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Trek_2017_09_10_fr.downmagaz.com

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sur Leh, en hiver. Par le hublot, regarder naître<br />

des plaines brumeuses du Pendjab les contreforts<br />

de l’Himalaya. Les Nun-Kun. Rêver de reconnaître<br />

les géants de l’est, K2 ou Nanga Parbat.<br />

L’infini des reliefs qui s’installe, finissant par<br />

excaver de lumière jusqu’à la courbure du globe.<br />

Ce jour-là, le Boeing a fait demi-tour à la verticale<br />

de la vallée de l’Indus. La piste de Leh n’était<br />

pas en condition. Choc encore, passé cet allerretour<br />

improbable : l’hiver de Leh. La lumière<br />

d’or le soir dans le bazar. Les échoppes de souvenirs<br />

et les hôtels fermés. Plus tard, sous les<br />

arches de roche du monastère d’Hemis, transfiguré<br />

d’hiver, des enfants, sur le ruisseau gelé,<br />

glissent accroupis sur de petits traîneaux de bois.<br />

Me demander si bientôt, nous serons aussi<br />

habiles à maîtriser nos propres glissades…<br />

LE CHEMIN DES GLACES<br />

Un 28 janvier. Nous sommes à Chilling. Chilling<br />

<strong>com</strong>me point de départ du Chadar ? Sur ce linceul<br />

gelé, que nous sommes allés toucher du<br />

bout de nos bottes si timidement tout à l’heure,<br />

je regarde progresser un homme. Chargé d’un<br />

fagot, il passe, légère silhouette, semblant<br />

presque danser, exactement là où je n’imaginerais<br />

même pas mettre les pieds… Je me souviens<br />

que la rivière, ce soir-là, était tout entière dans<br />

mon esprit une appréhension d’inconnu…<br />

30 janvier. Sensations nouvelles. Les heures de<br />

marche entre l’ombre <strong>fr</strong>oide, magnifique, des<br />

falaises. L’apprentissage du « laisser-aller » très<br />

attentif des pas sur la glace. Les silhouettes<br />

rapides des porteurs. Les éclats de blanc et<br />

d’émeraude du fleuve. Au kaléidoscope des<br />

lumières et des contrastes, des ombres et des<br />

formes, répondent sans cesse de folles harmonies<br />

sonores, toutes jouées de glace et d’eau.<br />

Bruits de torrents et de rapides, de lents ressacs<br />

aussi, jusqu’à <strong>fr</strong>ôler, parfois, des semblants<br />

de bord de mer. Résonance des pas et de nos<br />

bâtons de rose sauvage, du simple glissement<br />

aux sourdes résonances pas très amicales.<br />

Parfois, c’est la « banquise » elle-même qui rugit,<br />

dans une brève et invisible convulsion, rehaussée<br />

d’autres silences. Rire avec les porteurs, de nos<br />

magistrales pertes d’équilibre, de nos chutes et<br />

de nos figures libres. Ne pas trop rire, encore,<br />

de certains passages au bord des rives. La langue<br />

de glace qui se faufile contre le rocher. Parfois<br />

guère plus d’un mètre. Attention maximale, souvent,<br />

lorsque la surface, <strong>fr</strong>acturée à force de passages,<br />

se gorge d’eau. Regarder sans y croire<br />

certains porteurs se déchausser et traverser pieds<br />

nus. Ne pas trop rire non plus de certaines sentes,<br />

qui remontent parfois au détour de barres<br />

rocheuses, au-dessus de la rivière… Et ne surtout<br />

pas imaginer lorsque la débâcle interdit<br />

d’utiliser le linceul du fleuve, à quoi peut ressembler<br />

un « mauvais » Chadar…<br />

UN THÉ AU MONASTÈRE<br />

Lundi 3 février. Village de Lingshed. Une matinée<br />

de marche à l’écart de la Zanskar, à remonter<br />

dans les gorges étroites, hier. Des arbres (!). La<br />

neige si cristalline. Les enfants en file indienne<br />

sur le chemin. Corvée de bois, sourires amusés.<br />

Nanouche est remplie d’émotion : visiter ce village<br />

en hiver, après tant d’étés de « passages »,<br />

est au cœur même de son Chadar. Le thé au<br />

monastère. Sa fierté de nous faire visiter la nouvelle<br />

nonnerie qu’elle a financée. La grande<br />

maison où nous nous sommes installés. Dans le<br />

paysage, depuis la terrasse surchargée de<br />

réserves de bois : la silhouette d’un cavalier rentrant<br />

chez lui. Le tissage des sentiers entre les<br />

fermes. Penser longtemps, dans la cuisine<br />

sombre où nous préparons le repas du soir (boudins<br />

grillés, à base de sang de chèvre et de<br />

tsampa…) à l’invraisemblable « permanence » de<br />

APPRENDRE À MARCHER SUR LA GLACE…<br />

Tenté par le Chadar ? Alors il va vous falloir… apprendre à marcher ! Et à maîtriser le fameux « pas Chadar »,<br />

un « glissé­retenu » alternatif, assez déconcertant (<strong>com</strong>me avec les patins sur le parquet de belle­maman, les<br />

pieds ne quittent presque jamais le contact au sol), ac<strong>com</strong>pagné au choix d’appuis sur bâtons télescopiques<br />

ou, mieux encore, sur un solide bâton de bois… qui servent également de sonde (sonore) permettant<br />

d’apprécier la solidité de la glace.<br />

Page de gauche :<br />

à 3 500 m d’altitude,<br />

la gompa (monastère)<br />

de Karsha est entourée<br />

d’une cascade de cellules<br />

monastiques accrochées<br />

à la montagne, face à<br />

Padum. En hiver, l’activité<br />

monastique ne désarme<br />

pas : près de 300 moines<br />

y résident…<br />

EST-CE<br />

DANGEREUX ?<br />

On ne risque rien sur<br />

les glaces du Chadar, en<br />

faisant un peu attention.<br />

Tous les incidents (<strong>fr</strong>acture<br />

de la couche de glace) se<br />

passent aux abords des<br />

rives, particulièrement<br />

près des blocs rocheux<br />

affleurants. Indice évident<br />

de ces zones <strong>fr</strong>agiles :<br />

une glace non translucide,<br />

cassante en surface <strong>com</strong>me<br />

des assiettes, et qui semble<br />

<strong>com</strong>posée de milliers<br />

de cristaux en « dents<br />

de requin ». Les passages<br />

les plus « engagés » sont<br />

souvent des passages sur<br />

berges, où des sentes<br />

raides peuvent passer<br />

parfois 20 à 30 m au­dessus<br />

de l’eau, dans des ressauts<br />

rocheux ou des dalles<br />

recouvertes de neige.<br />

QUEL<br />

ÉQUIPEMENT ?<br />

Duvet ­20 °C minimum,<br />

système trois couches,<br />

veste en duvet, gants,<br />

bonnets, etc. Il ne fait pas<br />

« toujours » ­30 °C, loin<br />

de là, mais s’arrêter une<br />

heure à l’ombre, poser<br />

un camp ou marcher tôt<br />

le matin sont des moments<br />

parfois cinglants en termes<br />

de <strong>fr</strong>oid. Crampons ?<br />

Marcher « rigide » sur<br />

cet itinéraire (en rupture<br />

évidente avec l’esprit<br />

des lieux…) est à la fois<br />

possible et… <strong>fr</strong>ustrant.<br />

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