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Enoncé Théorique de TPM - Pierre Cauderay.pdf - EPFL

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cela engendre, Virilio explique, dans Un mon<strong>de</strong> surexposé en août 7 :<br />

« Avec la nouvelle mondialisation <strong>de</strong>s échanges, la cité revient au premier<br />

plan. Forme historique majeure <strong>de</strong> l’humanité, la métropole concentre la vitalité<br />

<strong>de</strong>s nations du globe. Mais cette cité locale n’est déjà plus qu’un quartier,<br />

un arrondissement parmi d’autres <strong>de</strong> l’invisible « métacité mondiale » dont<br />

« le centre est partout et la circonférence nulle part » (Pascal). Hypercentre<br />

virtuel, dont les villes réelles ne sont jamais que la périphérie, […].<br />

En fait, plus les distances <strong>de</strong> temps s’abolissent et plus l’image <strong>de</strong> l’espace se<br />

dilate : « On dirait qu’une explosion a eu lieu sur toute la planète. Le moindre<br />

recoin se trouve tiré <strong>de</strong> l’ombre par une lumière crue », écrivait Ernst<br />

Jünger, à propos <strong>de</strong> cette illumination qui éclaire la réalité du mon<strong>de</strong>. […]<br />

Avec ce faux jour produit par l’illumination <strong>de</strong>s télécommunications, se lève<br />

un soleil d’artifice, un éclairage <strong>de</strong> secours qui inaugure un temps nouveau<br />

- temps mondial où la simultanéité <strong>de</strong>s actions <strong>de</strong>vrait bientôt l’emporter sur<br />

leur classique successivité.[…].<br />

Membre fantôme, la Terre ne s’étend plus à perte <strong>de</strong> vue, elle se donne à voir<br />

sous toutes ses faces dans l’étrange lucarne. La soudaine multiplication <strong>de</strong>s<br />

points <strong>de</strong> vue n’est donc que l’effet d’annonce <strong>de</strong> la toute <strong>de</strong>rnière globalisation<br />

: celle du regard, <strong>de</strong> l’oeil unique du cyclope qui gouverne la caverne,<br />

cette boîte noire qui dissimule <strong>de</strong> plus en plus mal le grand soir <strong>de</strong> l’histoire,<br />

une histoire victime du syndrome <strong>de</strong> l’accomplissement total. »<br />

Derrière un ton fataliste, P. Virilio décrit l’abolissement d’une conception<br />

du temps et <strong>de</strong> l’espace ; une transformation majeur, dont nous avons encore<br />

<strong>de</strong> la difficulté à prendre conscience. L’écran, qu’il soit <strong>de</strong> télévision<br />

ou d’ordinateur a soustrait notre environnement réel, la terre, à notre regard.<br />

Et <strong>de</strong>puis l’avènement <strong>de</strong> la toile – internet – un mon<strong>de</strong> virtuel, fruit<br />

<strong>de</strong> tous les regards et <strong>de</strong> toutes les attentions, a émergé. Virilio considère<br />

qu’aujourd’hui notre mon<strong>de</strong> réel est en passe <strong>de</strong> <strong>de</strong>venir la périphérie <strong>de</strong> cet<br />

univers éthéré nouvellement émergé. Avec les risques techniques que cela<br />

impose. Un grand krach informatique aurait <strong>de</strong>s conséquenses aujourd’hui<br />

gigantesque.<br />

Virilio se présente comme l’inventeur <strong>de</strong> la dromologie, science <strong>de</strong> la vitesse.<br />

La vitesse, c’est la distance parcourue en un certain temps. Jérôme Bindé, directeur<br />

<strong>de</strong> la division <strong>de</strong> l’anticipation et <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s prospectives à l’Unesco,<br />

s’intéresse à la vitesse du temps dans un article intitulé L’avenir du temps,<br />

mars 2002 :<br />

« Pourquoi poser la question du temps, <strong>de</strong> l’avenir du temps et <strong>de</strong>s futurs<br />

possibles ? Parce que notre société vit sous la tyrannie du temps. Comme<br />

l’indique Milan Kun<strong>de</strong>ra, elle « est coincée sur la mince passerelle du<br />

présent. »<br />

Le XXe siècle a été l’époque <strong>de</strong>s prévisions arrogantes, presque toujours démenties.<br />

