Comment - Revue des sciences sociales

N°35
2006
Daniel DEPOUTOT
http://www.danieldepoutot.com
Né en 1960 à Constantine, Daniel
Depoutot a fait des études d’arts
plastiques à l’Université des
sciences humaines de Strasbourg.
Professeur certifié en 1983, il est
actuellement chargé de cours au
Département d’arts plastiques de
l’Université Marc Bloch.
Couverture :
Araignée, sculpture, fin du XX e siècle.
Photo : Nelly Massera,
yllenart@cegetel.net
Nelly Massera est artiste,
photographe et webmestre, elle a
notamment conçu le site Internet de
Daniel Depoutot
Les objets, sculptures et dessins de Daniel Depoutot exhibent
volontiers la part obscure de l’humain : monstres, poupées
représentant des femmes dominatrices armées de fouets, squelettes
entraînés dans quelque danse macabre, mais dans un travail d’où
n’est jamais absent le Witz, un certain comique désarticulé qui en
conjure la charge oppressante.
Plusieurs de ses réalisations imposaient cet artiste pour ce numéro
sur la guerre, même si (ou peut-être parce que), d’une certaine
façon, leur usage iconographique en contrepoint à ce thème, que
lui-même ne traite pas en tant que tel, tient lui aussi du détournement
ou de la subversion.
Nous avons retenu son Araignée pour la couverture parce qu’elle
condense remarquablement, peut-être à l’insu de son créateur, de
multiples entrées dans la question des nouvelles figures de la guerre.
Directement, d’abord, la photographie prise par Nelly Massera en
contre-plongée de cette œuvre de trois mètres de haut impose
la masse inquiétante de ce monstre blindé, dont l’armure semble
luire d’une exsudation minérale. Il évoque quelque “terminator” aux
intentions inhumaines, ou le “gritche” de l’Hyperion de Dan Simmons.
Par des associations plus symboliques, cette entité polypode nous
renvoie à la fois au cancer (ce crabe vicieux) qui pourrait résulter
d’une contamination par le nucléaire, au virus des armes biologiques,
aux insectes génétiquement modifiés dans de futurs laboratoires
militaires, aux micro-guêpes et scarabées robotiques de la guerre
nanotechnologique. Enfin, l’araignée ne trône-t-elle pas quelque part
au cœur de la Toile, image des réseaux qui sont désormais l’un des
concepts majeurs de la guerre surmoderne ?
Patrick Schmoll