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Comment - Revue des sciences sociales

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<strong>des</strong> étu<strong>des</strong> plus prospectives, proposées<br />

à plusieurs reprises en cohérence avec<br />

l’idée de baromètres polémologiques.<br />

À l’instar <strong>des</strong> fronts météorologiques<br />

ou sismiques, ces fronts sont plus ou<br />

moins stables, en pleine activité ou en<br />

déplacement : avec la mondialisation<br />

et la globalisation <strong>des</strong> problèmes, ces<br />

fronts se déplacent en interdépendances<br />

et laissent, par exemple, augurer de risques<br />

« d’agressivité mondiale se situant<br />

au début de 1974 autour de l’espace<br />

arabo-africain » (Carrère, Valat-Morio,<br />

1974-13). Cette remarque est à replacer<br />

dans le contexte de l’article dont elle<br />

est issue, qui commente précédemment<br />

la crise du pétrole (1973) en tant qu’infra-conflit<br />

pouvant déboucher sur <strong>des</strong><br />

micro-conflits ou sur une guerre.<br />

L’approche historique tient également<br />

une place importante sous cette<br />

rubrique, que ce soit par <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> de<br />

pério<strong>des</strong> précises (1870-1871) ou <strong>des</strong><br />

bilans sur plusieurs siècles de guerres<br />

et de révolutions (1740-1974). Dans<br />

ce dernier cas, G. Bouthoul et R. Carrère<br />

s’intéressent particulièrement aux<br />

populations et aux pertes (1976-19).<br />

Leur recherche, présentée comme une<br />

première de cet ordre, menée avec ordinateur<br />

sur 366 guerres et révolutions,<br />

est publiée aux P.U.F., en 1976, sous le<br />

titre : « Le défi de la Guerre ».<br />

Ici la discipline historique, l’histoire<br />

évènementielle essentiellement, ailleurs<br />

la psychologie ou l’économie, montrent<br />

l’importance accordée par la polémologie<br />

à l’apport d’autres disciplines<br />

pour le développement de son projet<br />

scientifique. Sous cette rubrique régulière,<br />

Étu<strong>des</strong> Polémologiques fait appel<br />

à d’autres éclairages, d’autres auteurs<br />

et publie aussi de temps à autres <strong>des</strong><br />

bibliographies très denses sur les questions<br />

polémologiques, ainsi par exemple<br />

les numéros 7 (1973), 12 (1974) et<br />

plus tard le numéro 40 (1986).<br />

Que ce soient G. Bouthoul, J. Freund<br />

à sa suite ou la revue dans ses positions<br />

et ses principes, tous affirment la<br />

nécessité d’inscrire la réflexion dans<br />

un cadre interdisciplinaire, chacun<br />

adossant ses propres analyses, les uns<br />

plutôt à la psychologie, la démographie,<br />

les autres au droit ou à la philosophie.<br />

Les <strong>sciences</strong> physiques, la biologie<br />

sont également sollicitées, puis plus<br />

tard, les mathématiques (1983-27), bien<br />

que J. Freund évoque, en 1975 déjà, la<br />

possibilité d’un recours aux théories<br />

<strong>des</strong> catastrophes de René Thom (1975-<br />

17). Certains numéros présentent <strong>des</strong><br />

auteurs et certaines de leurs œuvres,<br />

éclairages à chaque fois nouveau<br />

pour la réflexion polémologique :<br />

les classiques tels Machiavel (1971-<br />

2), Clausewitz et Tolstoï (1972-3),<br />

mais aussi <strong>des</strong> personnalités comme<br />

De Gaulle (1973-7), ou encore <strong>des</strong><br />

philosophes tels Bergson (1976-20-21)<br />

ou Nietzsche (1978-23). L’apport de la<br />

psychologie ou de la psychanalyse est<br />

moins présent qu’il ne l’était dans la<br />

revue Guerres et Paix. On les retrouve<br />

néanmoins sous la plume de P. Jaccard<br />

avec un article sur Mélanie Klein et la<br />

pulsion de mort (1971-3) ainsi que dans<br />

une contribution de l’italien F. Fornari<br />

sur sa théorisation <strong>des</strong> fantasmes<br />

d’agression (1973-10).<br />

Ces sources multiples, apparaissant<br />

parfois peu compatibles, trouvent leur<br />

justification dans une perspective cohérente,<br />

