Le Sang du Rock Tome 2 - Index of

Il marque un temps d'hésitation.
—Venez à la réunion et, si ça vous plaît, on envisagera la possibilité d'aller plus loin. Il faut tenter de
protéger la Forteresse à tout prix.
Je m'esclaffe.
— Ce ne sont pas les forteresses qui servent à protéger ceux qui s'y trouvent, d'habitude, plutôt que
l'inverse ?
Cela ne semble pas le faire rire. Il se penche vers moi.
— Quand j'ai été contraint de quitter le complexe de Gideon, j'ai perdu toute raison de vivre. Et la
Forteresse m'a sauvé. Certains éprouvent le besoin de servir une grande cause pour se sentir épanouis. (Il
froisse la serviette en papier entre ses doigts, saccageant son pliage méticuleux.) A quoi bon continuer à
vivre, si c'est uniquement pour soi ?
Je hoche la tête d'un air grave, prenant un regard doux et vulnérable, avec un soupçon de droiture morale.
II n'est pas simple d'exprimer tous ces sentiments en même temps, mais il semble convaincu, surtout
quand j'ajoute :
—Je n'ai jamais eu l'occasion de rencontrer quelqu’un comme vous, Ned.
Il cille.
—Vraiment?
—Tous ceux que je connais ne pensent qu'à aller de l'avant, qu'à satisfaire leurs envies. Personne ne se
soucie véritablement des autres. (Du revers de la main, j'effleure sa paume.) Mais vous êtes différent.
II me saisit le poignet.
—J'ai le sentiment qu'on est des sortes d'âmes sœurs.
Je tente de faire abstraction de ses cent dix-sept morsures.
—Combien de temps êtes-vous resté dans le complexe de Gideon?
—Cinq ans et demi. Quand je suis sorti, j'ai eu l'impression que le temps s'était écoulé sans m’attendre.
(Il sort son téléphone portable.) Ces engins prennent des photos, maintenant!
—Ouais, il s'en est passé, des choses... Bon, où est-elle, cette Forter...
—Ne bougez plus.
Je me rends compte qu'il me prend en photo avec son téléphone.
—Non!