30.06.2013 Views

Enoncé Théorique de TPM - Pierre Cauderay.pdf - EPFL

Enoncé Théorique de TPM - Pierre Cauderay.pdf - EPFL

Enoncé Théorique de TPM - Pierre Cauderay.pdf - EPFL

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

<strong>de</strong>rnières années, à l’égard <strong>de</strong>s rares propositions révolutionnaires émanant<br />

<strong>de</strong> chercheurs. Comme, par exemple, pour la théorie non démontrée à ce<br />

jour <strong>de</strong> Jacques Benveniste sur la «mémoire <strong>de</strong> l’eau » ou pour celle, <strong>de</strong>puis<br />

couronnée d’un prix Nobel, <strong>de</strong> Stanley B. Prusiner sur les prions.<br />

N’est-ce pas le fait d’une idéologie, voire d’une idéologie religieuse, que<br />

d’institutionnaliser les vérités du moment comme immuables, <strong>de</strong> les faire<br />

défendre par <strong>de</strong>s prêtres intouchables, gardiens du grand livre <strong>de</strong> la science,<br />

et <strong>de</strong> refouler violemment toute idée nouvelle si elle oblige à corriger les dogmes<br />

que constituent les anciens paradigmes ?<br />

Il reste que l’état <strong>de</strong> la science à chaque moment <strong>de</strong>meure insuffisant pour expliquer<br />

<strong>de</strong>s situations complexes et envisager leur dénouement. L’incertitu<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>s prévisions paraît manifeste puisque les conclusions <strong>de</strong>s experts sont qualifiées<br />

d’«optimistes» ou «pessimistes» plutôt que <strong>de</strong> «vraies» ou «fausses».<br />

Le retour du subjectif vient ainsi clore l’objectivité proclamée <strong>de</strong> la métho<strong>de</strong><br />

scientifique. Les optimistes ont pour eux un argument imparable : le pire<br />

n’est pas démontré tant qu’il n’est pas arrivé.<br />

Mais l’option «optimiste» ne <strong>de</strong>vrait pas autoriser, par exemple, à nier l’effet<br />

qu’ont les activités humaines sur les changements climatiques, tout au plus à<br />

espérer que la température moyenne augmentera <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>grés plutôt que<br />

<strong>de</strong> cinq ou six au cours <strong>de</strong> ce siècle, une situation qui obligerait cependant<br />

aux mêmes mesures <strong>de</strong> précaution que l’option pessimiste. De même pour la<br />

dissémination <strong>de</strong>s transgènes dans la nature ou la pollution radioactive à<br />

partir <strong>de</strong> l’industrie nucléaire : ce ne sont pas ces phénomènes, raisonnements<br />

inéluctables, qui <strong>de</strong>vraient faire débat, mais seulement le temps nécessaire<br />

pour qu’ils <strong>de</strong>viennent insupportables. Alors, ce que dissimule finalement la<br />

discrimination entre optimisme et pessimisme, c’est la foi. La foi qui laisse<br />

croire aux optimistes que le pire ne peut pas arriver, parce qu’on trouvera<br />

une para<strong>de</strong> encore inimaginable.<br />

Ici, le scientifique, soumis au catéchisme <strong>de</strong> la technoscience, choisit souvent<br />

la prophétie contre la rigueur. La plus haute instance française en la matière,<br />

l’Académie <strong>de</strong>s sciences, s’est trompée par optimisme sur tous les risques<br />

d’atteinte à la santé <strong>de</strong>puis vingt ans : sur l’amiante, la dioxine, la vache<br />

folle, sans parler <strong>de</strong>s plantes génétiquement modifiées (PGM). Chaque fois,<br />

l’Académie a vanté l’innovation et condamné l’obscurantisme en proclamant<br />

qu’on ne peut pas arrêter le «progrès <strong>de</strong> la science». […]<br />

L’homme est-il capable <strong>de</strong> résoudre tous les problèmes qu’il se pose ?<br />

