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LE DOCUMENT<br />
par lui. « Chaque jour de votre vie, pour vos besoins les plus<br />
banals, vous êtes susceptible de mobiliser une centaine de<br />
datacenters éparpillés dans dix pays différents », explique<br />
Fredrik Kallioniemi, directeur commercial de l’hébergeur<br />
de données Hydro66.<br />
***<br />
La bataille du Grand Nord<br />
Le nouvel impératif de souveraineté digitale dont<br />
se réclame un nombre croissant d’États pourrait bousculer<br />
la géographie du cloud. De nombreuses capitales entendent<br />
en effet mieux maîtriser leurs flux informatiques… Au point<br />
qu’un nouveau paradigme de puissance consiste moins,<br />
aujourd’hui, à étendre ses positions à travers le vaste monde<br />
qu’à les consolider chez soi ! Depuis 2015, la Russie impose<br />
ainsi la localisation des données personnelles de ses citoyens<br />
sur son territoire. Le projet européen d’infrastructures<br />
de données Gaia-X vise également à enraciner un cloud<br />
souverain sur le Vieux Continent, sans recours aux services<br />
proposés par les plateformes américaines.<br />
Le même défi se pose à l’Afrique, « qui concentre 17 %<br />
de la population mondiale, mais où ne se trouve que 1 %<br />
des données produites dans le monde », note un expert de<br />
Cap Ingelec. Des hubs se positionnent à travers le continent,<br />
tels que Johannesburg, Dakar, Accra ou encore Casablanca,<br />
où nous nous rendons durant l’hiver 2020. « La position<br />
stratégique du Maroc, à cheval entre l’Europe et l’Afrique<br />
subsaharienne, permettrait aux entreprises européennes<br />
d’y stocker les données de leur clientèle africaine et de<br />
gagner quelques millisecondes de latence », veut croire un<br />
collègue de la même entreprise. Voilà que ressurgit l’impératif<br />
de vitesse… De nombreux spécialistes des datacenters<br />
pensent en effet que l’éloignement géographique des données<br />
réfugiées près des pôles rendra leur temps de transfert<br />
difficilement acceptable pour l’écosystème Internet. Aux<br />
côtés des infrastructures hyperscale, l’avenir serait donc<br />
au edge, un réseau de microdatacenters éparpillés au plus<br />
proche des utilisateurs… Des « circuits informatiques courts »,<br />
en quelque sorte, qui présenteraient également l’avantage<br />
de diminuer la consommation énergétique du transfert<br />
des données, réputée plus lourde que leur stockage.<br />
***<br />
Quand les robots pollueront<br />
davantage que les humains<br />
Robots collaboratifs, voitures autonomes, appareils<br />
communicants, habitations intelligentes, infrastructures<br />
connectées, supply chains (gestion de la chaîne logistique)<br />
digitales, clones numériques… la 5G signe l’affranchissement<br />
progressif de milliards d’objets et autres machines appelés<br />
à cohabiter avec, mais aussi indépendamment des humains.<br />
Après tout, c’est le sens de l’histoire : au début du XX e siècle,<br />
les hommes parlaient à d’autres hommes ; puis ils se mirent<br />
à parler aux machines ; lesquelles leur parlèrent en retour.<br />
Avec la 5G, un nombre croissant de machines peuvent<br />
parler entre elles, sans que nous ayons le moindre besoin<br />
d’intervenir. Certes, ces dernières sont mises au service<br />
de Sapiens… Mais Internet modèle un monde où l’activité<br />
humaine stricto sensu n’est plus la seule à animer l’univers<br />
numérique. « Les ordinateurs et objets communiquent<br />
entre eux sans intervention humaine. La production<br />
de données n’est plus cantonnée à une action de notre<br />
part », confirme Mike Hazas, professeur à l’université de<br />
Lancaster. Ce phénomène génère bien entendu un impact<br />
environnemental… sans que nous soyons capables de<br />
le calculer, voire même de le contrôler. Une question<br />
dérangeante se pose dès lors : en fait d’activité numérique,<br />
les robots pourraient-ils laisser un jour une trace écologique<br />
plus profonde encore que celle des hommes ?<br />
La question est des plus sérieuses, quand on sait que<br />
nos actions représenteraient moins de 60 % de l’activité<br />
globale mesurée sur Internet, le reste étant « une attention<br />
factice, produite par des robots ou par des humains dont c’est<br />
le métier », relève l’auteur d’un ouvrage consacré à l’économie<br />
de l’attention. Internet est en effet un champ de bataille<br />
où des « trolls », « botnets » et autres « spambots » – souvent<br />
automatisés – sont engagés pour envoyer des courriers<br />
indésirables, amplifier des rumeurs sur les réseaux sociaux<br />
ou exagérer la popularité de certaines vidéos. En 2018,<br />
YouTube a même dû déployer des outils qui détectent les vues<br />
de vidéos considérées comme « frauduleuses ». L’Internet des<br />
objets accélère bien entendu cette activité non humaine : en<br />
2023, les connexions entre machines (on parle aussi de M2M<br />
pour machine to machine), tirées en particulier par les maisons<br />
connectées et les voitures intelligentes, devraient totaliser<br />
la moitié des connexions sur le Web. Quant aux données,<br />
le non-humain s’est déjà mis à en produire davantage<br />
que l’humain, et ce depuis l’année 2012…<br />
(…)<br />
102 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>422</strong> – NOVEMBRE 2021