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DR<br />
Le showroom se situe au croisement de l’avenue Matignon et de la rue<br />
du Faubourg-Saint-Honoré, nouvel épicentre de l’art contemporain.<br />
Des artistes africains ont su tirer leur épingle du jeu et sont<br />
sur le marché international avec de grosses cotes, et de belles<br />
évolutions. Ce sont souvent des artistes de la diaspora, qui ont<br />
des liens avec l’Afrique, mais qui n’y sont pas forcément nés. La<br />
sphère afro-américaine, par exemple, très liée au figuratif, que<br />
l’on voit beaucoup en ce moment et qui marche fort. (Ces effets<br />
de mode ont existé à toutes les époques.) L’un des objectifs, dans<br />
ce contexte, c’est le développement du « second marché », celui<br />
des maisons de ventes, pour certains de nos artistes [alors que<br />
le premier marché se réfère à celui qui se déroule dans les galeries<br />
et les foires, ndlr]. Un très jeune artiste n’a pas de raison d’être<br />
présent trop tôt sur ce second marché, mais ceux plus établis<br />
ont besoin de cette légitimité. On devrait<br />
trouver sur le second marché des pièces qui<br />
ont déjà une histoire. La maison de ventes<br />
est complémentaire de la galerie. Et puis,<br />
il y a aussi l’irruption du digital. Le marché<br />
de l’art change. Tout en restant, dans son<br />
fonctionnement profond assez immuable<br />
depuis des décennies… Tout bouge et rien<br />
ne bouge, mais la cote, le second marché<br />
reste, à terme, un objectif essentiel.<br />
Comment « choisissez-vous »<br />
vos artistes, ceux que vous prenez<br />
en main, ceux que vous aidez<br />
à se développer ?<br />
Je n’ai pas de réponses précises, pas de<br />
ligne particulière, l’abstrait, ou le figuratif,<br />
ou autre chose. Mes artistes sont extrêmement<br />
différents, pas un ne se ressemble.<br />
Je suis surtout à la recherche de voix<br />
fortes, porteuses, qui racontent le monde,<br />
qui racontent notre société. Je fais ce métier<br />
pour « comprendre » et j’aime les artistes qui<br />
ont cette capacité de raconter, de décrypter<br />
avec un angle pertinent et fort. Ce n’est pas<br />
un chemin facile. Je cherche depuis plus<br />
de dix ans, je travaille avec une vingtaine<br />
d’artistes… On a souvent tendance à catégoriser<br />
un soi-disant art africain unique, à<br />
le simplifier. La réalité c’est que l’Afrique est<br />
complexe, multiple, qu’elle compte 54 pays,<br />
des centaines de langues. Il faut dépasser<br />
l’imaginaire stéréotypé pour entrer dans<br />
la densité. C’est ce que j’ai envie de faire,<br />
montrer cette pluralité et représenter la<br />
complexité du continent africain.<br />
Qu’est-ce qui fait qu’un peintre<br />
comme Ouattara Watts, déjà reconnu<br />
internationalement, vienne chez vous,<br />
alors qu’il « existe » déjà largement ?<br />
Je cherche, aujourd’hui, une certaine<br />
transversalité dans le choix des artistes, avec des artistes émergents,<br />
des artistes en milieu de carrière, ou très établis comme<br />
Ouattara Watts. J’aime découvrir et défricher. La prospective est<br />
extrêmement importante. Passionnante. Et c’est le sens de notre<br />
second lieu à Abidjan, le Project Space. Si nos galeries attirent,<br />
c’est parce que nous avons une empreinte continentale forte. Nous<br />
sommes enracinés sur le continent. Et ce que l’on voit, c’est le désir<br />
d’artistes connus et reconnus, de revenir « chez eux », sur place,<br />
pour travailler, pour créer. Aujourd’hui, il se passe quelque chose,<br />
et il y a une formidable envie de retour. Une formidable motivation<br />
à « renouer ». Il y a dix ou quinze ans, les conditions étaient<br />
sûrement plus difficiles. Aujourd’hui, ce voyage est plus facile.<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>422</strong> – NOVEMBRE 2021 75