Enoncé Théorique de TPM - Pierre Cauderay.pdf - EPFL
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Cathédrale laïque ou profane ?<br />
Selon un article <strong>de</strong>s architectes Salwa et Selma Mikou <strong>de</strong> Paris, dans Architecture<br />
d’aujourd’hui, L’histoire récente <strong>de</strong>s sociétés occi<strong>de</strong>ntales a donc été<br />
marquée par :<br />
« […] la création d’institutions humaines – droits <strong>de</strong> l’homme, république,<br />
laïcité –, érigées en moteur <strong>de</strong> l’unification sociale. Ces institutions, alors<br />
même que les valeurs politiques et morales qui les animent ne s’ancrent plus<br />
sans un ordre divin ou cosmique, ont acquis avec le temps un caractère objectif<br />
et paraissent dominer les hommes qui les ont créées. Réifiées et pourtant<br />
sacrales, ces instituions restent <strong>de</strong>s constructions rationnelles, abstraites,<br />
sans représentation possible, qui laissent entière la question essentielle du<br />
rapport à l’autre. Dans le vi<strong>de</strong> <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong> désenchanté, sécularisé et individualiste,<br />
il n’y a plus communauté <strong>de</strong> pensée, où trouver les nouvelles ressources<br />
symboliques qui vont reconstruire <strong>de</strong>s i<strong>de</strong>ntités et produire du sens ?<br />
Un coup d’œil sur la production architecturale contemporaine montre une<br />
profusion d’images fortes, un grand élan <strong>de</strong> subjectivité. Qu’il s’agisse d’un<br />
laboratoire <strong>de</strong> recherche, d’un musée ou d’un jardin public, les constructions<br />
semblent échapper à leurs fonctions pour gagner un statu autre, celui <strong>de</strong> support<br />
<strong>de</strong> communication. Les bâtiments à forte présence visuelle <strong>de</strong>viennent<br />
alors <strong>de</strong>s points <strong>de</strong> départ d’un nouveau développement. On espère que ces<br />
lieux <strong>de</strong> rassemblement orientent la quête d’i<strong>de</strong>ntité <strong>de</strong>s municipalités en<br />
mutation. Véritables cathédrales laïques, ces bâtiments phares s’imposent<br />
par leur échelle hors du commun et par leur rayonnement. Mais ces images<br />
fortes sont-elles vraiment une réponse aux attentes et aux interrogations <strong>de</strong>s<br />
sociétés contemporaines ? Ces merveilleuses icônes peuvent-elles combler le<br />
vi<strong>de</strong> laissé par l’érosion <strong>de</strong>s croyances anciennes ? »<br />
Selon ce qui a été énoncé précé<strong>de</strong>mment, la reconstruction <strong>de</strong>s symboles<br />
collectifs par <strong>de</strong>s cathédrales laïques, aussi rayonnantes soient-elles, ne<br />
peut pas assurer le rôle <strong>de</strong>s croyances dans la quête du sens. Les images<br />
fortes <strong>de</strong>s icônes <strong>de</strong> l’architecture contemporaine ne sont que l’expression<br />
Musée Guggenheim à Bilbao<br />
d’un déséquilibre. Celui <strong>de</strong> l’excessive pétrification dans la quête <strong>de</strong><br />
l’immatériel. Or un principe érodé, oublié, refoulé s’exerce souvent <strong>de</strong><br />
manière pathologique. Comme nous le disions précé<strong>de</strong>mment, la science<br />
ne peut pas assurer l’unité spirituelle d’un peuple. Ni, par extension, le Progrès<br />
car comme le disait Régis Debray, la paix internationale n’a pas été<br />
introduite par le chemin <strong>de</strong> fer, ni l’harmonie sociale par l’électricité. Raison<br />
pour laquelle, l’explication qui suit la citation précé<strong>de</strong>nte <strong>de</strong> Salwa et Selma<br />
Mikou n’est pas suffisante:<br />
« Un exemple probant et maintes fois cité, le musée Guggenheim à Bilbao,<br />
bâtiment singulier et sculptural, s’offre à l’appréhension du regard comme<br />
une œuvre d’art. Que peut nous dire cette œuvre emblématique, au-<strong>de</strong>là du<br />
visible, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> son apparence objective ? Sa force d’expression, si bien<br />
inscrite dans la topographie du paysage urbain, semble en même temps<br />
s’extraire <strong>de</strong> la réalité ambiante et <strong>de</strong>s soucis structurels et constructifs. Ce<br />
bâtiment nous donne une impression essentielle, laissant entrevoir la dimension<br />
sensible <strong>de</strong> l’architecture. Quelle serait la force qui agit dans la profon<strong>de</strong>ur<br />
du bâti pour animer les voiles mouvementés en surface ? Producteur<br />
d’énigme, ce bâtiment cristallise <strong>de</strong>s interrogations, remue <strong>de</strong>s symboliques,<br />
installe un nouvel imaginaire, permet une appropriation individuelle et collective<br />
et, en même temps, rassemble la société autour <strong>de</strong> valeurs partagées.<br />
Il rappelle par sa nature, par sa mise en scène, par sa place dans la cité, les<br />
cathédrales d’autrefois ; comme si le sacré, dans son acception universelle,<br />
s’était déplacé, comme si l’aptitu<strong>de</strong> à faire sens n’était plus réservée aux seuls<br />
bâtiments religieux. »<br />
Certes, mais il ne restera jamais qu’un bâtiment vi<strong>de</strong> au sens <strong>de</strong> Hegel. Et<br />
même si on l’envisageait comme plein, il le serait toujours au sens <strong>de</strong> Hegel.<br />
Le fait qu’il soit pris pour une cathédrale laïque met en évi<strong>de</strong>nce son absence<br />
<strong>de</strong> vi<strong>de</strong> au sens du volume soustrait <strong>de</strong>s cathédrales et autres lieux <strong>de</strong><br />
culte, parce que ce qu’il abrite est un moyen, parce que sa présence même<br />
est un moyen dont la fin lui est extérieure. Parce que même si le Guggenheim<br />
<strong>de</strong> Bilbao va au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> ce qu’il abrite, et qu’on peut dire aujourd’hui<br />
qu’il trouve sa justification en lui-même (il a effectivement requalifié son<br />
environnement proche et l’a inscrit dans une autre échelle), il ne fait que<br />
répéter l’expérience <strong>de</strong>s hommes <strong>de</strong> Babel. Il est incapable <strong>de</strong> discourir sur<br />
les valeurs fondamentales <strong>de</strong> notre civilisation. La quête du sens, raison<br />
d’être d’une cathédrale! Les cathédrales profanes ne peuvent pas combler<br />
l’érosion <strong>de</strong>s croyances anciennes, parce qu’« il ne suffit pas qu’une œuvre<br />
se réfère aux mythes ou utilise <strong>de</strong>s symboles pour qu’elle puisse rendre<br />
sensible la présence d’une divinité ou l’existence d’un mon<strong>de</strong> autre », dit<br />
Ricardo Porro dans l’article déjà cité en début <strong>de</strong> travail.<br />
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