Le roman chinois - Chine ancienne

Le roman chinois
l'épreuve, vieillit obscur et méconnu ; aussi écrivit-il son roman en y
étalant toutes ses connaissances, en y décrivant toutes les grandes
actions qu'il aurait voulu accomplir. D'ailleurs, le nom du héros du
roman, « Wen Po », n'est que le caractère Hia décomposé en deux ;
donc c'est bien lui-même que l'auteur aurait voulu décrire. Pourtant,
peut-être lui-même ne se prenait-il pas tant au sérieux ; le titre de
l'ouvrage nous indique que ce sont là des « radotages de vieux
campagnard qui bavarde en se chauffant au soleil » 1 .
D'après TS'IEN KING-FANG 2 , HIA KING-K'IU termina son roman juste à
l'époque où l'empereur K'ang-hi faisait un voyage dans le sud de la
Chine. HIA fit relier son œuvre, se proposant de la présenter à
l'empereur ; mais ses proches, craignant que cet acte ne provoquât la
colère impériale avec toutes ses conséquences — car le livre contient
certains passages fort licencieux — au lieu des récompenses qu'il
espérait obtenir, tâchèrent de l'en dissuader. HIA ne les écouta pas.
Changeant de tactique, ses proches s'adressèrent alors à sa femme en
lui représentant tous les dangers que pouvait faire naître l'acte de son
mari et lui recommandant de faire tout ce qui était en son pouvoir pour
l'en empêcher. Celle-ci ne trouva rien de mieux que p.101 d'enlever en
cachette quatre ou cinq pages de chaque fascicule et, lors du passage
de l'empereur à Kiang-yin, quand HIA voulut lui porter son roman, elle
joua la surprise en disant :
— Comment, tu veux le présenter aux regards de
l'empereur ? Mais nos enfants, sans connaître la valeur de ce
manuscrit, en ont détruit un bon nombre de pages !
HIA fut furieux, mais le mal étant fait, il s'empressa de le réparer ; il
compléta son œuvre, mais, quand il eut terminé, l'empereur était déjà
parti.
Cette anecdote, comme tant d'autres, appartient en réalité au
domaine de la légende. Ce qui lui donna naissance, c'est que, d'après
1 Yé : campagnard ; seou : vieillard ; pou : se chauffer au soleil ; yen : paroles.
2 Siao-chouo-ts'ong-k'ao, volume 2, page 46.
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