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AM 422

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SANTÉ<br />

Gabriel Alcoba<br />

« Le développement d’un vaccin<br />

contre un tel parasite est plus complexe »<br />

Docteur au service de médecine tropicale et humanitaire des hôpitaux<br />

universitaires de Genève, ce clinicien explique la manière dont fonctionne<br />

le Mosquirix et pourquoi son déploiement constitue – malgré son efficacité<br />

relative – une bonne nouvelle.<br />

<strong>AM</strong> : L’OMS qualifie de « moment historique »<br />

la recommandation du vaccin RTS,S de GSK.<br />

Ce qualificatif est-il, à votre avis, justifié ?<br />

Gabriel Alcoba : Oui, il s’agit d’un moment historique en<br />

matière de santé globale et d’impact potentiel, de réduction<br />

de la mortalité globale due au paludisme, mais aussi<br />

en matière d’innovation vaccinale contre une infection<br />

parasitaire (et non pas virale ou bactérienne) : celui<br />

du parasite du paludisme appelé Plasmodium.<br />

De quel type de vaccin s’agit-il ?<br />

Le RTS,S résulte d’une technologie très innovante<br />

et unique qui cible pour la première fois<br />

un parasite protozoaire. Le développement<br />

d’un vaccin contre un tel parasite est plus<br />

complexe que celui utilisé contre les virus<br />

ou bactéries. Les parasites disposent,<br />

en effet, de mécanismes « d’échappement<br />

immunitaire », qui les protègent contre<br />

nos anticorps et nos globules blancs.<br />

Le Mosquirix contient une protéine<br />

du parasite (circumsporozoïte), cruciale<br />

pour solliciter une immunogénicité. L’OMS<br />

explique qu’il y a deux autres éléments<br />

essentiels : la méthode de présentation<br />

de cette protéine antigénique et le produit<br />

adjuvant qui va augmenter la réaction immunitaire<br />

naturelle. Le vaccin ne contient pas le parasite vivant<br />

atténué ni inactivé, mais cette protéine, c’est-à-dire<br />

uniquement une partie de son enveloppe. L’OMS loue<br />

le partenariat international solide et durable sur trente<br />

ans mené par plusieurs plates-formes scientifiques<br />

internationales, et les nombreux spécialistes africains<br />

impliqués dans cette recherche collaborative.<br />

Que sait-on de l’efficacité réelle du Mosquirix ?<br />

Dans ces trois pays, 800000 enfants ont été vaccinés,<br />

avec un nombre très faible d’effets indésirables sur un total<br />

de 2,3 millions de doses injectées. Il faut faire la différence<br />

entre l’efficacité vaccinale pure – assez modeste, 30 %<br />

de réduction de paludisme sévère – et l’efficacité<br />

populationnelle réelle à l’échelle de la santé publique,<br />

qui est excellente si l’on considère le nombre de décès<br />

évités grâce aux premières doses au Kenya, au Ghana, et<br />

au Malawi. Potentiellement, sur les 260000 décès annuels<br />

d’enfants (400 000 au total avec les adultes), une réduction<br />

de 30 % signifie environ 78000 vies sauvées par an,<br />

mais également plusieurs millions de paludismes sévères<br />

(hospitalisations, anémies graves, transfusions sanguines,<br />

convulsions épileptiques, handicaps) évités. Toutefois,<br />

ce vaccin ne protège pas efficacement au<br />

niveau individuel (30 % seulement) et<br />

ne doit donc, en aucun cas, remplacer les<br />

mesures préventives primaires et secondaires<br />

recommandées : moustiquaires imprégnées,<br />

prophylaxie saisonnière ou pendant<br />

la grossesse, accès rapide au diagnostic<br />

et traitement, etc.<br />

BioNTech annonce la recherche<br />

d’un vaccin à ARN messager. Quelles<br />

sont les différences d’action entre<br />

celui-ci et un autre plus « classique »<br />

contre une parasitose ?<br />

Il s’agit de deux mécanismes très<br />

différents. Comme pour ceux contre le SARS-CoV2, un<br />

vaccin à ARN messager permet d’introduire un petit<br />

morceau du code génétique d’une partie du parasite, très<br />

brièvement, pour « exprimer » une protéine de surface<br />

qui va solliciter la réponse immune, mais ne modifie pas<br />

le code génétique humain. Le vaccin contre le paludisme<br />

actuellement recommandé par l’OMS utilise une technique<br />

plus « classique » à base de protéines de l’organisme, mais<br />

est aussi très innovant, car il est le premier contre un<br />

parasite et combine trois éléments : la bonne protéine<br />

circumsporozoïte, mais aussi la manière de la présenter,<br />

et l’adjuvant du produit.<br />

DR<br />

52 AFRIQUE MAGAZINE I <strong>422</strong> – NOVEMBRE 2021

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