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melodie-avant-mots - Lacheret

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chercheurs confirment aujourd’hui. Et d’abord la répétition : elle engendre une<br />

régularité qui permet à l’enfant d’anticiper sur le cours du temps, donc, d’une certaine<br />

façon de le contrôler. Mais la répétition est indissociable de la variation sans laquelle<br />

la séquence répétée susciterait rapidement ennui et chute de l’attention de l’enfant<br />

dans l’interaction avec sa mère. Le contrôle du temps que procure la répétition est<br />

donc seulement partiel, car la variation comprend autant d’incertitudes que de<br />

certitudes par rapport au modèle initial, mais elle est suffisante pour permettre au sujet<br />

de construire des repères, pour ne pas se disperser, pour construire son unité à travers<br />

une multiplicité d’expériences qui renforce la permanence d’un élément<br />

(psychologique ou musical) à travers les mille ornementations de ses variations. En<br />

bref, la répétition et la variation correspondent à une donnée psychique fondamentale :<br />

la nécessité pour l’être humain de pouvoir prévoir et évaluer ses prévisions dans le<br />

temps. Cette structure en répétition-variation des premières séquences<br />

comportementales, des premiers échanges pré-verbaux entre l’enfant et son milieu<br />

humain est donc la structure originaire, prototypique, de tout une série d’expériences<br />

émotionnelles et cognitives ultérieures que la musique réactivera ou représentera dans<br />

leur réalité profonde.<br />

Tout le début de la socialisation de l’enfant (entre 3 et 6 mois) est basé sur une<br />

organisation répétitive créée par la mère dans ses relations avec lui. La répétition<br />

concerne donc l’émergence et la construction du Moi à travers les liens<br />

interpersonnels qui se stabilisent au cours des échanges ente la mère et son enfant,<br />

entre l’enfant et son environnement humain. L’hypothèse intéressante est ici que<br />

l’unité d’une expérience interpersonnelle ou interactive est sa structure temporelle sur<br />

laquelle se greffent les expériences sensorielles, motrices et affectives pour constituer<br />

des représentations intériorisées. Chez le très jeune enfant, ces unités de<br />

représentations ne peuvent guère dépasser quelques secondes, souvent beaucoup<br />

moins, mais elles sont soumises à la répétition de l’interaction sociale et, par la suite,<br />

s’intègrent ainsi progressivement dans des représentations plus complètes dont<br />

l’organisation reste d’abord liée à la durée et aux changements dans la durée, des<br />

niveaux et des directions des tensions et des détentes psychiques.<br />

Dans son livre de 1985, Le monde interpersonnel du nourrisson (trad. fr. 1989),<br />

Daniel Stern développe plusieurs concepts intéressants dont nous allons voir qu’ils ont<br />

quelque rapport avec la musique. Le premier d’entre eux est celui d’affect de vitalité,<br />

et il faut citer un peu longuement le texte : « ...de nombreux caractères des émotions<br />

ne rentrent pas dans le lexique existant ou dans la taxinomie des affects. Ces caractères<br />

insaisissables sont mieux rendus par des termes dynamiques, kinétiques tels que<br />

« surgir », « s’évanouir », « fugace », « explosif », « crescendo », « decrescendo »,<br />

« éclater », « s’allonger », etc. Ces caractères sont certainement perceptibles par le<br />

nourrisson, et d’une importance quotidienne, même si elle n’est que momentanée » 1 .<br />

Ces affects de vitalité sont donc des caractères liés aux émotions, aux façons d’être,<br />

aux diverses façons de ressentir intérieurement les émotions. Ce sera par exemple tout<br />

ce qui sépare une joie « explosive » d’une joie « fugace », ou bien ce seront encore les<br />

mille façons de sourire, de se lever de sa chaise, de prendre le bébé dans ses bras,<br />

ressentis qui ne sont pas réductibles aux affects catégoriels classiques, mais qui<br />

viennent les colorer de manière toujours très sensible pour le sujet.<br />

souligne.<br />

1<br />

D. STERN, Le monde interpersonnel du nourrisson, op. cit., p. 78. C’est moi qui<br />

18

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