Le Sang du Rock Tome 2 - Index of

Plus la partie progresse, plus le silence se fait pesant dans la pièce, entrecoupé seulement par les
ronflements de Dexter. David s'avachit de plus en plus dans le canapé, au fil des bourdes des Ravens et
des touchdowns des Steelers.
Je détourne mon attention de la télé et me concentre sur le mur opposé du salon. Une bibliothèque s'y
élève, jusqu'au plafond, face à deux fauteuils élégants, près de la cheminée. Elle ressemble à celle que
l'on voit dans la série Monsterpiece, sans aucun rapport avec le canapé vieux de plusieurs dizaines
d'années et le matériel électronique de pointe du coin télé où nous nous trouvons actuellement.
On dirait aussi une salle de musée : laissée intacte et bien entretenue. Il me semble qu'il y a une couche de
poussière sur les accoudoirs en cuir lisse des sièges.
Sans doute David et Elizabeth avaient-ils l'habitude de passer leurs soirées devant l'âtre, que ce soit pour
lire ou écouter de la musique, partageant bien plus qu'une relation parasite/hôte.
—Elle te manque encore, hein ?
En réponse, David redresse brusquement le menton. Il fronce les sourcils, comme s'il était sur le point de
me demander « Qui ça ? », mais il se contente de secouer la tête. Le geste ressemble plus à un aveu qu'à
un démenti.
— Ce n'était pas si terrible, au début. J'imagine que c'est parce j'étais encore en état de choc. (Il boit une
longue gorgée de bière.) Mais, maintenant, je ne peux plus m'empêcher de remarquer tous les vides. C'est
comme si c'était une de ces couvertures... comment on appelle ça?
—Hein?
—Celles qui ont plein de trous. (Il hausse les épaules.) Celles que font les grands-mères.
—Je ne vois pas du tout de quoi tu parles.
—Aucune importance. (II lisse ses cheveux bruns et raides en arrière. Ils ont tellement poussé qu'ils lui
recouvrent presque les oreilles.) Elizabeth et moi n'avions aucun avenir.
—Mais vous couchiez ensemble, non ?
—Non. Enfin, on faisait parfois... des trucs.
Il tousse et détourne le regard.
Je remue les jambes sous le poids mort de la tête du chien endormi, évitant d'imaginer Elizabeth et David
en train de « faire des trucs ». Le sang a meilleur goût pendant l'orgasme d'un donneur, c'est du moins ce
que l'on m'a affirmé.
—Mais non, poursuit-il. Physiquement, il nous était impossible de coucher ensemble.
Je l'ignorais.
—Tu as été blessé quand tu travaillais pour le Contrôle ?