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Comment - Revue des sciences sociales

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JEAN-MARIE MULLER<br />

Institut de Recherche sur la<br />

Résolution Non-violente <strong>des</strong> Conflits,<br />

Montreuil<br />

Concevoir<br />

<strong>des</strong> alternatives<br />

non-violentes à la guerre<br />

Jean-Marie MULLER est membre<br />

fondateur du Mouvement pour une<br />

Alternative Non-violente (MAN).<br />

Il est également directeur <strong>des</strong> étu<strong>des</strong><br />

à l’Institut de Recherche sur la<br />

Résolution Non-violente <strong>des</strong> Conflits<br />

(IRNC).<br />

Auteur de nombreux ouvrages, il a<br />

notamment publié Le principe de<br />

non-violence (Marabout), Gandhi<br />

l’insurgé (Albin Michel), Vers une<br />

culture de la non-violence (Dangles),<br />

Le courage de la non-violence<br />

(Éditions du Relié) et le Dictionnaire<br />

de la non-violence (Le Relié Poche)<br />

Rappelons-nous : le 9 novembre<br />

1989, nous assistions en direct sur<br />

nos écrans de télévision à la chute<br />

du mur de Berlin. Il n’a pas été détruit<br />

par les armes de <strong>des</strong>truction massive de<br />

l’Occident, mais il s’est effondré sous<br />

la pression de la résistance non-violente<br />

<strong>des</strong> femmes et <strong>des</strong> hommes <strong>des</strong> sociétés<br />

civiles <strong>des</strong> pays de l’Europe de l’Est.<br />

Quand, dans les années 80, nous<br />

disions qu’il n’était pas raisonnable de<br />

prendre pour se défendre le risque de se<br />

détruire, et que c’était la non-violence<br />

qui était la plus grande chance pour les<br />

sociétés civiles de l’Europe de l’Est de<br />

se libérer du joug totalitaire qui pesait<br />

sur eux, nous n’étions pas tellement pris<br />

au sérieux. On nous disait : « Bien sûr, la<br />

non-violence, ça a marché en Inde. Mais<br />

la tâche était facile pour Gandhi dès lors<br />

qu’il avait pour adversaires les gentlemen<br />

britanniques dont le fair-play traditionnel<br />

leur a tout de suite fait comprendre qu’ils<br />

devaient reconnaître l’indépendance de<br />

l’Inde à partir du moment où les Indiens<br />

la leur demandait poliment, c’est-à-dire<br />

non-violemment... ». En réalité, le véritable<br />

gentleman, c’était Gandhi... On<br />

nous disait encore : « Évidemment, la<br />

non-violence, ça a marché aux États-<br />

Unis. Mais la tâche était facile pour<br />

Martin Luther King puisqu’il vivait dans<br />

la plus grande démocratie du monde ! ».<br />

En réalité, le véritable démocrate, c’était<br />

Martin Luther King... On finissait par<br />

nous dire : « Allez donc prêcher la nonviolence<br />

dans les pays communistes !... »<br />

Et la conversation était terminée. On<br />

voulait ainsi nous renvoyer à notre idéalisme<br />

et à nos illusions...<br />

Nous sommes allés dans les pays de<br />

l’Est, mais nous n’y sommes pas allés<br />

pour prêcher la non-violence... Nous y<br />

sommes allés pour exprimer notre solidarité<br />

et notre estime à <strong>des</strong> femmes et<br />

à <strong>des</strong> hommes qui ne nous avaient pas<br />

attendus pour comprendre que la résistance<br />

non-violente était en effet leur plus<br />

grande chance de recouvrer la liberté.<br />

Lorsqu’en 1987 j’ai rencontré, à Gdansk,<br />

Adam Michnik, l’un <strong>des</strong> leaders les plus<br />

prestigieux de la résistance polonaise,<br />

il m’a dit : « Il y a deux raisons majeures<br />

pour lesquelles nous avons choisi la<br />

non-violence. Si nous avions recouru<br />

aux moyens dérisoires de la violence<br />

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