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La réalisatrice s’est rendue<br />
au lycée de Bristol,<br />
à Cannes, pour évoquer<br />
son film avec les élèves de<br />
la section cinéma-audiovisuel,<br />
en septembre dernier.<br />
NICE MATIN/PATRICE LAPOIRIE/PHOTOPQR<br />
Oui ! Vu que le livre est récemment sorti en poche, ça a<br />
d’ailleurs relancé la conversation. Des personnes du milieu du<br />
spectacle et du cinéma se sont emparées de ce sujet, mais le<br />
racisme concerne beaucoup de salariés en entreprise ! Il y a<br />
aussi des lecteurs qui comptent des individus noirs, asiatiques<br />
ou arabes dans leur famille et veulent davantage comprendre.<br />
Que les intervenantes parlent toutes à la première personne<br />
a aussi beaucoup contribué à l’identification et à la force de<br />
leurs propos… Cet ouvrage m’a permis de nouer ou de consolider<br />
des liens avec d’autres artistes. Je suis amie avec Nadège<br />
Beausson-Diagne depuis vingt-cinq ans, c’est ma sœur de cœur<br />
et de combat. En revanche, je ne connaissais pas Eye Haïdara,<br />
et j’ai découvert une personnalité très lumineuse, d’une bienveillance<br />
totale. C’était également passionnant d’échanger avec<br />
des plus jeunes que moi, telles Karidja Touré ou Assa Sylla, ou<br />
plus âgées, comme Firmine Richard ou France Zobda.<br />
Un autre livre est-il prévu ?<br />
Oui, je travaille sur un documentaire sur mon papa, qui va<br />
aussi vivre à travers un livre. Il sortira aux éditions de L’Iconoclaste,<br />
où je retrouve l’éditrice de Noire n’est pas mon métier, qui<br />
m’a aidée à avoir confiance en moi et à apprivoiser cette drôle<br />
de chose qu’est l’écriture.<br />
Comment envisagez-vous la visibilité des femmes<br />
noires, et comment pensez-vous la défendre ?<br />
Il s’agit avant tout de s’interconnecter à travers nos ressemblances,<br />
afin de remettre en question la structure sociétale.<br />
Des personnalités aussi charismatiques que France Zobda ou<br />
Angélique Kidjo ont œuvré dans ce sens et nous ont ouvert la<br />
voie, même si la presse de l’époque ne les relayait guère. Depuis,<br />
les réseaux sociaux ont participé à instaurer le débat. Je me<br />
sens à la fois militante et très privilégiée car je fais le métier<br />
dont j’ai rêvé, ce qui me permet d’avoir une véritable plateforme<br />
d’expression. Mais cela demande beaucoup d’énergie et<br />
de vigilance vis-à-vis de soi, de son entourage. Il faut savoir<br />
garder un équilibre émotionnel… Pendant longtemps, il y avait<br />
beaucoup de femmes seules sur le front féministe parce qu’elles<br />
n’étaient pas entendues. Aujourd’hui, je suis rassurée de voir<br />
le jeune âge des activistes et la façon dont leurs camarades<br />
masculins accueillent cette parole. Évidemment, beaucoup de<br />
choses m’indignent, me font mal, me révoltent, mais je ressens<br />
également un sursaut très encourageant.<br />
Effectivement, on a bien vu que des choses vous<br />
indignaient lors de la cérémonie des Césars 2020,<br />
sur la scène de laquelle vous avez dénoncé la cruelle<br />
absence de personnes noires dans la salle !<br />
[Elle éclate de rire.] On m’en parle souvent de cette soirée !<br />
Mais ayant été malade peu de temps après, sans doute du Covid-<br />
19, j’ai été très protégée par mes proches. Des amis de longue<br />
date, comme des inconnus, m’ont manifesté leur soutien sur les<br />
réseaux sociaux. Ils se sont reconnus dans l’idée de vouloir faire<br />
cesser le statu quo sur des sujets comme l’égalité. Par ailleurs,<br />
l’année 2020 a été émaillée de manifestations contre le racisme<br />
partout dans le monde. Ce qui a amené beaucoup de gens à<br />
réfléchir à la question raciale, alors qu’ils pensaient, à l’origine,<br />
qu’elle ne les concernait guère.<br />
Vous reste-t-il un grand rêve à réaliser ?<br />
Maintenant que je me suis prouvé que je pouvais réaliser<br />
des films, cela va sans doute passer par là… J’espère avoir l’opportunité<br />
d’inscrire mon travail dans la durée. Je n’avais pas de<br />
modèle, jusqu’à ce que je rencontre Ava DuVernay ! Avec elle,<br />
j’aimerais créer un studio en France, dans lequel imprimer mes<br />
valeurs humanistes et féministes, et convier des personnalités<br />
d’horizons différents, tant du point de vue social que religieux,<br />
géographique ou ethnique. Bref, un endroit propice à la création<br />
d’histoires, un Tout-Monde d’Édouard Glissant à l’échelle<br />
d’un studio ! ■<br />
AFRIQUE MAGAZINE I <strong>422</strong> – NOVEMBRE 2021 87