Enoncé Théorique de TPM - Pierre Cauderay.pdf - EPFL
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(6) Les artistes du <strong>de</strong>gré zéro<br />
« Je veux créer <strong>de</strong>s œuvres qui soient nature et esprit »<br />
Yves Klein.<br />
Entre et 6 , en divers points <strong>de</strong> la planète, <strong>de</strong>s artistes ont voulu<br />
recréer l’art à partir <strong>de</strong> rien et renouer ainsi avec la nature malgré le progrès,<br />
malgré les machines, malgré l’histoire <strong>de</strong> l’art et, plus encore, malgré<br />
l’histoire tout court. Philippe Dagen, dans Le Mon<strong>de</strong> du 2 novembre 2006,<br />
Art contemporain, années Zero :<br />
Saut dans le vi<strong>de</strong>, Yves Klein ( 60)<br />
« A Osaka, en 1952, le peintre Akira Kanayama fon<strong>de</strong> Zero-kai (groupe<br />
Zéro), qui réunit une vingtaine d’artistes. En 1954, certains d’entre eux créent<br />
un <strong>de</strong>uxième groupe, Gutai, dans lequel Zero-kai se fond. Très vite, les actions<br />
<strong>de</strong> leur revue, « Gutai », les expositions en plein air provoquent la<br />
stupeur du plus grand nombre et l’exaltation <strong>de</strong> ceux que la provocation et<br />
violence ne rebute pas. Dès 1955, les travaux <strong>de</strong> Kazuo Shiraga, luttant nu<br />
contre <strong>de</strong>s masses <strong>de</strong> boue, peignant avec ses pieds et son corps, <strong>de</strong>viennent<br />
les emblèmes <strong>de</strong> Gutai et atteignent l’Europe.<br />
A Düsseldorf, en 1958, quelques artistes qui ont déjà l’habitu<strong>de</strong> d’organiser<br />
ensemble <strong>de</strong>s expositions d’un soir publient le premier numéro <strong>de</strong> leur revue:<br />
elle se nomme « Zero ». Günther Uecker, Otto Piene et Heinz Mack en sont les<br />
protagonistes. Du chiffre 0, ils font leur signe distinctif, qu’ils appliquent sur<br />
les robes <strong>de</strong> leurs amies et leur les couvertures <strong>de</strong> leurs catalogues.<br />
A Amsterdam, en 1961, quatre artistes fon<strong>de</strong>nt le groupe Nul. Ils exigent<br />
l’impersonnalité, le refus du sens et <strong>de</strong> tout point <strong>de</strong> vue subjectif. Ils composent<br />
<strong>de</strong>s reliefs exclusivement blanc ou noirs avec matériaux récupérés,<br />
du carton et du latex. Au même moment, à Paris, Yves Klein pousse à leur<br />
paroxysme le monochrome et la dématérialisation <strong>de</strong> l’œuvre.<br />
A Milan, Piero Manzoni s’avance dans la même direction, si ce n’est qu’au<br />
bleu <strong>de</strong> Klein il préfère toutes les nuances du blanc et introduit, dans ses<br />
performances, plus d’ironie et <strong>de</strong> dérision que Klein.<br />
[…] Piene affirme en ces termes proches du religieux : « Zero est la zone incommensurable<br />
dans laquelle une situation ancienne se transforme en une<br />
situation nouvelle et inconnue. » […] Il s’agissait pour <strong>de</strong>s artistes, qui, enfants<br />
pendant la guerre, l’avaient subie sans la faire, <strong>de</strong> rompre avec tout ce<br />
qui s’était compromis dans cet effroyable désastre : les idéologies et les passions<br />
humaines, les techniques, les images et ce qu’on appelle culture. […]<br />
« L’art doit déployer sa créativité à partir <strong>de</strong> point zéro absolument vi<strong>de</strong> », affirme<br />
le manifeste <strong>de</strong> Zero-kai. Propos utopique : la réalité a vite rappelé à la<br />
pesanteur. […] Les artistes ten<strong>de</strong>nt à s’enfermer dans leur manière, au risque<br />
<strong>de</strong> se répéter. Simultanément, le pop art triomphe : la société <strong>de</strong> consommation<br />
impose ses images, ses objets. Le rêve <strong>de</strong> pureté disparaît, enseveli sous<br />
l’avalanche <strong>de</strong>s choses. »<br />
Le mouvement <strong>de</strong> l’art Zero est une tentative <strong>de</strong> matérialiser l’irréalité. Certain<br />
philosophe objecterai instantanément que cela est impossible. Les artistes<br />
Zeros auraient dû lire les Antinomies <strong>de</strong> Kant. Mais leur quête questionne<br />
cette logique cumulative, propre au Progrès. Leur travail n’est pas<br />
immatérialité, mais la suggère.<br />
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