plaidée par J. Freund autour de la<br />

catégorie du politique, centrale pour la<br />

polémologie : « (…) un grand nombre<br />

de conflits politiques ont pour origine<br />

d’autres raisons que purement politiques.<br />

La conséquence en est que, si la<br />

polémologie comme science <strong>des</strong> conflits<br />

a son lieu privilégié dans la politique,<br />

elle est obligée par la nature <strong>des</strong><br />

choses d’étendre ses recherches à toutes<br />

les autres activités humaines. Elle<br />

apparaît de ce fait comme le type même<br />

de ce que l’on appelle aujourd’hui une<br />

recherche interdisciplinaire » (Freund,<br />

1972-4). Déjà affirmée par G. Bouthoul,<br />

cette interdisciplinarité signe à la fois<br />

les limites de la polémologie et ses<br />

ressources, celles qui lui ont permis de<br />

se développer en marge de son objet<br />

premier, la guerre.<br />

Polémologie<br />

et conflictologie,<br />

les limites fluctuantes<br />

du projet scientifique<br />

de G. Bouthoul<br />

En l’absence d’orthodoxie dans<br />

le choix <strong>des</strong> sujets comme dans la<br />

méthodologie selon J. Freund, ces<br />

approches plurielles ont fécondé un<br />

■<br />

domaine élargi, pour certains, et pour<br />

d’autres ont trop dilué l’analyse. Aussi,<br />

l’I.F.P. a-t-il régulièrement marqué les<br />

limites du champ de la recherche visée<br />

par la polémologie. Ramenant celleci<br />

à l’étude objective du phénomène<br />

guerre-paix, l’objectivité prend de<br />

plus en plus le chemin <strong>des</strong> « ressources<br />

offertes par les développements<br />

récents <strong>des</strong> mathématiques (analyse<br />

<strong>des</strong> systèmes, théorie <strong>des</strong> jeux, théorie<br />

<strong>des</strong> catastrophes…) et <strong>des</strong> techniques<br />

statistiques » (1981-24). Dans ce même<br />

numéro en hommage à G. Bouthoul,<br />

l’étymologie est sollicitée pour<br />

réaffirmer que la polémologie est la<br />

science de la guerre qui, ainsi délimitée,<br />

est censée se développer en amont<br />

<strong>des</strong> étu<strong>des</strong> de stratégie et de défense.<br />

Cette ligne semble avoir été suivie<br />

assez fortement par la revue jusqu’à<br />

son arrêt, définissant aux yeux de ses<br />

lecteurs une partie de la polémologie<br />

française, que l’on trouve par ailleurs<br />

ainsi circonscrite dans l’Encyclopaedia<br />

Universalis : « Là où le théoricien de<br />

la guerre nucléaire (…) apporte un<br />

raisonnement abstrait, le polémologue<br />

fournit une rationalisation de<br />

l’expérience passée (…), un chercheur<br />

à qui il appartient de remplir une case<br />

essentielle dans la « boîte à outil », de<br />

plus en plus complexe et diversifiée, du<br />

stratège. » (Giès, 1985, 894).<br />

Une pareille réduction de la polémologie<br />

est peu concevable si l’on fait<br />

appel à la catégorie du politique, problématique<br />

centrale pour l’étude <strong>des</strong><br />

conflits, conçue par J. Freund dans son<br />

« Essence du politique » et rappelée<br />

par lui dans chacune de ses contributions<br />

à la revue Étu<strong>des</strong> Polémologiques,<br />

ouvrant la voie à une ligne de recherche<br />

différente, moins centrée sur le seul<br />

moment du conflit armé.<br />

Thèmes et concepts, matières de<br />

la cinquième rubrique de la revue, se<br />

distribuent autour de ces deux lignes,<br />

alimentent une phénoménologie de la<br />

guerre ou étayent les réflexions annonciatrices<br />

de tournants futurs.<br />

Ces dernières n’existent parfois qu’à<br />

l’état embryonnaire, telles ces trois<br />

pages sur les conflits sociaux où sont<br />

présentés les travaux d’une équipe de<br />

Bossard-Institut, spécialiste <strong>des</strong> relations<br />

industrielles, ainsi que l’ouvrage<br />

de son animateur J. C. Fauvet. Celui-ci<br />

18 <strong>Revue</strong> <strong>des</strong> Sciences Sociales, 2006, n° 35, “Nouvelles figures de la guerre”

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