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La Fille Élisa - Edmond de Goncourt - Éditions du Boucher

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EDMOND & JULES DE GONCOURT<br />

bientôt rejoints par <strong>de</strong>s noctambules <strong>de</strong> barrières, qu’intro<strong>du</strong>isait<br />

à toute heure la sonnette <strong>de</strong> nuit.<br />

Alors dans les ténèbres emplissant la salle <strong>du</strong> café, près la<br />

porte <strong>du</strong> jour, dans une obscurité épaisse <strong>de</strong> la fumée <strong>du</strong> tabac et<br />

<strong>de</strong>s molécules <strong>de</strong> la suante humanité renfermée là toute la soirée,<br />

on voyait les femmes avec <strong>de</strong>s mouvements endormis, ayant et<br />

l’affaissement et la couleur grisâtre d’un battement d’aile <strong>de</strong><br />

chauve-souris blessée, s’envelopper <strong>de</strong> tartans, <strong>de</strong> vieux châles,<br />

<strong>de</strong> la première loque qui leur tombait sous la main, cherchant les<br />

banquettes aux pieds <strong>de</strong>squelles il y avait moins <strong>de</strong> crachats. Là<strong>de</strong>ssus<br />

elles s’allongeaient inertes, brisées, épan<strong>du</strong>es ainsi que<br />

<strong>de</strong>s paquets <strong>de</strong> linge fripé dans lesquels il y aurait la déformation<br />

d’un corps qui ne serait plus vivant. Aussitôt, elles s’endormaient,<br />

et, endormies, étaient <strong>de</strong> temps en temps réveillées par leurs propres<br />

ronflements. Un moment retirées <strong>de</strong> leurs troubles rêves,<br />

elles se soulevaient sur le cou<strong>de</strong>, regardaient stupi<strong>de</strong>s.<br />

Dans le cadre lumineux <strong>du</strong> fond, sous les trois Grâces en zinc<br />

doré <strong>du</strong> calorifère, <strong>de</strong>s pochards gesticulaient entre <strong>de</strong>ux ou trois<br />

<strong>de</strong> leurs compagnes, assises sur <strong>de</strong>s chaises à califourchon, sommeillant<br />

la tête posée sur le dossier, les jupes remontées jusqu’à<br />

mi-cuisses.<br />

Se ressouvenant, les dormeuses retombaient sur la banquette,<br />

et là passaient la nuit jusqu’au jour, jusqu’à quatre heures <strong>du</strong><br />

matin, où elles allaient se coucher dans leurs lits.<br />

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