Le Sang du Rock Tome 2 - Index of

—Parce que tu aimes bien les chiens ? (Shane me regarde du siège passager.) Ou peut-être que le
vampire en lui a ressenti ta nature « anti-sacrée ».
Je serre le volant entre mes doigts au rappel de ma « spécificité» secrète - du moins pour ceux qui
n'étaient pas présents chez David le soir où j'ai involontairement guéri Shane de brûlures provoquées par
de l'eau bénite, rien qu'en lui faisant goûter quelques gouttes de mon sang. Si quelqu'un, en plus de Lori et
de l'équipe de WVMP, découvrait que j'avais ce pouvoir, on me transformerait aussitôt en pharmacie
ambulante pour vampires.
D'après moi, c'est mon scepticisme à toute épreuve qui permet de dissiper la magie de l'eau bénite, mais
il m'est impossible d'en être certaine sans avoir mené quelques expériences. Or toute expérimentation qui
impliquerait que je doive perdre du sang est vouée à l'échec.
—Il doit plutôt s'agir de la relation homme-chien, je lui suggère, parce que David m'a appris que les
animaux vampires n'étaient pas sensibles aux substances sacrées, puisqu'ils sont moralement neutres.
Dès que j'ai prononcé ces paroles, je me mords la lèvre, comprenant ce qu'elles impliquent : que les
humains vampires tels que Shane sont maléfiques, une hypothèse que je trouve moi-même ridicule. Ce
n'est pas parce que l'Église est contre eux qu'ils sont mauvais. J'ai rencontré suffisamment de prédicateurs
douteux - mes parents, au hasard - pour savoir que la moralité n'est pas toujours du côté de ceux qui
brandissent la Bible.
Au bout d'un long silence, Shane déclare calmement :
—Ouais, c'est logique.
Sa voix véhicule tant de tristesse que mon cœur se ratatine.
Il est minuit passé quand nous franchissons la frontière de l'Ohio, non loin de Youngstown.
—Le cimetière est de l'autre côté, près de l'autoroute, m'indique-t-il. Mais tu veux avoir un aperçu de ma
ville natale...
— Tu veux que je passe par la ville ?
Il tapote des doigts contre la vitre, comme si cela allait l'aider à prendre une décision.
—Prends simplement la rue principale, je n'ai pas envie de revoir mon quartier.
Peut-être une prochaine fois, ajoute-t-il entre ses dents.
Shane me guide à travers le centre urbain. Je ne savais pas à quoi m'attendre de cette cité abandonnée par
la sidérurgie au cours des années 1970. Escomptais-je une guerre des gangs ? Des bâtiments calcinés,
comme dans les films post-apocalyptiques
? Des mères de famille en pleurs à chaque coin de rue?
À l'exception des bars des environs de l'université, la ville semble plutôt morte, à cette heure-ci - morte
de sommeil, pas de s'être ouvert les veines. La plupart des immeubles ressemblent à des boîtes empilées