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La Fille Élisa - Edmond de Goncourt - Éditions du Boucher

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EDMOND & JULES DE GONCOURT<br />

XIX<br />

Une gran<strong>de</strong> chambre, au plancher sordi<strong>de</strong>, éclairée par le <strong>de</strong>mijour<br />

<strong>de</strong> persiennes closes. Dans cette chambre, assises sur <strong>de</strong>s<br />

chaises <strong>de</strong> paille, <strong>de</strong>s femmes en cheveux et décolletées, dont les<br />

robes <strong>de</strong> soie sont soigneusement relevées au-<strong>de</strong>ssus <strong>du</strong> genou.<br />

Quelques-unes <strong>de</strong> ces femmes, les mains enfoncées dans <strong>de</strong>s<br />

manchons, se tenant par habitu<strong>de</strong> autour d’une plaque en fer<br />

dans le parquet, sous le cou<strong>de</strong> d’un tuyau <strong>de</strong> poêle démonté. Le<br />

long <strong>de</strong>s quatre murs, une gran<strong>de</strong> armoire à robes, en bois blanc,<br />

portant, écrits au crayon dans le milieu <strong>de</strong>s nœuds <strong>du</strong> sapin, ainsi<br />

que dans le cœur gravé sur l’écorce d’un arbre : <strong>de</strong>ux noms et<br />

une date amoureuse. Pêle-mêle, sur le haut <strong>de</strong> l’armoire, <strong>de</strong>s<br />

branches <strong>de</strong> buis bénit <strong>de</strong>s années passées, avec <strong>de</strong>s tasses posées<br />

sur le côté où sèche <strong>du</strong> marc <strong>de</strong> café. Au centre <strong>de</strong> la pièce, une<br />

table <strong>de</strong> cuisine, en un coin <strong>de</strong> laquelle parfois une femme se<br />

penche pour faire une patience avec <strong>de</strong>s cartes poissées. Deux ou<br />

trois femmes, rapprochées <strong>de</strong>s fenêtres, bro<strong>de</strong>nt au jour sali par<br />

les reflets d’une cour ouvrière et filtrant entre les lamelles <strong>de</strong>s<br />

persiennes. Les autres <strong>de</strong>meurent paresseusement dans <strong>de</strong>s avachissements<br />

fantomatiques, avec le blanc <strong>de</strong> leurs cols et <strong>de</strong> leurs<br />

fichus, prenant autour <strong>de</strong>s figures, dans ce crépuscule qui est là,<br />

— la lumière <strong>de</strong> toute la journée, — la crudité <strong>de</strong>s blancs dans <strong>de</strong><br />

vieux tableaux qui ont noirci.<br />

Cette chambre, appelée le poulailler, est le local misérable<br />

dans lequel la maîtresse <strong>de</strong> maison, pour économiser le velours<br />

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