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Comment - Revue des sciences sociales

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Quels que puissent être les mobiles<br />

de ce type de couverture médiatique,<br />

l’importance d’Internet dans l’évolution<br />

<strong>des</strong> soulèvements ne peut pas être ignorée<br />

7 . Les cyber-partisans utilisent toute la<br />

gamme <strong>des</strong> outils informatiques de communication<br />

pour diffuser leurs messages<br />

(Russel 2001). Nous nous centrerons ici<br />

sur l’usage <strong>des</strong> sites web et la mise en lien<br />

qu’ils permettent. Les sites Internet permettent<br />

de publier une information que<br />

les médias « traditionnels » ne permettent<br />

pas ou ne veulent pas publier (Russel<br />

2001 : 203). De plus, ces sites peuvent<br />

être consultés depuis n’importe où dans<br />

le monde. Sans investissement important,<br />

il est possible d’émettre et d’archiver<br />

une quantité énorme d’informations. Il<br />

devient dès lors possible de créer une<br />

mémoire collective et publique pour un<br />

mouvement social. en tant que tels, les<br />

artefacts culturels disponibles sur les sites<br />

web, principalement textes et images,<br />

présentent un intérêt spécifique pour la<br />

compréhension <strong>des</strong> mouvement sociaux.<br />

Certes, les sites ne donnent pas une image<br />

complète du « Chiapas virtuel ». Cleaver<br />

(2000) conteste le point de vue de<br />

Hellman (2000) qui se concentre exclusivement<br />

sur les sites web pour analyser<br />

l’aspect virtuel du conflit du Chiapas.<br />

C’est à son avis une erreur de se limiter à<br />

ces sites car ils rendent compte seulement<br />

« de moments dispersés (…) sélectionnés<br />

dans le flot continu d’information sur le<br />

Chiapas » 8 . de son point de vue, le « flot<br />

réel » qui présente un intérêt pour l’analyse<br />

se trouve sur les listes de diffusion<br />

et dans les conférences. Il est certainement<br />

intéressant d’analyser les groupes<br />

de discussion (newsgroups) et les formes<br />

apparentées d’expression, comme l’a fait<br />

par exemple Russel (2001). Toutefois,<br />

pourquoi les enquêtes sous <strong>des</strong> approches<br />

différentes devraient-elle s’exclure<br />

mutuellement ? Russel conclut son analyse<br />

<strong>des</strong> messages postés du 9 au 15 février<br />

1995 sur le groupe de discussion Usenet<br />

« Chiapas95 » géré par Harry Cleaver en<br />

remarquant : « … <strong>des</strong> formes supplémentaires<br />

de CMC comme les sites web<br />

demandent à être explorées. Les sites web<br />

exploitent par exemple souvent la gamme<br />

<strong>des</strong> potentialités d’Internet davantage que<br />

ne le font les serveurs de listes de diffusion.<br />

Il incorporent les caractéristiques<br />

qui sont décrites ici en utilisant les liens<br />

hypertexte et les graphismes multimédia<br />

pour créer un support toujours plus innovant<br />

(Russell 2001 : 218).<br />

L’EZLN n’a pas de page web officielle,<br />

mais il existe <strong>des</strong> dizaines de sites<br />

qui en traitent ainsi que de la rébellion.<br />

On peut montrer que ces sites ne sont pas<br />

isolés les uns <strong>des</strong> autres, mais sont <strong>des</strong><br />

constituants d’une structure réticulaire<br />

spécifique. Cette cyber-structure a été<br />

particulièrement adaptée à la mobilisation<br />

d’acteurs et de groupes non étatiques<br />

à travers le monde. Les lignes qui suivent<br />

présentent les concepts utilisés pour<br />

cette recherche et la méthode de collecte<br />

<strong>des</strong> données. Elles proposent ensuite une<br />

<strong>des</strong>cription générale <strong>des</strong> acteurs virtuels.<br />

