Untitled - Free

mystérieuse, pour que les gens aient envie de croire
qu’elle a un quelconque rapport avec les réalités
implacables de la médecine et de la chirurgie. Ils ont envie
de croire à une vie après la mort, ou tout au moins à un
monde spirituel où les esprits éplorés de leurs ancêtres
morts depuis longtemps errent pour l’éternité, vêtus de
l’équivalent céleste des pyjamas de soie.
Je lus aisément la peur de la mort sur le visage de
Karen Tandy lorsque je lui ouvris la porte. En fait, elle
marquait tellement ses traits que je me sentis plutôt mal à
l’aise dans ma robe verte, avec mon ridicule petit chapeau
vert. Elle avait des attaches fines et un visage anguleux, le
genre de fille qui gagne toutes les courses à pied dans les
épreuves sportives au collège, et elle parlait avec une
politesse grave qui me fit ressentir mon imposture plus que
jamais.
— Êtes-vous monsieur Erskine ? demanda-t-elle.
— C’est bien moi. Dit la bonne aventure, prédit l’avenir.
Vous connaissez le reste.
Elle entra d’un pas tranquille dans mon appartement, et
son regard se posa successivement sur le brûle-encens, le
crâne et les rideaux étroitement tirés. Je sentis soudain à
quel point toute cette mise en scène était fausse et
« bidon », mais elle ne parut pas s’en apercevoir. Je lui
indiquai une chaise, puis je lui offris une cigarette. Lorsque
je la lui allumai, je pus voir que ses mains tremblaient.
— Eh bien ! mademoiselle Tandy, lui demandai-je, quel
est votre problème ?
— Je ne sais pas comment vous l’exposer, vraiment !