Untitled - Free

épète, ce n’était pas facile. L’afflux constant de dames
d’âge mûr qui entraient chez moi avec des sourires niais,
mourant d’envie d’apprendre ce qui allait se passer dans
leur vie ennuyeuse de femmes d’âge mûr, suffisait presque
pour me noyer à jamais dans le puits du désespoir humain.
— Eh bien ? dit Mme Winconis, serrant son agenda en
alligator entre ses vieux doigts ridés. Que voyez-vous,
monsieur Erskine ?
Je secouai ma tête lentement et magnifiquement.
— Les cartes sont graves aujourd’hui, madame
Winconis. Elles contiennent de nombreux avertissements.
Elles vous disent que vous sollicitez trop ardemment un
futur que vous risquez – lorsqu’il se présentera – de ne pas
savourer autant que vous le pensiez. Je vois un homme
présentant bien, assez corpulent, avec un cigare. Ce doit
être Papa. Il dit quelque chose à propos d’une grande
peine. Il dit quelque chose… il s’agit d’argent.
— Que dit-il ? Les cartes indiquent-elles ce qu’il dit ?
chuchota Mme Winconis.
Chaque fois que je prononçais le mot « argent », elle
commençait à frétiller et à s’agiter comme un poisson dans
une poêle posée sur un feu de bois. Au cours de ma vie,
j’ai vu des convoitises plutôt moches, mais le désir
d’argent chez les femmes d’âge mûr suffit à vous couper
l’appétit pour un bon moment !
— Il dit que quelque chose est trop cher, poursuivis-je,
de ma voix sourde que je travaillais soigneusement.
Quelque chose est vraiment trop cher. Je sais ce que c’est.
Je vois ce que c’est. Il dit que le saumon en boîte est trop