de marie de hongrie aux gilles de binche - Mémoires du Hainaut ...

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Après 1918
Au lendemain de la première guerre mondiale, le carnaval ne revivra
qu'après un an de deuil. Il reprend en 1920, mais la municipalité interdit encore
le port du masque, comme dans toutes les localités de Belgique.
Depuis longtemps, les échos de la savante discussion du congrès d'Enghien
se sont assourdis. L'hypothèse de Van den Corput, qui finissait par comparer
le Gille à don Quichotte, et le Paysan à Sancho Pança, était si touffue, si imprécise
que le populaire s'y perdait. Quant à Ernest Matthieu, O. Colson et
leurs émules, ils présentaient surtout des arguments contre l'hypothèse de Van
den Corput. La partie positive de leur hypothèse restait faible et, elle aussi,
complexe pour le Binchois moyen.
Après une cinquantaine d'années de diffusion ou d'existence, la légende a
perdu beaucoup de son flou artistique de 1872. Au fil des décennies, elle a gagné
des personnages historiques ou exotiques prestigieux, une époque et
même une date, les lieux de l'événement qui se mue en une sorte de défilé
commémoratif. La fable du Tournaisien Delmée, soucieux surtout de conter
ou d'amuser, s'est muée progressivement en explication pseudo-historique.
Cette progression ne va pas sans détours. Elle se déroule à la manière de la
procession d'Echternach, trois pas en avant et deux en arrière. Un bel exemple
d'explication mixte nous est fourni par un écrivain parisien, Léo Claretie 230
qui voit à la fois, dans le carnaval de Binche, «un curieux souvenir historique
et une amusante exhibition». Lequel unit en lui «le Gille de la farce [...], les
caciques des Incas, la découverte de l'Amérique, l'occupation espagnole des
Flandres, Marie de Hongrie et Scaramouche, le duc d'Albe et Mezettin».
Même notre éminent historien national Henri Pirenne 231 , dès 1907, se laisse
prendre au piège de la fable, qu'il croit fondée parce qu'il n'imagine guère que
l'on puisse, a nihilo, au départ d'un vide absolu, créer pareille fabulation. H.
Pirenne écrit : «Elle [Marie de Hongrie] se fit construire de somptueux châteaux
à l'italienne à Mariemont et à Binche, et le souvenir des fêtes éblouissantes
qu'elle y donna se conserve peut-être de nos jours, affaibli sans doute et
dénaturé, dans les mascarades annuelles des Gilles de Binche.»
En 1922, Paul-Clovis Meurisse 232 publie une brochure patronnée par la' Société
d'Archéologie. Il rappelle la légende, sans guère y croire, me semble-t-il.
On y retrouve Marie de Hongrie qui «affectionnait particulièrement son château
de Binche où elle résidait habituellement avec sa cour»; les fastueuses
fêtes d'août 1549 et le proverbe Mas brava que las ftestas de Bains dont on
garde le souvenir en Espagne. «C'était au temps de la conquête du Pérou par
François Pizarre. Les gibbosités du Gille feraient songer aux peuples ignorés
de ces pays, que nos aïeux pensaient être des monstres, et les magnifiques
plumes couvrant sa coiffure seraient une réminiscence de celles dont se pa-