
Karnak, Meme Tsundup<br />
est l’un des patriarches<br />
qui guide les familles<br />
et les troupeaux vers<br />
les maigres pâturages<br />
dispersés sur les<br />
plateaux d’altitude…<br />
S’ACCLIMATER<br />
La première partie de<br />
l’itinéraire est nichée à plus<br />
de 4 500 m, soit 1 500 m<br />
plus haut que « le fleuve<br />
gelé », qui n’est déjà pas<br />
une simple balade estivale.<br />
L’altitude de ce point de<br />
départ nécessite donc<br />
réellement un début<br />
d’acclimatation d’une<br />
poignée de jours à Leh<br />
ou dans ses environs.<br />
NB : envisager cet itinéraire<br />
« à l’envers », dans<br />
le sens ZanskarChangtang<br />
est possible. Mais le trek,<br />
dans ce sens, perdrait –<br />
à notre avis – l’essentiel<br />
de sa magie…<br />
ATTENTION À<br />
L’ÉQUIPEMENT !<br />
Difficile de se contenter<br />
d’àpeuprès sur ce<br />
chapitre. Équipement<br />
trois couches type expé,<br />
grosses polaires et/ou<br />
doudounes, masques et<br />
gants d’altitude, duvets<br />
grands <strong>fr</strong>oids (30 °C à<br />
40 °C) indispensables.<br />
Variante au GoreTex ?<br />
Une grosse chuba (le<br />
manteau traditionnel<br />
ladakhi), de très bonne<br />
qualité, convient parfaitement<br />
aux conditions rencontrées…<br />
Pour les chaussures,<br />
les remarques<br />
sont les mêmes que<br />
pour le Chadar.<br />
81