Magazin von FRAGILE Suisse - Nummer 1, März 2011
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« Au début, ça se passe bien »<br />
Un problème que le Dr Vuadens observe<br />
lui aussi régulièrement avec ses patients :<br />
« Au début, ça se passe bien. Mais au bout<br />
de 5 ou 6 mois, on oublie des handicaps<br />
qui ne se voient pas. Cela crée des animosités<br />
qui se répercutent sur toute l’équipe.<br />
Le patron doit faire un choix. » Aussi le<br />
médecin se dit-il désormais sceptique :<br />
« Réinsérer les victimes de lésions cérébrales<br />
? Avec les années, je me pose de<br />
plus en plus la question. Une majorité de<br />
victimes de traumatismes graves aurait<br />
des capacités de travail, mais il n’y a pas<br />
d’employeurs susceptibles de les engager<br />
à long terme. »<br />
Directeur général adjoint de la Fédération<br />
des entreprises romandes, Olivier<br />
Sandoz tend à confirmer cette analyse :<br />
« L’entreprise n’a pas pour mission première<br />
d’insérer des personnes handicapées.<br />
Pour le faire, elle doit examiner si<br />
elle est capable de reprendre l’employé, si<br />
d’autres activités peuvent lui être confiées<br />
à l’interne et quels sont les aménagements<br />
à envisager. Ce n’est pas possible<br />
dans tous les cas. »<br />
« Je rêve d’avoir une autre vie »<br />
En l’absence d’aménagements, l’employé<br />
cérébro-lésé risque de payer le prix fort<br />
de ses efforts. Victime d’un grave accident<br />
en 1995, Christian* exerce depuis plus de<br />
dix ans sa profession de paysagiste à<br />
plein temps. Un parcours qui a été interrompu<br />
par plusieurs épisodes dépressifs<br />
et des phases d’épuisement. « On m’a<br />
programmé pour travailler. Au début, ça<br />
me faisait du bien. Maintenant, je rêve<br />
d’avoir une autre vie. Il m’est arrivé de me<br />
cacher au travail pour faire des siestes<br />
quand je ne tenais plus. Je n’ai plus de<br />
vie sociale ni familiale. »<br />
Les conditions d’une réinsertion réussie<br />
Outre des aménagements de poste (voir<br />
encadré), travailler avec des cérébro-lésés<br />
suppose encore une certaine organisation.<br />
« Il ne faut pas leur mettre la pression,<br />
souligne ainsi Cathy Barraud ; les tâches<br />
doivent leur être confiées par tranches<br />
et ensuite contrôlées. » Un apprentissage<br />
qu’Eric S., entrepreneur en menuiserie<br />
qui a engagé il y a 6 ans un ami cérébro-lésé,<br />
fait au fil du temps : « Je dois<br />
souvent me répéter pour qu’il n’oublie<br />
rien et anticiper ses éventuelles erreurs.<br />
Pour éviter qu’il ne se fatigue, j’alterne les<br />
travaux que je lui confie. Il ne faut pas le<br />
laisser trop longtemps sur la même tâche,<br />
sinon c’est la catastrophe ! Mais quand il<br />
aime une activité, il a plus de facilité et il<br />
est plus efficace. »<br />
Pour Eric S., les maîtres-mots de cette<br />
collaboration sont avant tout tact, dialogue<br />
et franchise. Reste le facteur humain :<br />
« J’apprécie sa valeur et j’ai de la satisfaction<br />
à travailler avec lui. S’il n’y avait que<br />
l’argent, cela ferait longtemps que je me<br />
serais séparé de lui. » Et le Dr Vuadens de<br />
conclure : « Il faut ajouter à l’objectif économique<br />
des buts éthiques, à savoir une<br />
réinsertion à visée sociale et occupationnelle<br />
».<br />
Pour en savoir plus :<br />
François Cohadon et al., Les traumatisés<br />
crâniens, de l’accident à la réinsertion,<br />
Arnette, 2008 (3 ème éd.).<br />
Philippe Vuadens, Le retour au travail<br />
après un traumatisme cranio-cérébral,<br />
Revue médicale de la <strong>Suisse</strong> romande,<br />
123, 637-641, 2003.<br />
*Prénoms d’emprunt<br />
Les obstacles à la réinsertion des cérébro-lésés sont réels. Pour autant, il ne s’agit pas<br />
de renoncer à tout projet professionnel. Selon la littérature spécialisée, les chances<br />
d’un retour au travail sont meilleures quand la victime reprend l’activité qu’elle<br />
exerçait avant le traumatisme. Rares sont cependant celles qui peuvent retravailler à<br />
100 %. Des aménagements sont souvent indispensables : réduction du temps de<br />
travail, pauses non fixes, adaptations ergonomiques, information à l’employeur et<br />
aux collègues de travail, etc. Dans certains cas, une réorientation est inévitable.<br />
La réinsertion des personnes cérébro-lésées est un processus long. Elle doit être<br />
initiée tôt, dès la phase de réhabilitation hospitalière. Avant de tenter une reprise sur<br />
le marché du travail primaire, il convient d’évaluer les ressources et les difficultés de<br />
la victime dans un milieu protégé. L’ensemble de ce processus doit être assuré par<br />
des spécialistes des lésions cérébrales et de leurs conséquences, de manière à<br />
estimer concrètement l’impact des troubles sur le poste de travail.<br />
<strong>FRAGILE</strong> <strong>Suisse</strong> 01 | <strong>2011</strong><br />
Favoriser la réinsertion sur le marché primaire<br />
de l’emploi : à qui s’adresser ?<br />
Se renseigner dès la phase<br />
de réhabilitation hospitalière<br />
Organisations spécifiques pour les<br />
victimes de lésions cérébrales :<br />
– Helpline de <strong>FRAGILE</strong> <strong>Suisse</strong> :<br />
0800 256 256 (pour un premier conseil)<br />
– Centre Rencontres :<br />
www.centre-rencontres.ch<br />
Organisations spécialisées<br />
dans le domaine du handicap :<br />
– Centre d’intégration professionnelle :<br />
www.cip.ch<br />
– Clinique romande de réadaptation<br />
de la Suva : www.crr-suva.ch<br />
– Fondation IPT intégration pour tous :<br />
www.fondation-ipt.ch<br />
– Insert de Pro Infirmis Vaud :<br />
www.proinfirmis.ch/fr/<br />
offres-cantonales/vaud.html<br />
Les ateliers de la Clinique romande de<br />
réadaptation à Sion proposent des programmes<br />
de réinsertion professionnelle pour les victimes<br />
de lésions cérébrales.<br />
Favoriser la réinsertion professionnelle d’une<br />
personne cérébro-lésée passe notamment par<br />
une prise en charge précoce.<br />
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