Le XXIe siècle sera celle <strong>de</strong> l’incertitu<strong>de</strong>, donc <strong>de</strong> la prospective.<br />

Moins que jamais, nous ne saurions prédire dans quel temps nous vivrons.<br />

Une révolution majeure, en effet, s’est produite dans la conception scientifique<br />

du temps. Selon la théorie classique, celle <strong>de</strong> Newton, le temps s’écoulait<br />

uniformément, à la même vitesse, il était universel, absolu et neutre. En ce<br />

sens, le passé et l’avenir étaient i<strong>de</strong>ntiques.<br />

Nous savons qu’avec la théorie mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> la relativité, formulée par Einstein,<br />

la notion du temps a été profondément remaniée. Le concept d’espacetemps<br />

s’est imposé, et s’est substitué aux notions séparées d’espace et <strong>de</strong> temps.<br />

Le temps a alors perdu son idéalité physique et newtonienne. Du fait qu’on ne<br />

peut aller plus vite que la vitesse <strong>de</strong> la lumière, on ne saurait remonter dans<br />

le passé. […]<br />

Mesurons-nous assez la révolution que ces découvertes introduisent dans la<br />

notion du temps ? Voici venue la fin <strong>de</strong>s certitu<strong>de</strong>s : le temps n’a pas un<br />

avenir, mais <strong>de</strong>s avenirs. Car la nature est désormais imprévisible : elle est<br />

histoire. […]<br />

Face à ce bouleversement immense <strong>de</strong> nos conceptions du temps, quoi<br />

d’étonnant si nous vivons aussi une crise du temps social et culturel ? Comme<br />

le disait le philosophe italien Bene<strong>de</strong>tto Croce, l’histoire est toujours contemporaine.<br />

Premier phénomène : la contraction du temps et <strong>de</strong> l’espace - cette compression<br />

qui est au coeur <strong>de</strong>s analyses <strong>de</strong> la troisième révolution industrielle.<br />

Si l’on cherche quelques repères chronologiques sur la contraction du temps<br />

dans l’histoire, faut-il rappeler qu’on a commencé <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> dixième <strong>de</strong><br />

secon<strong>de</strong> en 1600, <strong>de</strong> centième <strong>de</strong> secon<strong>de</strong> en 1800, <strong>de</strong> millisecon<strong>de</strong> en 1850,<br />

<strong>de</strong> microsecon<strong>de</strong> (millionième <strong>de</strong> secon<strong>de</strong>) en 1950, <strong>de</strong> nanosecon<strong>de</strong> (milliardième<br />

<strong>de</strong> secon<strong>de</strong>) en 1965, <strong>de</strong> picosecon<strong>de</strong> (millième <strong>de</strong> milliardième <strong>de</strong><br />

secon<strong>de</strong>) en 1970, <strong>de</strong> femtosecon<strong>de</strong> (millionième <strong>de</strong> milliardième <strong>de</strong> secon<strong>de</strong>)<br />

en 1990, et qu’on parlera probablement en 2020 d’attosecon<strong>de</strong>, c’est-à-dire <strong>de</strong><br />

milliardième <strong>de</strong> milliardième <strong>de</strong> secon<strong>de</strong> !<br />

Notre connaissance du temps semble progresser vers une décomposition toujours<br />

plus fine, vers l’infiniment bref, dont chaque domaine <strong>de</strong> la vie sociale,<br />

jusque dans la culture, la communication et la politique, semble fournir autant<br />

d’exemples parlants. Andy Warhol disait que n’importe qui pourrait<br />

<strong>de</strong>venir célèbre durant quinze minutes à l’âge <strong>de</strong>s médias <strong>de</strong> masse. Mais

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