Comment - Revue des sciences sociales

Myriam Klinger Dix années d'Etudes polémologiques (1971-1981)
matisé des faits de violence n’a cessé
de fasciner leurs promoteurs qui pensaient
posséder, au moyen de l’ordinateur,
un extraordinaire outil d’analyse.
Cette masse de données mondiales,
sans cela en friche, était traitée dans
une perspective scientifique, comme
l’indique le titre attribué à ces analyses
guerrières : MARS, c’est-à-dire
Manifestations d’Agressivité Recensées
Scientifiquement (1972-2). Deux
numéros ultérieurs, les n°44 et n°45,
titrés Réfugiés, indice de conflictualité,
nuancent la perspective essentiellement
quantitativiste de ces programmes. En
effet, tout en traitant statistiquement la
masse de 12 353 000 réfugiés de par le
monde, ces numéros spéciaux « cherchent
à réfléchir sur les grands flux de
populations, leurs incidences sur les
conflits, et les risques de déstabilisation
politique. Ils (les lecteurs) retrouveront
ici les grandes intuitions de Gaston
Bouthoul, fondateur de l’Institut »
(1987-44, 4). Ce type de préoccupation
se profile d’ailleurs dès les premières
parutions de la revue, avec la publication
périodique de documents émanant
du Comité de la Croix-Rouge.
La Polémologie,
recherche
interdisciplinaire
■
Daniel Depoutot : Porte, 2003.
Des études de type monographique
ou historique sur des guerres, des
révolutions, ou des conflits localisés,
viennent enrichir qualitativement l’approche
de la « chronique de la violence
mondiale ». Présente dans la
quasi-totalité des numéros, cette rubrique
consacrée à l’analyse des conflits
semble d’ailleurs devenir plus dense
après 1981. Le lecteur peut ainsi suivre
les conflits qui ont émaillé l’actualité
dans la plupart des régions du monde,
une place importante étant accordée,
dans les premiers numéros, à l’Asie
du Sud-Est, la Chine, le Japon. Dans
des parutions plus récentes, l’Europe
devient objet d’attention dans le cadre
de l’analyse des tensions Est-Ouest :
ainsi, il est question de l’Italie et de ses
missiles de croisière ou, à propos de
l’Europe et de l’Amérique, des avanies
d’un parapluie (1984-31). Au-delà et
en deçà des conflits, ce sont les conséquences
et les situations belligènes qui
font l’objet de ses études et, à ce titre,
l’observation est constamment reportée
sur l’U.R.S.S., les U.S.A. et les différents
lieux de polarisation de la guerre
froide : le troisième numéro inaugure
ainsi une longue série de ces analyses
avec un article sur « Cuba 1962, crise
nucléaire » (1972-3).
Outre la typologie par ordre de violence
croissante présentée plus haut, les
conflits sont ici le support d’une nouvelle
notion géopolitique, celle de « front
d’agressivité » (1974-13, 1981-24),
présentée comme un indicateur pour
17