Untitled - Free

sur les voiliers et les pavillons, et je me dis que j’avais une
chance de découvrir de quel navire il s’agissait en fait. Et,
à vrai dire, une chance de savoir si ce navire existait bel et
bien, et s’il n’était pas seulement une invention de
l’imagination de Karen Tandy, stimulée par sa tumeur.
Je restai assis là un bon moment, réfléchissant au cas
étrange de « mon amie, Karen Tandy ». J’étais impatient
de faire des recherches sur le navire, mais il était presque
11 h 30, et j’attendais Mme Herz, une autre chère vieille
dame possédant plus d’argent que de bon sens. Son souci
majeur : allait-elle avoir des ennuis avec ses centaines de
relations, toutes étant couchées sur son testament ? Après
chaque séance, elle se rendait chez son avocat et modifiait
le legs de chacun. Son avocat gagnait tellement d’argent
avec tous ces codicilles et ces modifications qu’à Noël
dernier il m’avait envoyé une caisse de Johnnie Walker,
Black Label. Après tout, lui et moi nous faisions le même
genre de boulot, non ?
À 11 h 30 tapantes, on sonna à la porte. J’accrochai
ma veste dans la penderie, enfilai ma longue robe verte et
plaçai mon chapeau sur ma tête, puis je m’apprêtai à
recevoir Mme Herz, à ma manière énigmatique, comme
d’habitude.
— Entrez, madame Herz. C’est une matinée splendide
pour tout occultiste.
Mme Herz devait bien avoir soixante-quinze ans. Elle
était très pâle et ridée, ses mains ressemblaient à des
pattes de poulet, et elle portait des lunettes qui
grossissaient ses yeux, les faisant ressembler à des