Journal of Film Preservation - FIAF
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L’action d’André Malraux<br />
L’arrivée d’André Malraux en 1959 à la tête du ministère d’État chargé<br />
des Affaires culturelles se traduisit pour la Cinémathèque par des<br />
subventions substantiellement augmentées, la création d’une salle de<br />
projection nouvelle de quatre cent trente places dans l’aile nord du<br />
Palais de Chaillot, l’installation d’un nouveau siège rue de Courcelles, la<br />
rénovation de la salle du musée pédagogique rue d’Ulm et l’inscription<br />
au budget de l’État de crédits nouveaux pour le tirage de copies de<br />
sauvegarde. Le ministre avait annoncé au Festival de Cannes que<br />
désormais le rayonnement de l’association s’étendrait à l’ensemble du<br />
territoire français et qu’elle deviendrait la première du monde. Il le<br />
confirmera le 24 novembre à l’Assemblée nationale : « Créer enfin cette<br />
Cinémathèque dont nous avons les moyens puisque nous possédons la<br />
première collection de films anciens du monde […]. N’importe quel<br />
jeune homme pourra, en deux ou trois ans, voir les cent plus beaux<br />
films que le monde a produits. » L’ incendie rue de Courcelles, le 10<br />
juillet 1959, quelques semaines après l’inauguration du nouveau siège,<br />
n’inquiéta pas les autorités. En revanche, il fut à l’origine de l’exclusion<br />
de la Cinémathèque française par la <strong>FIAF</strong> en raison de la destruction de<br />
plus d’une centaine de films prêtés par d’autres cinémathèques et de<br />
l’absence de tout inventaire qui aurait pu permettre de contrôler<br />
l’importance et la nature des dégâts (30) . D’après Richard Roud, l’unique<br />
copie de Mariage de prince de Erich von Stroheim aurait été détruite ce<br />
jour-là. L’ augmentation de la participation financière de l’État et les<br />
nouvelles responsabilités du fait de l’interdiction de la circulation des<br />
copies sur film nitrate, imposant ainsi leur dépôt à la Cinémathèque<br />
française, donnaient à celle-ci un rôle de service public qui modifiait<br />
sensiblement sa nature.<br />
Construction d’un mythe<br />
Le soutien inconditionnel de plusieurs journaux encouragea Henri<br />
Langlois dans des attitudes fallacieuses. Une série d’articles du journal<br />
Le Monde des 21, 22, 23, et 24 août 1962 avait contribué à construire le<br />
mythe du « Dragon qui veille sur nos trésors » en faveur duquel Jean<br />
Cocteau se montra bien imprudent. Yvonne Baby et Elvire de Brissac<br />
reprirent à leur compte, sans vérification, les affirmations du fondateur<br />
de la Cinémathèque :<br />
– sur l’historique : « à la Libération nous nous sommes très vite installés<br />
avenue de Messine », occultant ainsi la mémoire de l’Occupation ;<br />
– sur les aspects juridiques : « les dépôts à la Cinémathèque : même<br />
principe qu’à la Bibliothèque nationale, je prends tous les films si on me<br />
les confie gracieusement » (en complète contradiction avec « les<br />
déposants restant propriétaires de leurs films ») ;<br />
– sur la richesse des collections et sur leur conservation : « c’est la<br />
Cinémathèque qui a le plus de films […] près de cinquante mille. Notre<br />
blockhaus de Bois-d’Arcy n’est pas admirable mais il est suffisamment<br />
vaste pour que l’œuvre de collections n’ait dû être interrompue faute de<br />
place. C’est pour l’instant essentiel […]. Un film est un être vivant […]<br />
qui doit être manipulé et projeté. »<br />
Et Jean de Baroncelli concluait le 25 février 1968, toujours dans Le<br />
Monde : « Un homme irremplaçable existe à la tête de la<br />
22 <strong>Journal</strong> <strong>of</strong> <strong>Film</strong> <strong>Preservation</strong> / 67 / 2004