Est-il à la hauteur <strong>de</strong> ses ambitions <strong>de</strong> maîtrise ? Répondre affirmativement,<br />

c’est reconnaître une volonté créatrice supra-humaine, hypothèse<br />

qui, d’ordinaire, heurte les scientifiques. Répondre par la négative, ou au<br />

moins par le doute, c’est se donner <strong>de</strong>s chances d’agir avec précaution, par<br />

humilité. […]<br />

Comme l’a montré l’historien et sociologue Jacques Ellul, «les lois <strong>de</strong> la science<br />

et <strong>de</strong> la technique sont placées au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> celles <strong>de</strong> l’Etat, le peuple et ses<br />

représentants étant alors largement dépossédés <strong>de</strong> leur pouvoir ». En fait, le<br />

scientisme n’est pas l’apanage <strong>de</strong>s scientifiques ; c’est une idéologie largement<br />

partagée dans la société, surtout <strong>de</strong>puis que le besoin <strong>de</strong> croyance manque <strong>de</strong><br />

propositions crédibles dans les champs <strong>de</strong> la religion ou <strong>de</strong> la politique. La<br />

promesse mystique du paradis et celle militante <strong>de</strong>s len<strong>de</strong>mains qui chantent<br />

se sont essoufflées tandis qu’avançait le Progrès dans la soutane neuve <strong>de</strong> la<br />

rationalité. »<br />

Appelée à combler le déclin <strong>de</strong>s croyances, la science est dépassée par la<br />

complexité <strong>de</strong>s questions qui lui sont posée. La science que nous croyons si<br />

scientifique a donc <strong>de</strong> forts relents d’idéologie religieuse lorsqu’on constate<br />

que c’est une forme <strong>de</strong> foi en elle qui la gui<strong>de</strong>, plutôt qu’une attitu<strong>de</strong> véritablement<br />

scientifique ou du moins pragmatique qui inciterait à la pru<strong>de</strong>nce.<br />

Le scientisme se développe à la foi par la nécessité <strong>de</strong> résoudre la complexité<br />

<strong>de</strong>s problèmatiques posées et également par amalgame entre raison et croyance.<br />

Le déclin <strong>de</strong>s religions traditionnelles ne signifie pas pour autant la fin<br />

<strong>de</strong>s croyances. Mais leur transfert, pathologique, pose <strong>de</strong> sérieuses questions.<br />

A ce sujet, Bernard Ginisty, explique en , dans La spiritualité au<br />

risque <strong>de</strong>s idoles :<br />

« Faute <strong>de</strong> vision collective d’avenir, la place est libre pour toutes les régressions.<br />

[…]<br />

Dans leur ouvrage L’Idolâtrie <strong>de</strong> marché, Hugo Assmann et Franz J. Hinkelammert,<br />

évoquant le fait que <strong>de</strong>s associations <strong>de</strong> chefs d’entreprise, telle<br />

l’American Enterprise Institute, possè<strong>de</strong>nt <strong>de</strong>s départements <strong>de</strong> théologie,<br />

mettent en lumière les enjeux théologiques <strong>de</strong> l’économie. Ils écrivent : « Celui<br />

qui ne fait pas l’analyse <strong>de</strong> son idolâtrie ne comprend rien au capitalisme. »<br />

En effet, la fascination <strong>de</strong> l’argent produisant l’argent, conçue comme paradigme<br />

universel, n’est que la réédition du processus idolâtre contre lequel se<br />

sont toujours dressées les résistances spirituelles : « L’économie, dans le fond,<br />

consiste en cela : la naturalisation <strong>de</strong> l’histoire. Il s’agit <strong>de</strong> faire apparaître<br />

comme naturel ce qui est le produit historique <strong>de</strong> l’action humaine. Les dieux<br />

qui sont objets d’évi<strong>de</strong>nce sont en général <strong>de</strong>s idoles, même au sein du christianisme.<br />

Les théologiens <strong>de</strong> la libération disent que le Dieu libérateur n’est<br />

pas objet <strong>de</strong> possession. Il est transcendance qui pousse à la recherche, il<br />

est horizon qui appelle. »<br />

4

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!