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SANTÉ<br />
Gabriel Alcoba<br />
« Le développement d’un vaccin<br />
contre un tel parasite est plus complexe »<br />
Docteur au service de médecine tropicale et humanitaire des hôpitaux<br />
universitaires de Genève, ce clinicien explique la manière dont fonctionne<br />
le Mosquirix et pourquoi son déploiement constitue – malgré son efficacité<br />
relative – une bonne nouvelle.<br />
<strong>AM</strong> : L’OMS qualifie de « moment historique »<br />
la recommandation du vaccin RTS,S de GSK.<br />
Ce qualificatif est-il, à votre avis, justifié ?<br />
Gabriel Alcoba : Oui, il s’agit d’un moment historique en<br />
matière de santé globale et d’impact potentiel, de réduction<br />
de la mortalité globale due au paludisme, mais aussi<br />
en matière d’innovation vaccinale contre une infection<br />
parasitaire (et non pas virale ou bactérienne) : celui<br />
du parasite du paludisme appelé Plasmodium.<br />
De quel type de vaccin s’agit-il ?<br />
Le RTS,S résulte d’une technologie très innovante<br />
et unique qui cible pour la première fois<br />
un parasite protozoaire. Le développement<br />
d’un vaccin contre un tel parasite est plus<br />
complexe que celui utilisé contre les virus<br />
ou bactéries. Les parasites disposent,<br />
en effet, de mécanismes « d’échappement<br />
immunitaire », qui les protègent contre<br />
nos anticorps et nos globules blancs.<br />
Le Mosquirix contient une protéine<br />
du parasite (circumsporozoïte), cruciale<br />
pour solliciter une immunogénicité. L’OMS<br />
explique qu’il y a deux autres éléments<br />
essentiels : la méthode de présentation<br />
de cette protéine antigénique et le produit<br />
adjuvant qui va augmenter la réaction immunitaire<br />
naturelle. Le vaccin ne contient pas le parasite vivant<br />
atténué ni inactivé, mais cette protéine, c’est-à-dire<br />
uniquement une partie de son enveloppe. L’OMS loue<br />
le partenariat international solide et durable sur trente<br />
ans mené par plusieurs plates-formes scientifiques<br />
internationales, et les nombreux spécialistes africains<br />
impliqués dans cette recherche collaborative.<br />
Que sait-on de l’efficacité réelle du Mosquirix ?<br />
Dans ces trois pays, 800000 enfants ont été vaccinés,<br />
avec un nombre très faible d’effets indésirables sur un total<br />
de 2,3 millions de doses injectées. Il faut faire la différence<br />
entre l’efficacité vaccinale pure – assez modeste, 30 %<br />
de réduction de paludisme sévère – et l’efficacité<br />
populationnelle réelle à l’échelle de la santé publique,<br />
qui est excellente si l’on considère le nombre de décès<br />
évités grâce aux premières doses au Kenya, au Ghana, et<br />
au Malawi. Potentiellement, sur les 260000 décès annuels<br />
d’enfants (400 000 au total avec les adultes), une réduction<br />
de 30 % signifie environ 78000 vies sauvées par an,<br />
mais également plusieurs millions de paludismes sévères<br />
(hospitalisations, anémies graves, transfusions sanguines,<br />
convulsions épileptiques, handicaps) évités. Toutefois,<br />
ce vaccin ne protège pas efficacement au<br />
niveau individuel (30 % seulement) et<br />
ne doit donc, en aucun cas, remplacer les<br />
mesures préventives primaires et secondaires<br />
recommandées : moustiquaires imprégnées,<br />
prophylaxie saisonnière ou pendant<br />
la grossesse, accès rapide au diagnostic<br />
et traitement, etc.<br />
BioNTech annonce la recherche<br />
d’un vaccin à ARN messager. Quelles<br />
sont les différences d’action entre<br />
celui-ci et un autre plus « classique »<br />
contre une parasitose ?<br />
Il s’agit de deux mécanismes très<br />
différents. Comme pour ceux contre le SARS-CoV2, un<br />
vaccin à ARN messager permet d’introduire un petit<br />
morceau du code génétique d’une partie du parasite, très<br />
brièvement, pour « exprimer » une protéine de surface<br />
qui va solliciter la réponse immune, mais ne modifie pas<br />
le code génétique humain. Le vaccin contre le paludisme<br />
actuellement recommandé par l’OMS utilise une technique<br />
plus « classique » à base de protéines de l’organisme, mais<br />
est aussi très innovant, car il est le premier contre un<br />
parasite et combine trois éléments : la bonne protéine<br />
circumsporozoïte, mais aussi la manière de la présenter,<br />
et l’adjuvant du produit.<br />
DR<br />
52 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>422</strong> – NOVEMBRE 2021