Une analyse <strong>des</strong> types de centralité réticulaire<br />

permet de cerner les plus importants<br />

d’entre eux au sein du réseau. Enfin,<br />

une <strong>des</strong>cription de la structure globale,<br />

dans le cyberespace, du réseau <strong>des</strong> organisations<br />

impliquées nous permettra de<br />

conclure par quelques remarques sur le<br />

succès virtuel de l’EZLN.<br />

Expansivité et cohésion<br />

<strong>des</strong> nœuds et réseaux ■<br />

Le concept de réseau est devenu d’un<br />

usage courant chez les chercheurs de<br />

différentes disciplines qui cherchent à<br />

comprendre l’utilisation croissante d’Internet<br />

dans de multiples mouvements,<br />

rébellions et soulèvements (Arquilla &<br />

Ronfeldt 1993, 2001; Garton & al. 1999;<br />

Ronfeldt & Arquilla 2001). Alors que de<br />

nombreux auteurs sollicitent le terme<br />

de “réseau », ils sont moins nombreux à<br />

utiliser les outils qui ont été développés<br />

pour leur étude. L’analyse <strong>des</strong> réseaux a<br />

évolué depuis l’époque de ses origines<br />

métaphoriques vers un ensemble puissant<br />

et flexible de techniques pour étudier<br />

les comportements dans <strong>des</strong> organisations<br />

complexes (Schnegg & Lang 2001 ;<br />

Schweizer 1996 ; Wassermann & Faust<br />

1994 ; Wellman 1988). Tandis que les<br />

acteurs de ces réseaux ont longtemps<br />

été essentiellement <strong>des</strong> individus, <strong>des</strong><br />

ménages ou <strong>des</strong> organisations, l’implication<br />

grandissante <strong>des</strong> <strong>sciences</strong> « dures »<br />

(informatique, mathématique, topologie)<br />

dans ce champ a élargi ce spectre au cours<br />

<strong>des</strong> dernières années (Barabasi 2002).<br />

Aujourd’hui, de gran<strong>des</strong> infrastructures,<br />

<strong>des</strong> cellules et <strong>des</strong> réseaux sociaux<br />

sont analysés à l’intérieur d’un cadre de<br />

référence comparable pour faire ressortir<br />

les principes de base d’une organisation<br />

complexe. Il y a eu jusqu’à présent peu de<br />

tentatives d’utiliser le concept de réseau<br />

pour comprendre les représentations et<br />

les mises en lien sur Internet d’acteurs<br />

sociaux et politiques tels que les partisans<br />

de l’EZLN.<br />

L’une <strong>des</strong> propriétés majeures d’un<br />

acteur dans un réseau est son degré, à<br />

savoir le nombre de liens qui le relient<br />

aux autres acteurs du réseau. Si les liens<br />

en question sont orientés, on peut distinguer<br />

entre le degré entrant et le degré<br />

sortant. Le degré entrant donne le nombre<br />

de liens qui pointent vers un acteur, il<br />

donne une indication de sa popularité. Le<br />

degré sortant donne le nombre de liens<br />

qui émanent de l’acteur, il donne une<br />

indication de son expansivité. L’expansivité<br />

est importante dans le processus de<br />

mobilisation. Comme l’a montré Granovetter,<br />

ceux qui peuvent établir <strong>des</strong> liens<br />

avec un contexte étendu et hétérogène ont<br />

davantage de chances d’atteindre leurs<br />

objectifs.<br />

Le concept de cohésion recouvre un<br />

phénomène plus complexe que celui<br />

d’expansivité, mais est également essentiel<br />

à la compréhension du potentiel<br />

organisationnel <strong>des</strong> réseaux sociaux.<br />

Il a une longue histoire intellectuelle<br />

dans les <strong>sciences</strong> <strong>sociales</strong> qui remonte<br />

au début du XX e siècle avec les travaux<br />

de Durkheim. Cette tradition trouve un<br />

écho très fort dans le texte de Granovetter<br />

cité en introduction. L’importance de la<br />

cohésion comme facteur de base de la<br />

structure organisationnelle est largement<br />

acceptée dans les théories du social et de<br />

nombreuses métho<strong>des</strong> ont été proposées<br />

pour la mesurer. D’un point de vue organisationnel,<br />

le concept peut être illustré<br />

par les quatre cas de figure ci-<strong>des</strong>sous.<br />

La figure 1 montre quatre types<br />

d’organisation en réseau : isolé, en<br />

ligne, en étoile, et en cercle 9 . Ces quatre<br />

types organisationnels diffèrent par<br />

leur degré de cohésion. La cohésion est<br />

définie comme la densité de liens et, plus<br />

spécifiquement, comme la capacité du<br />

réseau à résister à la déconnexion (White<br />

& Harary 2001). L’isolat, qui n’est pas<br />

connecté du tout, a une cohésion zéro.<br />

La ligne est un peu plus cohésive mais<br />

peut être déconnectée par la disparition<br />

de n’importe lequel de ses nœuds.<br />

L’étoile fonctionne bien en termes de<br />

78 <strong>Revue</strong> <strong>des</strong> Sciences Sociales, 2006, n° 35, “Nouvelles figures de la guerre”

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