melodie-avant-mots - Lacheret

Bien évidemment, cette discordance seconde de la voix, qui surgit au cours de la
transsexuation, est comme la première, objet d’intervention : changer de genre c’est
devoir aussi changer de voix comme nous allons le voir maintenant.
2. Comment sexuer sa voix
Pour comprendre comment les « voix trans » en arrivent à cette discordance, il
faut revenir sur le « traitement » proposé aux personnes trans et notamment sur
l’hormonothérapie qui est généralement la première étape de la transition après
l’évaluation psychiatrique exigée par la plupart des protocoles médicaux. Elle consiste
à neutraliser la production hormonale initiale par un apport hormonal plus spécifique
au corps revendiqué (testostérone ou œstrogènes). Ce traitement induit des
transformations importantes : pour les MtF, développement des seins, affinement de la
peau et de la pilosité, redistribution adipeuse ; pour les FtM développement du clitoris,
de la pilosité, de la musculature et aggravation de la voix. Autrement dit, la prise de
testostérone transforme l’appareil phonatoire des FtM, mais la prise d’oestrogènes ne
modifie pas celui des MtF qui conserve les caractéristiques acquises à la puberté. C’est
pourquoi dans la très grande majorité des travaux traitant de la question de la
discordance des « voix trans », il est essentiellement question des femmes trans. On
considère, en effet généralement, que les voix des hommes trans ne sont en rien
problématiques, puisqu’en devenant plus graves avec la testostérone, elles entrent
« naturellement » dans le registre masculin. De rares travaux récents soulignent
cependant que les hommes trans peuvent rencontrer quelques problèmes d’adaptation
à leur nouvelle voix et proposent aussi, en ce cas, des thérapies vocales 1 . Mais, comme
nous aurons l’occasion de le voir, les thérapies qui leur sont proposées sont finalement
très différentes de celles des femmes trans. Avant de les évoquer, je voudrais insister
sur le fait qu’à travers cette production différenciée des voix masculine et féminine se
donne à voir l’asymétrie fondamentale des procédures de constitution des corps mâles
et femelles dans le programme de transsexuation. En effet, lorsqu’on examine les
diverses interventions proposées dans ce cadre, on remarque que les logiques propres à
l’élaboration des uns et des autres sont finalement inverses. Les possibilités offertes
par les traitements hormonaux et par la chirurgie ainsi que les attentes sociales
concernant les corps féminins et masculins, rendent leur constitution spécifique. Les
constructions génitales MtF, par exemple, sont plus aisées à obtenir que les
constructions génitales FtM. Les techniques de vaginoplastie utilisées actuellement
rendent relativement facile la construction d’un vagin à partir d’un pénis alors que les
techniques de phalloplastie suggèrent que la construction d’un pénis est plus complexe
et plus risquée et ne se définit pas, en tout cas, comme une inversion vaginale. En
revanche, hors les organes génitaux, l’élaboration du corps masculin semble plus aisée
que celle du corps féminin. La testostérone suffit, en effet, à produire les
caractéristiques corporelles reconnues comme indices de virilité (pilosité, hauteur de la
voix, musculature, etc.), alors que l’obtention des indices de féminité équivalents
nécessite généralement de multiples interventions notamment chirurgicales (épilation
Disorders), publié par l’Association de psychiatrie américaine, et la CIM (Classification
internationale des maladies), publié par l’OMS.
1 E. Soderpalm, A. Larsson & S.-A. Almquist « Evaluation of a consecutive group of
transsexual individuals referred for vocal intervention in the west of Sweden », Logopedics
Phoniatrics Vocology , 29 (1), 2004, p. 18-30. J. Van Borsel, G. De Cuypere, R. Rubens, & B.
Destaerke, « Voice problems in female-to-male transsexuals. International Journal of
Language & Communication Disorders », loc. cit.
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