de marie de hongrie aux gilles de binche - Mémoires du Hainaut ...

246
Luxembourg et les Pays-Bas. Puis, après une pause à Bruxelles, se continue la
tournée, déjà commencée à la fin du voyage, du prince à travers ses futures
principautés. Le récit s'attarde parfois pour souligner les caractéristiques de
telle «Joyeuse Entrée» par exemple, à Bruxelles ou à Mons. Les Triomphes de
Binche ne sont pas, au sens strict, une «Joyeuse Entrée», mais ils constituent
une exaltation festive de la gloire, de la puissance du souverain, dans ce nouveau
palais Renaissance que n'a pas encore terminé l'un des grands artistes
européens de l'époque, le Montois Jacques du Brœucq.
La réception par la reine douairière de Hongrie, Marie d'Autriche, dame de
la ville et du domaine de Binche, de l'empereur Charles Quint, de son héritier
l'infant d'Espagne, et d'Eléonore d'Autriche, reine douairière de France, se
déroule du jeudi 22 au samedi 31 août 1549. La finalité politique poursuivie,
sans doute à l'invitation de l'empereur, justifie la mise en scène grandiose et
fastueuse de ces multiples divertissements. A l'observateur d'aujourd'hui, ces
journées apparaissent comme le reflet de deux époques. A la Renaissance appartiennent
la mode vestimentaire, le palais et son décor architectonique, la
présentation ornementale des lices, le style musical et chorégraphique de ces
ballets masqués et mimés, ces «mascarades» d'où sortiront les chorégraphies
fastueuses, extravagantes ou burlesques, de nos cours européennes. L'esprit
des festivités de Binche, comme des autres villes européennes qui ont reçu le
prince lors de son voyage d'Espagne vers les Pays-Bas, me semble davantage
médiéval que Renaissance. La nature des divertissements reste médiévale. Les
joutes et tournois disparaîtront bientôt de la scène ludique. D'exercices guerriers,
entraînement sportif à un art belliqueux révolu, ils se mueront bientôt en
carrousels spectaculaires, luxueux, originaux où la grâce, l'élégance remplacent
la brutalité dangereuse des rencontres. Les intermèdes appartiennent au
Moyen Âge, sauf lors de la collation offerte à Mariemont où apparaissent de
charmantes divinités de l'Olympe. À ce monde mythologique que ressuscite
ou réanime l'esprit nouveau de la Renaissance, s'opposent les autres intermèdes
plaisants : les pèlerins de Saint-Jacques, accompagnés de leurs femmes
portant leur matériel de cuisine, qui chantent a cappella, un chœur pieux de
circonstance; le lâcher incongru d'animaux qui surprend et fait rire; tel chevalier
en deuil, parce que, dit-on, il s'est querellé avec son épouse, chevauche un
destrier, entouré de choristes entonnant un lamento dont on soupçonne la double
résonance. D'autres intermèdes sont influencés par la tradition européenne,
élitaire ou populaire : les hommes sauvages, ceux aux vêtements luxueux de la
mascarade du mercredi soir, ceux qui accompagnent le dragon de la joute du
samedi; le dragon crachant des flammes aux fusées pétaradantes à l'image du
toro defuego ibérique. Médiéval, le thème autour duquel s'articulent les journées
capitales des dimanche et lundi ! Celles-ci se déroulent suivant un scénario
qui s'inspire des personnages, des êtres fabuleux, des lieux étranges
fantasmagoriques, du décor, d'un épisode que le créateur du canevas a été pui-