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Trek_2017_09_10_fr.downmagaz.com

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Manali. Comme des gamins, nous galopons tous<br />

sur les cinq cents mètres du ruban d’asphalte<br />

dégagé par le vent, histoire de ne pas manquer<br />

ce bout de route inutile, noyé d’un hiver qui ne<br />

mène plus nulle part…<br />

LE VIEUX CHANGPA<br />

Palme de l’improbable : ce matin, nous avons<br />

croisé Meme. Avec son chien et sa besace, le vieux<br />

Changpa arpente les solitudes en éclaireur, pour<br />

les zones de pâturages. Ce soir, il rentre droit sur<br />

Dat, où il est attendu. « Vous allez là-bas aussi ?<br />

Le clan y est installé, mais nous partons bientôt. Il<br />

faut que nous montions plus haut, sur Tandse Sumdo.<br />

Le col du Yar La ? Pas de soucis… ! Vous verrez. Il faut<br />

juste suivre le mur ! » Le mur ? Sans trop bien <strong>com</strong>prendre,<br />

nous finissons dans la soirée, entre thés<br />

brûlants et énormes bols de thukpa, par abandonner<br />

notre option « gorges de la Tsarap », pour<br />

effectivement nous diriger vers Dat. Nous tournons<br />

le dos à six jours minimum en aller-retour,<br />

sans trop de regret : dans trois jours, si tout va<br />

pour le mieux, nous rejoindrons… la vie des<br />

hommes.<br />

1 er février. Le (sublime) col du Yar La (4 900 m) est<br />

<strong>fr</strong>anchi en fin de matinée. Ce point haut était un<br />

réel enjeu pour nous. Il ne nous reste désormais<br />

plus… qu’à descendre. Les tentes sont posées face<br />

à la déferlante immense qui monte désormais<br />

devant nous, mélange d’aiguilles de Chamonix,<br />

de tours du Paine et de canyons américains. Notre<br />

dernière nuit dans les bergeries de Lungmoche<br />

est presque (déjà) oubliée. Par un petit -40 °C,<br />

jamais nous n’aurons eu si <strong>fr</strong>oid. Progression neige<br />

jusqu’aux genoux. Et puis nous avons suivi le mur.<br />

Un fabuleux cadeau de pierre d’un mètre par un<br />

mètre, rasant la surface des neiges, serpentant<br />

de part et d’autre du col. Cet ouvrage génial,<br />

auto-nettoyé par les vents, date de quelque trente<br />

ans. Et garantit aux troupeaux <strong>com</strong>me aux<br />

hommes, en cas de chutes de neige, de pouvoir<br />

quitter la nasse immaculée des plateaux.<br />

AVEC LES NOMADES<br />

5 février. La scène ne va durer que quelques<br />

minutes. Elle marquera l’un de nos plus forts souvenirs<br />

de ces semaines. Depuis trois jours, nous<br />

vivons à l’heure de Dat. Une trentaine de familles,<br />

toutes générations confondues. Les troupeaux<br />

de chèvres et de yacks, les chevaux. Les grands<br />

mouvements du cheptel qui s’égaillent chaque<br />

matin dans les vallées alentour. Les chants des<br />

bergères qui reviennent avec l’ombre du soir. Les<br />

deux jeunes moines-gardiens du monastère où<br />

nous dormons. Le dédale des maisons de pierre<br />

et des enclos où nous finissons par avoir nos<br />

repères, nos haltes. Le programme très simple,<br />

plein de chaleur : invitations, thés, rires, <strong>fr</strong>omages<br />

et pains ronds, photos, viandes séchées, farniente<br />

et récupération. Mais ce matin est un grand jour<br />

pour nos hôtes. Il est 5 h 30 du matin. Partout, on<br />

s’active dans la nuit. Chevaux et yacks bâtés en<br />

une poignée de minutes : avec les premières<br />

lueurs de l’aube, c’est le village entier qui se met<br />

en route sous nos yeux. Grands « dju dju»heureux,<br />

noyés d’ombres bleues, mêlés aux crissements<br />

des sabots sur la neige gelée. Grands aux<br />

revoirs de la main. Sur un yack, un môme qui<br />

ne doit pas avoir deux ans, émerge à peine des<br />

couvertures. Il doit faire un bon -20 °C. La scène<br />

va durer cinq minutes, jusqu’à ce que la caravane<br />

entière disparaisse au premier coude de la<br />

vallée. Le silence qui revient d’un trait. En retournant<br />

vers le village totalement déserté, nous partageons<br />

quelques mots maladroits sur<br />

l’impensable « liberté » des peuples nomades…<br />

UN RÉEL ENGAGEMENT<br />

Hormis le (redoutable) duo <strong>fr</strong>oid­altitude, l’itinéraire ne présente pas de difficultés particulières en termes<br />

de marche. L’enneigement sur les hauts plateaux ne nécessite pas l’emploi de raquettes… Quant aux<br />

dénivelées, elles sont très raisonnables, voire quasi nulles sur les sections gelées. Reste que : les conditions<br />

de glace sur la partie basse de l’itinéraire, les possibilités de mauvais temps sur les plateaux d’altitude (vent,<br />

notamment), ou encore les risques d’avalanches en cas de fortes chutes de neige dans les gorges englobent<br />

ce vaste itinéraire d’une aura spécifique : contrairement au Chadar, ici, l’isolement et l’autonomie sont<br />

absolus sur 95 % de l’itinéraire.<br />

Nomade du clan de<br />

Karnak, Meme Tsundup<br />

est l’un des patriarches<br />

qui guide les familles<br />

et les troupeaux vers<br />

les maigres pâturages<br />

dispersés sur les<br />

plateaux d’altitude…<br />

S’ACCLIMATER<br />

La première partie de<br />

l’itinéraire est nichée à plus<br />

de 4 500 m, soit 1 500 m<br />

plus haut que « le fleuve<br />

gelé », qui n’est déjà pas<br />

une simple balade estivale.<br />

L’altitude de ce point de<br />

départ nécessite donc<br />

réellement un début<br />

d’acclimatation d’une<br />

poignée de jours à Leh<br />

ou dans ses environs.<br />

NB : envisager cet itinéraire<br />

« à l’envers », dans<br />

le sens Zanskar­Changtang<br />

est possible. Mais le trek,<br />

dans ce sens, perdrait –<br />

à notre avis – l’essentiel<br />

de sa magie…<br />

ATTENTION À<br />

L’ÉQUIPEMENT !<br />

Difficile de se contenter<br />

d’à­peu­près sur ce<br />

chapitre. Équipement<br />

trois couches type expé,<br />

grosses polaires et/ou<br />

doudounes, masques et<br />

gants d’altitude, duvets<br />

grands <strong>fr</strong>oids (­30 °C à<br />

­40 °C) indispensables.<br />

Variante au Gore­Tex ?<br />

Une grosse chuba (le<br />

manteau traditionnel<br />

ladakhi), de très bonne<br />

qualité, convient parfaitement<br />

aux conditions rencontrées…<br />

Pour les chaussures,<br />

les remarques<br />

sont les mêmes que<br />

pour le Chadar.<br />

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