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LE JURISTE D'ENTREPRISE FACE AUX CONTENTIEUX - AFJE

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36<br />

<strong>CONTENTIEUX</strong> | À l’aube des NTIC<br />

Contentieux et e-discovery<br />

Isabelle Hautot – France Télécom-Orange, Directeur juridique Expertise<br />

Internationale & Litiges Groupe, Contentieux général, Immobilier &<br />

Environnement – CCIAG Corporate Counsel Arbitration Group, Vice-Chair –<br />

Avocat au Barreau de Paris, honoraire<br />

Isabelle Hautot<br />

La discovery est la procédure<br />

américaine qui oblige les parties<br />

d’un contentieux naissant à se<br />

communiquer l’ensemble des pièces<br />

relatives au litige. Elle s’inspire de la<br />

procédure anglaise de disclosure dont<br />

elle est un avatar plus systématique.<br />

La e-discovery est cette même procédure,<br />

portant sur les pièces conservées<br />

électroniquement.<br />

Censée permettre l’inventaire exhaustif<br />

des faits de la cause, la discovery<br />

est un rouage essentiel au procès<br />

américain : chacune des parties évaluant<br />

d’entrée de jeu l’entièreté du<br />

dossier de l’adversaire peut décider<br />

en connaissance de cause, soit de<br />

poursuivre la voie contentieuse, soit de<br />

négocier une transaction. Processus<br />

tendant à l’émergence de la vérité –<br />

et qui, au sens d’un juriste américain,<br />

lui est indispensable – la discovery<br />

tend, pragmatiquement, à évaluer en<br />

amont les chances d’un procès : de<br />

fait, à l’éviter.<br />

Sa prétention à l’exhaustivité, son<br />

extension à l’ensemble de la docu-<br />

Juriste d’Entreprise Magazine N°11 – Novembre 2011<br />

mentation électronique et au recueil<br />

de témoignages oraux, ont cependant<br />

fait de la discovery un processus disproportionné.<br />

La masse des pièces<br />

concernées, la question de leur intégrité,<br />

les difficultés techniques d’extraction<br />

engendrées, les interviews de<br />

dirigeants, ont transformé cette phase<br />

réputée préliminaire en un processus<br />

paralysant et ruineux, qui fonctionne<br />

à rebours de son ambition d’origine :<br />

ce qui était le moyen de cerner une<br />

vérité factuelle est devenu lui-même la<br />

menace essentielle et, pour un demandeur<br />

souvent en situation d’imposer<br />

ses vues quant au périmètre d’investigation,<br />

un moyen de pression très<br />

étranger aux exigences de justice.<br />

Menée à l’encontre d’une entreprise<br />

française, les effets d’une discovery<br />

sont encore aggravés par le fait que<br />

les avis et conseils des juristes internes<br />

sont, à quelques exceptions près,<br />

divulgables au même titre que n’importe<br />

quel autre élément de preuve,<br />

les juristes étant, faute de statut, dans<br />

l’incapacité de revendiquer une quelconque<br />

forme de confidentialité, soit<br />

du contenu de leurs écrits (à l’instar<br />

du legal privilege qui protège les documents<br />

émis par un avocat américain,<br />

quelque soit son mode d’exercice)<br />

soit tenant à la nature de leur mission<br />

(à l’instar du secret professionnel qui<br />

pèse sur les avocats français).<br />

Ainsi ne reste-t-il pas grand-chose de<br />

ses visées originelles d’efficacité à une<br />

technique devenue un monstre procédural<br />

qu’une entreprise s’expose à<br />

« Menée à l’encontre d’une entreprise<br />

française, les effets d’une discovery sont<br />

encore aggravés par le fait que les avis et<br />

conseils des juristes internes sont, à quelques<br />

exceptions près, divulgables au même titre que<br />

n’importe quel autre élément de preuve. »<br />

affronter dans toute procédure commerciale<br />

ou d’enquête où s’appliquerait<br />

la loi américaine.<br />

La société FTSA n’a eu à affronter une<br />

discovery qu’un nombre de fois limité.<br />

La première expérience remonte à<br />

1995 : tentative d’ouvrir un volet américain<br />

dans un contentieux commercial<br />

franco-français dont étaient déjà saisies<br />

les juridictions françaises. Aussi<br />

ténus qu’aient été les liens allégués<br />

avec le sol américain, le juge ne s’était<br />

alors déclaré incompétent qu’après<br />

une première phase de discovery qui,<br />

quoique dite dans ce cas « limitée »<br />

(aux vérifications de la compétence<br />

territoriale), avait exigé deux ans d’investigations<br />

avant un jugement favo-

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